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Que vaut la proposition d’une manifestation nationale pour l’interdiction des licenciements soumise par le POI aux partis politiques de gauche et d’extrême gauche ?

Par Nina Pradier (18 mars 2009)
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Qu’est-ce que le POI ?

Le Parti Ouvrier Indépendant (POI) est un parti ouvertement réformiste, quoique indépendant des institutions, dirigé par les « lambertistes » proprement dits (centristes révisionnistes issus du trotskysme) sur la base d’une alliance organique avec des réformistes assumés, issus pour les uns du PS (tel l’inénarrable ancien candidat à la présidentielle, le petit patron xénophobe Gérard Schivardi (1)), pour les autres de la bureaucratie syndicale (Claude Jenet, Roger Sandri, anciens dirigeants confédéraux de FO). Le sectarisme et les méthodes bureaucratiques de ce courant sont par ailleurs bien connus.

Le POI est néanmoins une organisation du mouvement ouvrier. Ses propositions, comme d’autres, méritent donc d’être examinées avec attention par toutes les organisations du mouvement ouvrier. S’il ne s’adresse généralement pas aux autres organisations (et surtout pas à l’ex-LCR et au NPA, l’ennemi juré), il vient de lancer une campagne inhabituelle, en proposant la préparation unitaire d’une manifestation nationale pour l’interdiction des licenciements. Comme ce mot d’ordre est de fait commun aux organisations d’extrême gauche, il semblerait normal qu’une telle proposition soit au moins discutée.

Que répond le NPA ?

Pour le moment, la direction du NPA n’a pas répondu au POI et a envoyé aux comités une circulaire tentant de justifier une réponse de fait négative. Elle affirme d’une part que le POI aurait déjà fixé la date et le parcours de la manifestation qu’il propose, d’autre part qu’un tête à tête NPA/POI n’est pas une solution pour lutter de façon efficace contre les licenciements. Sur le premier point, le POI répond qu’il n’a rien décidé et, sur le second, il fait valoir que, si un tête à tête NPA/POI n’est en effet pas un but en soi, le fait que les deux partis défendent ensemble la proposition d’une manifestation nationale pour l’interdiction des licenciements ne peut qu’augmenter les chances de convaincre d’autres organisations de s’y joindre…

Le POI n’a donc pas de mal à montrer que la réponse de l’exécutif du NPA n’est pas satisfaisante, mais qu’elle apparaît comme sectaire. Car le mot d’ordre d’interdiction des licenciements est l’un de ceux mis en avant depuis des années par l’ex-LCR et son porte-parole, Olivier Besancenot, popularisé notamment durant la campagne présidentielle de 2007. Et la réponse de l’exécutif du NPA est d’autant moins compréhensible qu’il se présente comme le champion de l’unité dans les luttes, n’hésitant pas pour cela à signer des communiqués communs avec le PS… qui est pourtant l’un des pires obstacles aux luttes (2)…

La proposition du POI s’inscrit certes dans une démarche d’appareil, ce parti cherchant à se construire dans l’espace étroit que lui laisse la popularité du NPA. Cependant, ce n’est pas le seul à vouloir se construire par une démarche d’appareil. Et surtout, sa proposition est inhabituelle justement parce qu’elle exprime aussi, et plus profondément, l’aspiration de nombreux militants du POI, comme des autres organisations dites d’« extrême gauche », à ce que celles-ci s’unissent au moins sur les mots d’ordre qu’elles ont en commun et se posent ainsi comme un front politique alternatif à celui des directions syndicales collaboratrices auquel elles sont censées s’opposer. C’est pourquoi il faut répondre politiquement, sur le fond, à la proposition du POI, avec le souci exclusif de clarifier les enjeux programmatiques et immédiats de la lutte de classe. De ce point de vue :

  1. Oui, toute initiative permettant une intervention commune dans la lutte des classes des principales organisations qui se réclament de l’anti-capitalisme (à commencer par le NPA, LO et le POI) serait un point d’appui pour les travailleurs. En effet, elle irait dans le sens d’un pôle anticapitaliste qui, avec ses milliers de militants, notamment syndicaux, permettrait de créer un véritable rapport de force contre les directions syndicales collaboratrices et les partis réformistes institutionnels comme le PCF et le PG. Ce serait donc un instrument pour un véritable front unique ouvrier. En ce sens, la proposition du POI doit permettre d’ouvrir une discussion entre les organisations dites d’extrême gauche comme à l’intérieur de chacune. Cependant, puisqu’il s’agit de construire un front unique ouvrier, il est inadmissible que le POI, sous prétexte d’une prétendue « indépendance » entre partis et syndicats, ne s’adresse qu’aux partis politiques de gauche, non aux syndicats ! La raison en est-elle qu’il ne veut pas engager de combat contre les directions syndicales, notamment celle de FO… à laquelle participent ses militants alors qu’elle est au premier (ou au second) rang dans les concertations avec Sarkozy ? D’autre part, il est inadmissible de proposer, comme le font aussi bien le POI que le NPA, un tel front unique ouvrier à une organisation comme le PS, qui est un parti bourgeois. En particulier, proposer au PS de se prononcer pour l’interdiction des licenciements est une stupidité incommensurable, puisque ce parti a mené pendant des années une politique ouvertement au service des capitalistes, qui a notamment favorisé les licenciements, et qu’il soutient aujourd’hui le plan de relance de Sarkozy, sans même prétendre défendre les intérêts des travailleurs, comme font au moins semblant de le faire les directions syndicales.

  2. Le mot d’ordre d’« interdiction des licenciements » sème des illusions. Mis en avant par le PCI et le MPPT (ancêtre du POI) dans les années 1980 (sous prétexte de demander au gouvernement bourgeois du PS et du PCF de respecter le « mandat » confié par ses électeurs ouvriers), repris par LO dans les années 1990 et par l’ex-LCR dans les années 2000, ce mot d’ordre fait croire, en effet, qu’une grosse manifestation ou en tout cas une forte mobilisation des travailleurs initiée par une grosse manifestation, pourrait imposer au gouvernement de Sarkozy une loi qui interdirait les licenciements ! Pourtant, une telle loi signifierait la négation même de la propriété privée des moyens de production et du salariat, qui implique la liberté fondamentale du patron d’embaucher et de débaucher selon les besoins de son profit (quelles que soient les éventuelles limitations juridiques encadrant cette liberté, comme la ci-devant autorisation administrative de licenciement). Contrairement à des lois qui cristallisent des acquis sociaux imposés par la lutte de classe dans le cadre même du système (lois sur la baisse du temps de travail, Sécurité sociale, etc.), une loi interdisant de façon générale les licenciements ne peut être acceptée par aucun gouvernement capitaliste. Quand on explique que, sous telle ou telle pression particulièrement puissante de la lutte de classe révolutionnaire (1936, 1944-47, 1968…), la bourgeoisie a préféré concéder des acquis plutôt que de tout perdre, cela ne peut évidemment pas être le cas pour une mesure qui signifierait précisément qu’elle perde tout, c’est-à-dire le principe même du capitalisme ! Sans compter que la situation actuelle n’est pas encore celle des moments historiques en question, loin de là… En faisant croire qu’une certaine pression sur Sarkozy permettrait d’imposer une telle loi, le POI, le NPA et LO sèment des illusions dans la tête des travailleurs : ils présentent l’État bourgeois comme une sorte de sauveur, certes de mauvais gré, mais non moins possible, contre les capitalistes !

    Mais, disent les militants sincères du NPA, du POI ou de LO, le mot d’ordre d’« interdiction des licenciements » n’est-il pas une « revendication transitoire » ? Cette formule magique ne saurait pourtant cacher le fait que, dans le Programme de transition fondateur de la IVe Internationale, où l’axe de la « transition » est expliqué et illustré par des mots d’ordre centraux, il n’y a pas la moindre trace du mot d’ordre d’« interdiction des licenciements » : alors qu’il l’a écrit à une époque où le chômage était massif en raison d’une énorme crise économique, en 1938, Trotsky était-il moins malin que nos actuels dirigeants d’extrême gauche ? Non, mais il proposait d’appeler les travailleurs à ne compter que sur leurs propres forces, non sur l’État bourgeois, et il se battait donc pour le mot d’ordre d’« échelle mobile des heures de travail », c’est-à-dire de répartition des heures de travail entre les travailleurs disponibles, sans baisse de salaires, sous peine de bloquer toute la production ! En revanche, l’interdiction par la loi des licenciements suppose d’être déjà passés de l’autre côté du « pont » auquel Trotsky compare la « transition » entre les revendications actuelles des masses et la révolution ! Car le seul gouvernement pouvant interdire les licenciements serait un gouvernement des travailleurs qui, décidant une telle loi, la ferait appliquer par la contrainte révolutionnaire des prolétaires auto-organisés. En d’autres termes, ce ne serait rien de moins que la révolution elle-même ! En revanche, faire croire qu’une mesure révolutionnaire puisse être prise par un gouvernement bourgeois sous la pression des masses… c’est la définition même du réformisme !

  3. Le POI n’en a pas moins raison d’affirmer que, avec la crise, la lutte contre les licenciements devient encore plus centrale qu’auparavant. Mais ce dont il s’agit, c’est de lutter pour empêcher concrètement les patrons de licencier, avec un seul mot d’ordre vraiment concret : zéro licenciement. Or cela suppose de combattre pour un front unique ouvrier qui verrait se dresser l’ensemble des organisations syndicales et politiques, qui refuserait d’accompagner les licenciements en cautionnant les prétendus plans sociaux et le licenciement pur et simple des intérimaires et des travailleurs en CDD — et qui mettrait en œuvre au contraire une stratégie de grève avec piquets et occupation des entreprises, une stratégie de combat contre les concertations des directions syndicales avec le gouvernement et leurs « journées d’action » sans perspectives, une stratégie frontalement alternative pour la convergence des luttes et la grève générale. De plus, ce combat concret pour préparer la grève générale ici et maintenant ne peut pas être réduit exclusivement à la question, centrale mais non exclusive, des licenciements. En effet, la crise économique n’en est encore qu’à ses débuts et les travailleurs qui se mobilisent aujourd’hui le plus ne sont pas seulement ceux qui sont immédiatement victimes des licenciements, mais aussi ceux qui exigent des augmentations de salaires et ceux qui veulent mettre en échec les contre-réformes du gouvernement. Une intervention concrète dans la lutte de classe, adaptée à la situation immédiate et non à des calculs d’appareil, doit partir de l’ensemble des luttes actuelles, dans les entreprises où sont prévus des licenciements comme dans les autres secteurs, afin de se construire comme un véritable « tous ensemble », donc sur la base d’une plate-forme revendicative unifiante.

    C’est le sens des propositions de la Tendance CLAIRE du NPA pour un véritable front unique ouvrier, auquel contribueraient de façon décisive des initiatives communes, fussent-elles partielles, des organisations qui se réclament de l’anticapitalisme, à commencer par le NPA, LO et le POI.


1) Peu avant la fondation du POI, dans une interview à France-Soir du 24 avril 2008, le petit patron Gérard Schivardi déclarait qu’il ne partageait « pas toujours les mêmes visions » que le PT : « Moi, je suis pour que tout le monde soit propriétaire de ses biens, ils sont hostiles au droit de propriété. » Et il précisait que, « avec certains de ses membres [du PT], mais aussi des élus sans étiquette, des radicaux de gauche, des communistes, des élus du Mouvement des citoyens et même des gens de droite, nous sommes en train de mettre en place un nouveau parti ouvrier indépendant. (…) Ce sera un parti des Français pour les Français. » (Cf. http://francesoir.fr/politique/2008/04/24/gerard-schivardi-royal-aurait-fait-la-meme-chose-que-sarkozy.html) Certes, la plupart des militants du POI serait sans doute en désaccord avec de tels propos. Mais le fait que, dans un parti où l’exclusion est monnaie courante, ces propos n’aient pas empêché G. Schivardi d’être élu  co-secrétaire national du POI quelques semaines plus tard, est à lui seul tout un programme…

2) Cf. la déclaration commune du PCF, du PG, du NPA, de LO, du PS, etc., en date du 3 février et notre critique dans le Bilan du congrès de fondation du NPA (ci-dessous p. 9).

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