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    Analyse critique du programme du « Nouveau front populaire », deuxième partie

    « L’été des bifurcations » : les mesures des « 100 premiers jours »

    La Tendance CLAIRE appelle à voter pour tou-te-s les candidat-e-s du Nouveau Front populaire (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1939), alliance imposée par les circonstances, auquel elle apporte un soutien critique. Nous avons publié dimanche une analyse critique de la première partie de son programme, consacrée aux mesures de « la rupture » des « 15 premiers jours » (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1940). Nous poursuivons aujourd’hui avec l’examen des mesures annoncées pour la suite, celles des « 100 premiers jours » ou « l’été des bifurcations ». Contrairement aux premières mesures, qui seraient prises par décret dès la nomination du nouveau gouvernement, celles-ci, tout en relevant également de l’urgence sociale et écologique, seraient plus substantielles. Elles passeraient par des lois discutées et votées à l’Assemblée nationale lors d’une session extraordinaire début août et une seconde session en septembre.

    A. « Faire une grande loi pour le pouvoir d’achat »

    Cette loi s’ajouterait aux mesures prises par décret en juillet (SMIC à 1600 euros, augmentation de 10% du point d’indice des fonctionnaires et des APL, etc.). Il s’agit « de rattraper et d’améliorer la situation sociale des Français grandement paupérisés par 7 ans de macronisme et 3 ans d’inflation ». Cela passerait par les mesures suivantes :

    • « Organiser une grande conférence sociale sur les salaires, l’emploi et la qualification » ; si l’on ne veut pas qu’il s’agisse là d’un énième épisode du prétendu « dialogue social » qui subordonne les syndicats aux exigences patronales, il faut commencer par satisfaire les revendications portées par les syndicats ; mais ceux-ci ne sont pas toujours à l’écoute des salarié-e-s, loin de là, et il faudrait profiter de cette opportunité pour réunir les travailleur/se-s dans toutes les entreprises afin qu’ils/elles définissent leurs revendications et se politisent par la discussion comme par des actions contre leurs patrons, notamment la grève dès que nécessaire. Il faut donc convoquer des Assemblées générales partout et permettre aux salarié-e-s d’être acteurs et actrices des discussions qui les concernent, de sorte que les syndicats soient mandatés par la base – ce qui du reste les renforcerait eux-mêmes considérablement. Sans cette mobilisation des travailleur/se-s, les patrons continueront d’imposer leurs exigences, notamment en faisant du chantage, en menaçant de désinvestir, délocaliser et licencier, et le gouvernement du NFP cèdera.

    • « Indexer les salaires sur l’inflation et porter l’Allocation d’Autonomie Handicapée (AAH) au niveau du SMIC ». Ces deux mesures sont indispensables. Mais il faut aussi imposer l’application effective de la loi de 1984 qui exige que les entreprises de plus de 20 salarié-e-s et les services publics embauchent 6% de personnes handicapées, et que ce ne soit pas avec des contrats précaires. Car le travail reste l’un des meilleurs moyens de permettre aux gens en général d’être intégrés socialement et autonomes. C’est donc de cette façon aussi que les personnes handicapées pourront n’être plus discriminées – et mieux lutter contre le validisme. Cela suppose évidemment l’aménagement des postes de travail et des accès aux entreprises comme aux services publics, et il faut donc imposer les mesures nécessaires aux entreprises, aux collectivités et aux services de l’État lui-même (au lieu de tolérer de facto la violation des lois déjà faites sur ces questions).

    • « Abolir la taxe Macron de 10% sur les factures d’énergie, annuler la hausse programmée du prix du gaz au 1er juillet, plafonner des frais bancaires, faire la gratuité des premiers KwH, abolir les coupures d’électricité, de chaleur et de gaz (hors trêve hivernale), annuler les réformes Macron sur le revenu de solidarité active (RSA) ». Toutes ces mesures sont justes et urgentes. Cependant, le gouvernement et le Parlement n’ont pas le pouvoir d’imposer leurs conditions aux trusts de l’énergie. Pour cela, il faut renationaliser sans rachat Engie, Enedis, etc., et les reconstituer avec EDF comme monopoles publics de l’électricité et du gaz (production, acheminement et distribution). Or le programme du NFP ne l’envisage pas ; le PS est contre ces nationalisations, lui qui avait précisément (dès Jospin) engagé le processus de privatisation. Celle-ci avait été exigée par l’Union européenne. La renationalisation, sous forme de monopole public, exigerait de désobéir aux traités de l’UE, qui imposent la concurrence dans tous ces services. Il faudra donc l’imposer au nouveau gouvernement, en s’appuyant sur les député-e-s LFI et surtout en engageant une grande mobilisation des travailleur/se-s de l’énergie et des usager/ère-s (qui sont pour l’essentiel les autres travailleur/se-s). Là encore, il ne faudra pas laisser le gouvernement prendre seul les décisions, mais soutenir contre les patrons et l’UE celles qui vont dans le bon sens et imposer par la lutte de classe celles dont il ne veut pas ou qu’il n’envisage pas.

    B. « Faire une grande loi santé »

    Il est juste de considérer comme une priorité la « reconstruction des deux services publics les plus cruciaux : santé et éducation ». Pour la santé, le programme du NFP s’engage à

    • « Réguler l’installation des médecins dans les déserts médicaux et rétablir des permanences de soin des soignants libéraux dans les centres de santé. » Faute de mesures concrètes, cela reste bien vague. Et surtout, on passe ici à côté de l’essentiel : si l’on veut mettre en œuvre une véritable politique de santé publique au service de la population, il faut mettre en cause l’hégémonie du statut libéral des médecins (57% des médecins sont des libéraux – 50 % des spécialistes et 66 % des généralistes –, 45 % le sont exclusivement et 12 % cumulent des activités salariée et libérale). Or, au-delà même du manque absolu de médecins en France à cause du strict numerus clausus maintenu pendant des années, l’hégémonie du statut libéral participe à la création des déserts médicaux et au maintien des inégalités territoriales en général. Il faut aussi mettre en cause le monopole des compétences médicales, qui devraient être reconnues aux professions paramédicales et sages-femmes qui les détiennent déjà, et transmises systématiquement au cours de leurs carrières. Si l’on veut vraiment lutter contre les déserts médicaux, il faut privilégier la mise en place de structures publiques, avec des médecins fonctionnaires, de bons salaires et des horaires de travail attractifs, dans tous les endroits où il n’y a pas assez de médecins (c’est-à-dire non seulement les zones rurales, comme on y pense en général, mais aussi les quartiers populaires des grandes villes, à commencer par ceux où habitent les deux tiers de la région Île-de-France, le 93 étant l’un des départements les moins bien dotés du pays), et permettre l’élargissement des compétences des professionnel.le.s de santé déjà installé.e.s sur place.

    • « Conditionner l’ouverture des cliniques privées à la participation à la permanence des soins et à la garantie d’un reste à charge zéro. » Là aussi, en acceptant le principe des cliniques privées et même en prévoyant d’en ouvrir d’autres, fût-ce avec des conditions, on est loin d’une véritable politique de santé publique ! On compte déjà en France plus de 1000 cliniques et hôpitaux privés à but lucratif, représentant 25% des capacités d’hospitalisation. Leur chiffre d’affaires cumulé s’élevait à 16 milliards d’euros en 2019, soit 15,8 millions par clinique en moyenne et un taux de rentabilité net de 2,4% (avec bien sûr de fortes disparités). Or ces cliniques sont financées non seulement par les patients qui ont les moyens de payer plus que les tarifs de base de la Sécurité sociale, mais aussi par la Sécurité sociale et les mutuelles (à travers les mécanismes de remboursement). Est-il juste de laisser des capitalistes, médecins ou pas, s’enrichir ainsi sur le dos de la collectivité ? S’ils veulent gagner de l’argent, qu’ils le fassent, mais sans compter sur l’argent socialisé des travailleur/se-s : que les riches et leurs assurances privées se débrouillent ! Si ces établissements privés craignent alors de n’être plus rentables, qu’ils intègrent sans conditions le servie public hospitalier. D’ailleurs, 26% des établissements privés à but lucratif sont déjà déficitaires : il faut leur proposer d’être intégrés dans le service hospitalier public en échange de l’effacement de leur dette. Et il faut plus généralement investir massivement dans l’hôpital public.

    • « Engager un plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social (médecins, infirmiers, aides-soignants, personnels administratifs) et de revalorisation des métiers et des salaires. » D’accord, mais sous quel statut ? Dans quelles conditions de formation et d’exercice ? Là encore, on reste dans le vague ! Il faut recruter massivement dans le public, c’est-à-dire créer des milliers de postes de fonctionnaires supplémentaires, en chiffrant les besoins à partir des revendications des syndicats et des AG de soignant-e-s salarié-e-s.

    • « Créer un pôle public du médicament avec renforcement des obligations de stocks. » La logique de « pôle public » en général n’est pas satisfaisante, car cela signifie la concurrence entre le secteur public et le privé, avec à la clé soit une asphyxie du public, soit une piètre qualité de ses services. Il faut mettre en place un monopole public du médicament, car la santé est un secteur stratégique. Les trusts pharmaceutiques français ont fait bien assez de profits ces dernières décennies, avec aussi un ensemble de malversations, de produits administrés hors AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), ou de mauvaises prescriptions comme la Dépakine de Sanofi donnée aux femmes enceintes, le Mediator de Servier, le scandale de la chloroquine pendant le covid [1], etc. : il est temps de les nationaliser sous le contrôle des salarié-e-s et des usager/ère-s !

    • « Interdire tous les polluants éternels (PFAS) pour toutes les utilisations, notamment les ustensiles de cuisine. » Oui, bien sûr ! Le projet de loi sur ce sujet fait partie de ceux qui étaient en cours d’examen à l’Assemblée (il avait du reste été ratiboisé par la droite sénatoriale...) et qui sont tombés à l’eau avec la dissolution... Il faudra donc en refaire un, qui pourra être bien plus ambitieux si le NFP gagne les élections.

    C. « Faire une grande loi éducation »

    
Avec la santé, l’éducation est l’autre priorité dans l’objectif de « reconstruire les services publics ». Le NFP annonce vouloir :

    • « Réduire les effectifs par classe pour faire mieux que la moyenne européenne de 19 élèves. » Oui, et cela suppose le recrutement de milliers d’enseignant-e-s. Il faut commencer par titulariser (et former) tou-te-s les contractuel-le-s, embaucher tou-te-s les admissibles des concours 2024 et proposer aux prochains concours le nombre de postes correspondant aux besoins, tels que les chiffrent les syndicats et les AG de personnels.

    • « Moduler les dotations des établissements scolaires – y compris privés – en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale. » Non ! Il est inadmissible qu’un programme se réclamant de la gauche veuille continuer à financer l’enseignement privé, au mépris des besoins du public et de la laïcité (puisque cet enseignement est à 95% catholique). Il faut au contraire abroger les lois organisant le financement de l’école privée par l’argent public ! Il faut renouer avec le mot d’ordre simple, clair et classique : « à l’école publique, fonds publics, à l’école privée, fonds privés ! » Certes, il ne s’agit pas d’interdire les écoles privées (même s’il faut des mécanismes de contrôle, comme pour toutes les entreprises et associations) : ce ne sont pas des entreprises et nous ne sommes pas pour que l’État empêche l’exercice de libertés fondamentales (les parents doivent garder le droit d’éduquer leurs enfants avec leurs croyances et il serait absurde de créer un conflit politique majeur en interdisant des institutions qui, à tort ou à raison, sont conçues par leurs soutiens comme des représentantes et des vectrices de leurs croyances). En revanche, ce n’est pas à l’État de les financer, car l’État doit être laïque et donc ne favoriser aucun culte. Les écoles privées, en plus de leur vocation religieuse, sont aussi aujourd'hui un outil de reproduction de la ségrégation sociale par l'argent : inscrire les enfants en école privée revient souvent à payer pour les placer dans un environnement social jugé plus favorable que l'école publique. Une telle stratégie de distinction sociale ne doit pas être financée par l’argent public. C’est en améliorant l’école publique, donc en commençant par satisfaire les revendications de ses personnels, qu’elle pourra redevenir attractive pour une partie des parents qui (même dans certains milieux populaires) décident aujourd’hui d’inscrire leurs enfants dans le privé moins pour des raisons religieuses que pour y trouver de meilleures conditions de scolarité.

    • « Démocratiser l’université en abolissant Parcoursup et la sélection dans l’université publique, instaurer le repas à 1 euro dans les Crous. » Tout à fait d’accord ! Mais cela ne doit pas s’arrêter là ; or il n’y a rien de plus sur l’université et la recheche dans le programme du NFP, même dans sa partie 3 consacrée aux « transformations » à réaliser lors des « premiers mois » (après les 100 premiers jours). Il faut revenir bien plus en profondeur sur la structure de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en abrogeant les lois LPR, LRU, Savary, etc. et en revenant à un fonctionnement bien plus démocratique de l’ESR (en empêchant la professionnalisation des directions des structures). Il faut aussi des moyens pérennes pour la recherche et arrêter le financement, de plus en plus central, par appel à projet, qui rend la recherche court-termiste et transforme les métiers. Enfin, et comme dans tous les services publics, il est plus qu’urgent de mettre fin à la précarité dans tous les métiers de l’ESR (BIATSS et EC), de titulariser l’ensemble des contractuels et de créer des postes à hauteur des besoins (criants !).

    • « Investir dans l’Éducation nationale à hauteur des besoins en engageant la revalorisation des grilles de salaires, en réinvestissant dans les locaux scolaires, en renforçant les effectifs de la médecine scolaire – en garantissant le nombre de personnels par établissement – et de la vie scolaire en reconnaissant leur rôle pédagogique, en créant un service public d’accompagnement des élèves en situation de handicap, en formant et titularisant les actuelles accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH). » Oui, et il faut donc chiffrer le nombre de recrutements nécessaires pour tout cela.

    • « Mettre en place une garantie d’autonomie qui complète les revenus des ménages situés sous le seuil de pauvreté (accessible dès 18 ans pour les personnes indépendantes fiscalement et dès 16 ans pour les élèves de l’enseignement professionnel). » Oui, pour commencer, car il faudra ensuite étendre la garantie d’autonomie aux autres jeunes.

    D. « Entamer la planification écologique. »

    Sur la question écologique, le NFP promet « une loi énergie climat » qui « permettra de jeter les bases de la planification écologique ». Elle contiendrait les mesures suivantes :

    • « Inscrire le principe de la règle verte » (règle selon laquelle on ne prélève pas plus dans la nature que ce qu’elle est capable de reconstituer). Cela ne mange pas de pain, mais c’est seulement symbolique si l’on ne se donne pas les moyens de piloter l’économie par la maîtrise des principaux moyens de production, ce qui suppose la nationalisation des principales entreprises du pays sous contrôle de la population.

    • « Mettre en place un plan climat visant la neutralité carbone en 2050 » ; idem.

    • « Assurer l’isolation complète des logements, en renforçant les aides pour tous les ménages et garantissant leur prise en charge complète pour les ménages modestes. » Oui, l’isolation complète des logements est indispensable et urgente, mais la voie des « aides » a montré les limites drastiques de son efficacité. Outre le labyrinthe administratif qui dissuade la plupart des gens, les aides n’empêchent pas qu’il faille débourser beaucoup d’argent. C’est enfin un cadeau aux entreprises du bâtiment, qui en profitent pour augmenter leurs prix – et qui sont par ailleurs parmi les championnes de l’embauche de travailleur/se-s sans papiers sous-payés et dont les droits sont violés. Pour réaliser un vrai plan d’isolation des logements (comme de façon générale pour réhabiliter les logements vétustes et les bureaux vides : nous y reviendrons), il faut créer une grande entreprise nationale de la construction, qui serait spécialisée dans ces domaines, respecterait les clauses écologiques et proposerait des tarifs adaptés aux revenus des ménages. Les travailleurs/se-s auraient un statut d’ouvriers d’État, que l’on revitaliserait à cette occasion (il a été supprimé ces dernières décennies). Les patrons et les salarié-e-s des petites entreprises du secteur seraient intégrés s’ils le souhaitent.

    • « Accélérer la rénovation des bâtiments publics (écoles, hôpitaux, etc.) » Là aussi, cela ne doit pas profiter aux entreprises du bâtiment, qui sont en l’occurrence de grandes entreprises, mais être réalisé par l’entreprise publique de la rénovation qu’il faut créer.

    • « Renforcer la structuration de filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables (de la fabrication à la production) ». L’expérience montre que, si on laisse ce secteur au marché libre, cette promesse sera vaine : on a vu la faillite récente des entreprises produisant des panneaux solaires et la concurrence entre les trusts privés de l’électricité est synonyme de gâchis, voire de gabegie. Il faut reconstituer un monopole public de l’électricité, en lui permettant de développer en priorité le secteur des énergies renouvelables. Cela ne peut commencer qu’à l’échelle nationale. S’il est possible ensuite de l’étendre à d’autres pays européens, alors cela n’en sera que mieux. Mais il faut évidemment rompre avec les principes mêmes de la libre concurrence et des privatisations que l’Union européenne a imposées depuis des décennies.

    • « Faire de la France le leader européen des énergies marines avec l’éolien en mer et le développement des énergies hydroliennes. » Peu importe que la France soit leader européen ou pas ! Ce qui compte, c’est de développer ces énergies et les partenariats avec d’autres pays qui mettraient en place eux aussi un monopole public seraient très utiles.

    • « Revenir sur la fusion entre l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN). » Oui, bien sûr. Et il faut aussi ouvrir un débat public sur le nucléaire, vu que les partis du Front populaire sont en désaccord à ce sujet. Comme l’avait proposé Jean-Luc Mélenchon pendant la présidentielle (au moment où il proposait au diviseur Fabien de revenir à l’unité qui aurait permis de la gagner) et comme c’était indiqué dans le programme de la NUPES en 2022, cela devrait aboutir à un référendum, après le temps nécessaire à la présentation de tous les arguments contradictoires, des expertises, des pronostics et des évaluations des risques.

    • « Refuser la privatisation des barrages hydroélectriques. » Bien sûr, mais cela suppose là encore de désobéir à l’Union européenne, qui fait une pression considérable, depuis des années, pour la mise en concurrence des entreprises qui gèrent ces barrages – et qui sont déjà privées (Engie, Compagnie du Rhône, etc.). Là aussi, il ne faut pas seulement s’opposer aux privatisations, mais il faut créer un monopole public, en renationalisant et en fusionnant Edf, Engie, etc.

    E. « Lutter contre toutes les formes de racismes, contre l’antisémitisme et l’islamophobie »

    On ne peut qu’être d’accord avec le programme du NFP quand on y lit : « Au moment où l’extrême droite menace, nous rappelons que la parole et les actes racistes, antisémites et islamophobes se propagent dans toute la société et connaissent une explosion inquiétante, sans précédent. Aucune tolérance n’est de mise face à ces menaces et à ces comportements d’où qu’ils viennent. S’attaquer à nos compatriotes pour leur couleur de peau ou leur religion supposée ou réelle, c’est s’attaquer à la République. En voir certains quitter ou vouloir quitter notre pays est un échec collectif. » Mais le racisme n’est pas qu’une question de paroles et d’actes : c’est aussi et avant tout un problème structurel, qui exprime les besoins de la bourgeoisie et gangrène les institutions de l’État car il accompagne le néo-colonialisme, notamment en Afrique, comme les politiques de division de la classe ouvrière. Le NFP ne va pas assez loin dans la prise en compte du problème, mais nous ne pouvons que soutenir les mesures auxquelles il s’engage, malgré leur insuffisance flagrante :

    • « Donner à la justice les moyens de poursuivre et de sanctionner les auteurs de propos ou actes racistes, islamophobes et antisémites. »

    • « Instaurer un Commissariat à l’égalité doté d’un Observatoire des discriminations et de pôles spécialisés au sein des services publics et des cours d’appel. »

    • « Adopter et mettre en œuvre un plan de lutte contre les discriminations, notamment à l’embauche, à la santé et au logement, et le renforcement des sanctions. »

    Nous nous réjouissons aussi que le programme du NFP accorde autant d’importance au combat contre l’antisémitisme (qui n’est pas « résiduel », comme l’a écrit à tort Jean-Luc Mélenchon) et au combat contre l’islamophobie (qui est de plus en plus massive) :

    •
« L’antisémitisme a une histoire tragique dans notre pays qui ne doit pas se répéter. Tous ceux qui propagent la haine des juifs doivent être combattus. Nous proposerons un plan interministériel pour comprendre, prévenir et lutter contre l’antisémitisme en France, notamment à l’école et contre ses effets sur la vie des populations qui le subissent. » Ajoutons, au risque de susciter la polémique avec un certain nombre de gens du PS et de Place publique, que la lutte contre l’antisémitisme passe aussi par le refus d’y assimiler l’opposition politique et la critique du sionisme, de l’État d’Israël et de sa politique expansionniste coloniale. Nous redisons pour notre part que la perspective la plus juste est celle d’une seule Palestine laïque et démocratique réunissant à égalité Juifs et Arabes.

    • « Une autre haine cible particulièrement les musulmans ou les personnes assimilées à cette religion. Elle découle notamment de l’omniprésence des discours islamophobes dans certains médias, de presse écrite ou audiovisuelle. Nous proposerons un plan interministériel pour comprendre, prévenir et lutter contre l’islamophobie en France, et contre ses effets sur ceux qui la subissent. » Selon nous, il faut ajouter l’abrogation des lois et décrets islamophobes existant en particulier pour l’école (fin de l’interdiction de l’abaya, abrogation de la loi de 2004 sur l’interdiction du voile à l’école). L’instrumentalisation islamophobe du principe de laïcité doit cesser. Et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dissout par Darmanin, doit être rétabli.

    • « Nous assurerons la sécurité des lieux cultuels et culturels (juifs, musulmans, chrétiens) de notre pays en renforçant si nécessaire toutes les mesures de protection policières dont elles bénéficient. » Pour le moment, cette protection policière est utile, quoique insuffisante pour ce qui concerne les mosquées ; mais qu’en sera-t-il demain ? Il faut aussi que les croyant-e-s participent dès maintenant à leur propre sécurité en s’organisant pour protéger leurs lieux de culte. Ici comme ailleurs, l’auto-organisation est la meilleure voie.

    F. « Abolir les privilèges des milliardaires »

    Enfin, pour financer les mesures annoncées, le NFP s’engage à taxer les riches. Il entend même s’inscrire dans l’héritage de la Nuit du 4 août 1789, pendant la Révolution française ! Il s’agit en effet d’« adopter un projet de loi de financement rectificative le 4 août, pour se doter d’une politique fiscale juste avec notamment les mesures suivantes :

    • « Accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches. »

    • « Rendre la CSG progressive. »

    • « Rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) renforcé avec un volet climatique. »

    • « Supprimer la flat tax et rétablir l’exit tax. »

    • « Supprimer les niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes. »

    • « Réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines et instaurer un héritage maximum. »

    • « Instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés. »

    Nous sommes d’accord avec tout cela (sauf avec le maintien de la CSG, car c’est un impôt et il faut revenir à un financement de la Sécurité sociale uniquement par des cotisations...), mais là encore il faudrait anticiper les conséquences ! Comment croire que les riches se laisseraient faire ? Si l’on tient à se référer à la Révolution française, il faudrait rappeler que les aristocrates ont réagi à l’abolition de leurs privilèges en émigrant, en s’alliant avec les monarchies étrangères... et en levant des armées pour attaquer la République ! Aujourd’hui, les riches feront tout pour échapper à l’impôt en massifiant leur évasion fiscale, en investissant leur argent dans le capital d’entreprises à l’étranger, en désinvestissant des entreprises situées en France, ce qui conduirait à des licenciements massifs, etc. Il faut donc embaucher des personnels supplémentaires dans les services de lutte contre la fraude fiscale, mais aussi rétablir le contrôle des flux de capitaux et des changes à l’entrée et à la sortie du pays, et notamment interdire les fermetures d’entreprise, les délocalisations, les plans de licenciements, etc. Tout cela suppose encore une fois de s’en prendre frontalement aux intérêts des capitalistes, de ne pas hésiter à exproprier les grandes entreprises et de rompre avec les principes et les règles de l’UE. Sinon, les mesures annoncées ne pourront pas être mises en œuvre, ou leurs conséquences obligeront le gouvernement à reculer sur ses propres plans de mesures sociales et écologiques au bout de quelques mois. La seule solution, pour les travailleur/se-s, est de se préparer dès maintenant à empêcher ces reculs, à combattre leurs patrons, à appuyer les mesures progressistes du NFP, à imposer celles qui ont été promises et qui ne seraient pas tenues... Tout cela doit être approprié et discuté partout dès maintenant, notamment dans les syndicats et sur les lieux de travail. C’est aussi un moyen de politiser massivement et de faire progresser la conscience de classe. Car le soutien critique au Nouveau Front populaire implique bien le soutien à ses mesures progressistes, mais aussi la critique de ses insuffisances, de ses inconséquences, des illusions qu’il pourrait semer...

    Notes

    [1] Ces médicaments, bien utilisés, peuvent rester de bons outils pour soigner ou améliorer la vie de nombreuses personnes.

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