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Le combat ne fait que commencer contre l’accord Merkel/Hollande/Tsipras - Colonisation de la Grèce ou rupture anticapitaliste avec l’UE !

Par Gaston Lefranc (16 juillet 2015)
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Dans la nuit du mercredi au 15 au jeudi 16 juillet, le parlement grec a adopté en urgence l'accord conclu le 13 juillet entre Tsipras et les gouvernements européens avec 229 pour, 64 contre, 6 abstentions, et 1 absent. Comme nous l'avons déjà expliqué1, cet accord est encore pire que celui rejeté massivement par les Grecs lors du référendum du 5 juillet. Le programme de Syriza est enterré, l'austérité est décuplée, et le pays est transformé en colonie de l'UE : aucune mesure importante ne pourra être prise sans l'accord de la Troïka et un fonds sous supervision européenne liquidera 50 milliards de ressources publiques grecques pour financer les remboursements de la dette.

Les députés de Syriza approuvent largement le mémorandum alors qu'une majorité du comité central s'est opposé à l'accord

Après le choc de l'annonce de l'accord, la contestation interne dans Syriza a pris rapidement de l'ampleur. Très vite, la jeunesse de Syriza s'est positionnée contre l'accord et a appelé à la mobilisation. Les dirigeants de la plateforme de gauche de Syriza ont également rejeté l'accord. Surtout, mercredi 15 en début d'après midi, une majorité de membres du comité central de Syriza (109 sur 201) ont publié une déclaration2 contre l’accord, qualifié de « coup d’État dirigé contre toute notion de démocratie et de souveraineté populaire ». Cela faisait écho aux premières prises de positions dans les instances de base de Syriza qui appelaient les députés à rejeter l'accord.

Tsipras a alors mis tout son poids dans la balance pour contenir la contestation chez les députés. Le vote a été présenté comme un vote de confiance personnelle engageant la survie du gouvernement. Contrairement au 10 juillet où les députés de la plateforme de gauche (sauf 2 d'entre eux) avaient refusé de bloquer les négociations avec la Troïka, ceux-ci ont pris position clairement contre l'accord. Lafazanis, le principal dirigeant de la plateforme de gauche, a réitéré dans la journée du 15 juillet son appel au gouvernement pour qu’il répudie l’accord. Il a expliqué que la sortie de l’euro était la seule solution et que le gouvernement devait la préparer. La plateforme de gauche tiendra un meeting lundi 20 juillet prochain où elle présentera son plan détaillé de Grexit3. La contestation s'est étendue au delà de la plateforme de gauche. La présidente du parlement (Konstantopoulou) et Varoufakis ont dénoncé l'accord et l'ont confirmé par leur vote4. Les démissions se sont succédées : la vice-ministre des finances (Nadia Valavani) qui a déclaré : « Je ne vais pas voter en faveur de ce projet de loi et je crois qu'on ne peut pas rester au gouvernement si on vote contre » ; le secrétaire général du ministère de l'économie, le secrétaire général chargé de la sécurité sociale au ministère du travail ; etc.

Toute cette contestation interne pouvait laisser penser qu'une grande partie des députés de Syriza, voire même peut- être une majorité, pourrait se prononcer contre l'accord. Tsipras était d'ailleurs sur la défensive, étant obligé de reconnaître que l'accord était « mauvais » et qu'il ne croyait pas lui-même en cet accord, mais qu'il n'y avait pas d'autre choix. Mais finalement, seuls 32 députés de Syriza (sur 149) ont voté contre l'accord, 6 s'abstenant, 1 étant absent, et les autres ont voté pour. Certains députés, au dernier moment, ont changé d'avis et ont voté pour, ce qui a suscité un brouhaha au moment des votes. Les députés de Syriza ont ainsi voté très largement contre l'avis majoritaire de leur parti. Si les députés de la plateforme de gauche ont voté contre l'accord, ils continuent pour le moment de soutenir le gouvernement et refusent de le quitter ! Ce soutien a été réitéré après le vote par Lafazanis jeudi 16 juillet qui tente de s'accrocher à son poste au gouvernement. Un député de la plateforme de gauche a d'ailleurs indiqué à un journal grec que si ce vote était un vote de confiance il aurait voté oui, mais que étant donné que l'opposition allait soutenir le texte, il allait voter non. On mesure bien toutes les limites de ce positionnement, qui s'accompagne pour le moment d'un refus de mobiliser les travailleurs contre l'accord, et donc contre le gouvernement chargé de l'appliquer.

L'opposition pour le OUI au référendum a voté unanimement pour le mémorandum : pas une voix de la Nouvelle Démocratie, du Pasok, de Potami n'ont manqué à Tsipras. Les députés de la droite « souverainiste » (Anel, qui participe au gouvernement) ont également voté pour l'accord. Son dirigeant (Kammenos) avait dénoncé l'accord dans des termes très durs... pour finalement se coucher et garder son poste de ministre de la défense ! Les députés du KKE (15) et d'Aube dorée (17) ont sans surprise voté contre l'accord.

Mobilisation en Grèce contre le mémorandum et répression contre nos camarades

La principale confédération du public, ADEDY, avait appelé (pour la première fois depuis l'élection de janvier) les fonctionnaires à la grève mercredi 15 juillet. C'était également le cas du syndicat des travailleurs des collectivités locales. Des mairies, administrations, pharmacies étaient fermées, tandis que les hôpitaux de la capitale grecque tournaient avec des effectifs réduits. Il y a eu plusieurs rassemblements à Athènes, mais la plus grosse mobilisation a eu lieu le soir devant le parlement. Plus de 15 000 manifestants ont fait pression sur les députés, et ils se sont heurtés à une féroce répression. Une cinquantaine de manifestants ont été arrêtés, dont deux camarades de l'OKDE-Spartakos (composante d'Antarsya), l'un d'entre eux étant violemment frappé par les flics5.

Nos camarades d'Antarsya (coalition de la gauche anticapitaliste) participent pleinement aux mobilisations. Leur influence est d'ailleurs importante dans ADEDY, ce qui n'est pas sans impact sur le positionnement de la confédération. Dans un communiqué le 14 juillet, Antarsya a fait savoir qu'elle organise et appelle à organiser des réunions dans tous les lieux de travail et des quartiers, à mettre en place dès que possible des comités de grève, et à s'opposer à la bureaucratie syndicale de la GSEE (principale confédération du privé). C'est en effet la voie à suivre : les travailleurs ne doivent compter que sur leurs propres forces, leur propre auto-organisation pour bloquer l'accord de la honte approuvé par le parlement.

Il existe une alternative à l'austérité et à la colonisation du pays : la rupture anticapitaliste avec l'UE !

Les députés de la gauche de Syriza refusent donc pour le moment de rompre avec le gouvernement. Cette position est intenable. On ne peut pas soutenir un gouvernement dont la feuille de route est entièrement contenue dans un accord qu'on dénonce ! Par ailleurs, l'opposition a fait savoir qu'elle refusait d'entrer dans le gouvernement. Tsipras maintient donc pour le moment son gouvernement, mais cela ne pourra pas durer bien longtemps. Un gouvernement d'union nationale pourrait voir le jour très rapidement, et la Troïka va pousser dans ce sens là. Mais quelle que soit la configuration, le gouvernement aura de grandes difficultés à appliquer sa feuille de route. Des mobilisations importantes se dresseront sur la route du gouvernement, et il est très important aujourd'hui de populariser une alternative, alors que Tsipras martèle qu'il n'y en a pas.

La plateforme de gauche de Syriza a le mérite de proposer une alternative et de ne pas se prosterner derrière le fétiche euro. Mais son projet d'une rupture antilibérale avec l'euro n'est pas une solution pour les travailleurs. Comme le reconnaît honnêtement l'économiste Lapavitsas, leur projet est de rompre avec l'euro pour mettre en œuvre une politique « keynésienne modérée »6 pour sortir de l'austérité. Nous partageons avec eux la volonté de rompre avec l'euro, d'annuler la dette (même si pour eux l'annulation ne doit pas être totale) et de nationaliser le secteur bancaire. Mais pour eux, il s'agit de sortir de l'euro pour dévaluer la monnaie et regagner en compétitivité sans que cela ne passe par une baisse (directe) des salaires. Cette voie est une impasse : quand le capitalisme est en crise, il n'est pas possible de sortir de l'austérité avec un programme keynésien d'augmentation des dépenses publiques et de hausses de salaires7.

La seule alternative à l'austérité, c'est la rupture avec le capitalisme, qui implique évidemment de rompre avec l'UE et l'euro, mais aussi la nationalisation des secteurs clé de l'économie, le contrôle des travailleurs sur les moyens de production, le commerce extérieur, et la monnaie. Il ne s'agit pas de sortir de l'euro pour créer une nouvelle monnaie capitaliste échangeable sur les marchés financiers. Ne pas remettre en cause la dictature des marchés, c'est se condamner à mettre en place les mêmes politiques d'austérité que la logique du capitalisme impose. L'expropriation des capitalistes à l'intérieur d'un pays doit donc s'accompagner de mesures structurelles de protection de la pression des marchés extérieurs : monopole étatique du commerce extérieur et monnaie inconvertible. Ce sont des conditions nécessaires pour qu'une production socialisée au service des besoins sociaux puisse se développer sans être broyée par la loi de la valeur. Une alternative anticapitaliste est possible en Grèce. Il ne s'agit pas de construire le socialisme dans un seul pays, mais le processus de rupture avec l'ordre capitaliste commencera bien quelque part, et il est de l a responsabilité des anticapitalistes d'apporter des réponses concrètes à des situations concrètes, sans se contenter de formules générales sur la révolution mondiale...

Gaston Lefranc

1http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=780

2http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=13865

3On en connaît déjà les grandes lignes : les grandes orientations : http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=13807

4Tout en se levant pour applaudir le discours de Tsipras au parlement appelant à voter OUI juste avant le vote !

5Voir le communiqué du NPA : http://tendanceclaire.npa.free.fr/breve.php?id=13885

6https://www.jacobinmag.com/2015/06/syriza-troika-lapavitsas-austerity-tsipras/

7Cf. nos nombreuses contributions sur ce point : http://tendanceclaire.npa.free.fr/article.php?id=all&keyword=%C3%A9conomie

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