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Quel avenir pour l’entreprise Photowatt de Bourgoin-Jallieu (Isère)?
Photowatt, pionnier de l’énergie solaire placée en redressement judiciaire le 8 novembre, connaitra le sort que lui réservent les capitalistes fin février
Bref historique de Photowatt
Fondée en 1979, Photowatt était le seul acteur français de la filière photovoltaïque, du traitement du silicium à la réalisation complète de modules solaires à haut rendement. Propriété du canadien Automation Tooling Systems (ATS), depuis 1997, l'entreprise emploie environ 3 000 personnes sur 21 sites de fabrication au Canada, aux USA, en France, en Suisse, en Allemagne, en Asie du sud et en Chine. ATS est le leader mondial également de l’automatisation industrielle.
En 1979, Photowatt était classée au 12ème rang mondial avec une production de 20 mégawatts (MW), alors qu'elle n"est aujourd'hui plus qu'en 72ème place avec une production de 57 MW, très loin derrière le chinois Suntech et ses 1 250 MW.
En six ans, Photowatt, qui était considérée comme un fleuron mondial dans son secteur, a progressivement abandonné des parts de marché sous la pression du marché asiatique notamment chinois et des incohérences stratégiques du gouvernement Sarkozy. De restructurations en délocalisations, elle a perdu la moitié de ses effectifs en trois ans passant de 800 à 442 ce qui n’empêchait pas d’afficher une dette de 25 millions d'€ lorsqu’elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Vienne, en novembre dernier, avec une période d'observation de six mois.
Photowatt sacrifié sur l’autel de la rentabilité
Dès le 7 juin 2011, la Tribune rapportait que le groupe canadien Automation Toolling Systems (ATS) était décidé à mettre en vente le site de Bourgoin-Jallieu dont le chiffre d’affaire était de 160 millions d'€, en augmentation de 22% en 2010 mais avec un EBE (1) en baisse de 50% et un résultat net (2) en baisse de 107%.(Source ATS). Cette décision faisait suite au dernier plan social de février 2010 qui avait jeté sur le carreau 196 CDI et 136 intérimaires sur les 670 salariés du site et une délocalisation d’une partie de la production en Pologne. Cette restructuration à la hache était encore aggravée par une mise en chômage partiel en novembre et décembre 2010 du reste des travailleurs. Pour autant, toutes ces opérations capitalistiques se révélaient insuffisantes pour les actionnaires de ATS qui considéraient Photowatt comme « un canard boiteux » car devenue un « poids dans ses comptes » et donc décidaient de s’en débarrasser. En langage clair, ne répondant plus aux marges de rentabilité qu’ils exigeaient les Photowatt étaient sacrifiés sur l’autel de la rentabilité financière.
C’est la faute aux chinois !
Pour expliquer ces décisions, ATS rapporte que Photowatt est 30 à 40% plus cher que ses concurrents et que, de ce fait, elle n’a pas pu résister au rouleau compresseur asiatique notamment chinois qui paie ses travailleurs à coups de lance-pierres. Un travailleur chinois touche en moyenne 260 € (2 700 yuans) / mois avec un salaire minimum de 62 € (640 yuans). Et encore, à la campagne, certains arrivent à peine à « gagner » 30€ / mois (308 Yuan) dans des conditions de travail des plus moyenâgeuses.
Pour se déculpabiliser, ATS annonce que les allemands Solar Millenium et Solon ou l’américain Solyndra ont mis la clé sous la porte ces derniers mois et qu'ils seraient tous dans la même galère.
Comment en est-on arrivé là : Photowatt, victime de la politique de Sarkozy
Photowatt « est sans doute victime du moratoire et des nouvelles règles imposées au photovoltaïque en mars par le gouvernement », commente David Guinard, porte-parole de l'Association des producteurs d"électricité solaire indépendants (Apesi). Pour les syndicats, l’autocrate présidentiel a « tourné le dos aux engagements du Grenelle de l’environnement, et a fermé le robinet au développement des énergies propres et renouvelables en instaurant un moratoire de trois mois sur les projets de plus de trois kilowatts crête (Kwc) (3), ce qui a achevé de lui couper les ailes ». Confirmation par l’abandon d’une société américaine qui prévoyait un investissement d'une centaine de millions d'€ pour son usine de fabrication de panneaux solaires à Blanquefort. Elle a stoppé une première vague de 50 embauches sur 4 000. « Une centaine d'entreprises et plusieurs milliers d'emplois sont menacés par le moratoire » estime de son côté le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Plus de 350 mégawatts de panneaux solaires « en cours de construction ou commandés, un investissement de plus de 1,5 milliard d'euros vont être définitivement arrêtés » selon le SER.
De plus, syndicats et travailleurs s’accordent pour dire que le gouvernement est « coupable de ne pas avoir accordé le soutien financier pour conserver l'unique filière intégrée installée sur le territoire ». « Pourtant nous avions un avenir, il y a un marché, notamment depuis Fukushima et la décision de sortir du nucléaire de nombreux pays, mais pour une raison incompréhensible, le gouvernement limite à 500MW le volume annuel d’installations photovoltaïques » (selon un délégué syndical CFDT). Ce coup de frein a été aggravé par la direction de Photowatt qui n’a pas investi suffisamment dans les moyens de production, ainsi que l’inertie de PV Alliance, une filiale dédiée à la recherche par le CEA, EDF Energies Nouvelles Réparties (ENR) qui devaient travailler sur la mise au point d’une technologie présentée comme une « innovation de rupture » en avance sur les produits chinois (des prototypes de cellules photovoltaïques à haut rendement).
Pour les travailleurs, cette situation faite à leur entreprise, ces décisions sont complètement irrationnelles compte-tenu de la conjoncture propice au développement du solaire. Ils dénoncent la stratégie de ATS qui dans le même temps installe une unité de montage en Ontario en passant un partenariat avec Q-Cells qui fait fabriquer les cellules en Malaisie et montrent aussi du doigt la fuite organisée de leur savoir-faire par l'actionnaire.
Les répliques des travailleurs bien en deçà de l’enjeu
Pour l’instant, pour tenter de sauver leur entreprise, les salariés, qui dénonce la faiblesse de la politique industrielle française dans ce secteur, ont fait appel au ministre de l'Industrie et à Sarkozy et son gouvernement auxquels ils demandent un rendez-vous : « Il avait fait la promesse de mettre un euro dans le photovoltaïque pour un euro dans le nucléaire, rappelle la délégué CFDT. Où sont les promesses ? » Ils recherchent des repreneurs en approchant les grands opérateurs français. Pour l’heure, pas un seul n’a montré d’intérêt pour Photowatt. EDF Energies Nouvelles Réparties souhaite privilégier les solutions de First Solar, Total s’est associé à SunPower, GDF n’a pas encore statué sur sa stratégie en matière de photovoltaïque, Schneider Electric s'associe avec Soitec, et Saint-Gobain opte pour des solutions à l’étranger.
Hier après l’avoir étranglée, voici les X.Bertrand, N.Koscisuko-Morizet à son chevet !
Cette volte-face n’est pas étrangère aux présidentielles. Sarkozy fait feu de tout bois pour essayer de montrer qu’il défend l’emploi (Seefrance) aussi a-t-il envoyé au charbon X.Bertrand et N.Kociusko-Morizet. C’est ainsi que NKM a affirmé le 3/01 sur RMC-BFMTV que l'État était « prêt à aider » Photowatt, tout en faisant état d'un « problème de propriété » des brevets qui n'appartiennent pas à l'entreprise. Sa direction a répliqué en « assurant que les brevets étaient bien la propriété de Photowatt et de PV Alliance, un consortium appartenant à 40% à Photowatt, 40% à CEA Entreprises et 20% à EDF Énergies Nouvelles Réparties, filiale d’EDF », a précisé un porte-parole. Les brevets appartiennent donc à l'État par l’intermédiaire de ce consortium. Les travailleurs sont donc d’un optimisme mesuré tant les promesses qui leur ont été faites n'ont pas ou peu été tenues.
Mobilisation sans doute sympathique mais qui n’a aucune chance de réussir tant le folklore n’a pas sa place dans la lutte des classes
Superwatt s’est payé un bébêteshow avec les élus PS isèrois. Un vrai théâtre guignol
Pour sauver les 441 emplois en péril, les salariés ont décidé de se mobiliser et de faire appel à SuperWatt, un super héros pour faire le buzz et censé être doté du super pouvoir de sauver leurs emplois. Derrière ce masque messianique, ce sont 150 travailleurs qui forment un collectif (sans couleur politique ni syndicale), qui ne veut pas « défiler derrière des banderoles, séquestrer le patron pour faire entendre notre voix, ce n'était pas nous. On a donc décidé de chercher des formes de manifestations innovantes pour nous rebeller tout en montrant le potentiel de notre entreprise » ; « Plutôt que de faire défiler indéfiniment des millions de français, avec pancartes et slogans, sans le moindre résultat, comme on l’a vu lors des manifs pour défendre la retraite ».
Dans une période marquée par les défaites, le recul et la crise des forces syndicales, du mouvement ouvrier, la structuration et l’extension des mobilisations sont problématiques, même si la tendance s’inscrit dans un renouveau des luttes. Les déclarations de Superwatt sont révélatrices d’un divorce profond entre les travailleurs et les institutions syndicales. Il existe, naturellement, plusieurs façons de dépasser ce constat : soit par la lutte de classe et la réappropriation de l’outil syndical soit s’en remettre à « un sauveur suprême ». Les travailleurs sont donc en recherche d’une affirmation, d’une identité, de moyens d’action mais souvent dans pareil cas, force est de constater que faute de référent de classe, ils peuvent être conduits parfois dans l’impasse. Il semblerait que le collectif Superwatt pourrait en être l’illustration d’autant que les organisations syndicales sont attentistes et ne proposent rien.
Le choix du collectif est certes contestable mais il n’empêche que la dénonciation des structures syndicales comme des responsables de l’absence de perspective, sur leur refus de s’engager dans la construction d’un mouvement d’ensemble notamment lors de la défense des retraites, sur le perte de confiance envers les syndicats et les vertus de la lutte ont pesé lourd dans leur décision de les contourner. C’est une analyse juste d’une réalité bien réelle.
Pour autant, cette nouveauté de forme de mobilisation ne peut en aucun s’assimiler à de l’auto-organisation propre à la démocratie ouvrière. Au contraire, même si elle contourne les organisations syndicales qui ont failli, même si elle exprime une critique concrète, elle n'est pas une alternative gagnante. Les formes d’action préconisées par Superwatt mettent en lumière les limites profondes du collectif même si il touche du doigt la bureaucratisation de la pratique syndicale : refus d’actions ponctuelles plus proches d’un rituel d’appareil que d’une pratique de masse et de surcroît coûteuses et inefficaces. L’audience relative est née par le discrédit des pratiques syndicales, particulièrement la pratique routinière et fourre-tout des « journées d’action saute-moutons » venant d’appareils syndicaux perçus comme bureaucratisés, divisés, voire absents. Mais Superwatt n’est pas une réponse à la question d’une nouvelle force détentrice d’une politique qui se fixe pour but le combat et le renversement du pouvoir capitaliste.
Pour autant, si communiquer, populariser les luttes sont d’une nécessité impérative les moyens doivent cependant être crédibles et de nature à mobiliser, faire converger les luttes afin de remettre en cause les pouvoirs et décisions du patronat en bloquant la production. Plus grave, cette forme de protestation n’aura créé qu’illusions et déboires chez les travailleurs et amusement chez ATS puisque sa puissance de nuisance n’aura pas été remise en cause.
Face aux bureaucraties : les moyens organisationnels de les affronter
Pour notre part, révolutionnaires, toute attaque du gouvernement ou du patronat nous conduit à faire le lien entre le combat de résistance immédiat et l’objectif d’en finir avec le système capitaliste, à transformer la désespérance et le repli sur soi en offrant une alternative crédible à la stratégie des bureaucraties syndicales en œuvrant à un syndicalisme de classe et patiemment à l’auto-organisation des travailleurs.
Dernière heure : en sursis
Le tribunal de commerce de Vienne a décidé, ce 18 janvier, d'accorder un délai aux candidats à la reprise. Les repreneurs potentiels ont ainsi, désormais, jusqu'au 10 février prochain pour se faire connaître. Le 21 février, le tribunal décidera ensuite du repreneur ou de la liquidation de l"entreprise
Un délai qui a été allongé, car, jusqu'à maintenant, aucune offre ferme n'avait été déposée. Une vingtaine de sociétés avaient néanmoins fait connaître leur intérêt pour la reprise de Photowatt. Ce temps supplémentaire va ainsi leur permettre de finaliser leurs dossiers de candidatures à la reprise. Des sociétés comme, le CEA et EDF Énergies nouvelles Réparties (EDF EnR), STMicroelectronics, Abcia, Eliosol Energy, seraient intéressées.
1) L’excédent brut d’exploitation (EBE) est une donnée indispensable à l’évaluation des entreprises et, par conséquent, aux banques lorsqu’elles évaluent un projet de crédit afin de déterminer quels remboursements celle-ci pourra supporter. L’EBE correspond à l’excédent qui reste dans l’entreprise en ne tenant compte que des produits et charges nécessaires à l’exploitation.
2) Le résultat net traduit l"enrichissement ou l'appauvrissement de l'entreprise
3) Puissance dans des conditions standards ensoleillement, température, lumière