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Campagnes électorales de 2012 : un bilan pour réorienter radicalement le NPA
Il est important de tirer un bilan des campagnes électorales, même et surtout si l’on combat l’électoralisme qui a fait tant de mal à notre parti depuis sa fondation. Pour les révolutionnaires, les élections offrent une tribune qui permet d'adresser nos idées à un plus grand nombre de gens que d'habitude, et ainsi de contribuer à faire progresser la conscience des exploité-e-s. Ce n'est évidemment pas notre terrain privilégié, qui doit être celui des luttes. En effet, les élections ont comme principale fonction pour la bourgeoisie de gommer tous les antagonismes entre les classes.
Dans ce contexte, le NPA est parvenu à travers Philippe Poutou à faire entendre la voix de l'anticapitalisme et de l'internationalisme. Le message qui consiste à dire que la politique ne doit pas être réservée à des professionnels est parvenu à passer. Philippe Poutou était non seulement un représentant de la classe ouvrière, mais surtout il incarnait le combat victorieux de l'usine de Ford Blanquefort. La défiance à l’égard du PS a été affichée, pendant que le FdG refusait de s’engager à s’opposer au gouvernement Hollande — et pour cause. De plus, cette campagne, la seule à exiger notamment la sortie du nucléaire en 10 ans, a démontré que notre programme anticapitaliste est bien plus écologiste que celui de tous les réformistes réunis. Enfin, la campagne a contribué à faire connaître le NPA, à le rendre « sympathique » et elle a créé une petite vague d'adhésions. Les gens gagnés à cette occasion sont souvent assez radicaux puisqu'ils nous ont préféré au Front de gauche malgré la dynamique de celui-ci et sa grande exposition médiatique.
Néanmoins, on doit se demander pourquoi 40% de celles et ceux qui avaient voté Besancenot en 2007 se sont reportés sur Mélenchon, alors qu’il y a un an celui-ci était balbutiant. Il y a bien sûr des facteurs objectifs qui expliquent le relatif échec de nos campagnes, comme le poids des défaites, le désarroi aggravé par la crise, l’apparent « réalisme » du « vote utile », la force relative de l’appareil du PCF et de la CGT... Mais cela ne doit pas faire oublier la faiblesse de la politique actuelle du NPA. Du point de vue de la construction du parti, le principal problème est que la direction du parti (P1A et P2) a maintenu le flou sur notre identité politique, faute d’un projet anticapitaliste clair.
C’est d’autant plus préoccupant qu’un petit nombre de camarades ont pris toutes les décisions, réunis dans la « coordination de campagne » (dont la direction avait osé, au CPN de septembre, interdire l’accès aux camarades de la P4 alors que nous faisions la campagne). En revanche, lors des CPN successifs durant la campagne, la direction a refusé de discuter sérieusement du contenu de celle-ci, de décider des réorientations pour corriger les erreurs, et les résolutions votées au CPN, du reste très insuffisantes, n’ont jamais vraiment cadré les interventions de notre candidat et notre matériel de campagne.
La principale conséquence de toute cette confusion, c’est que le NPA n'a pas su se démarquer du FdG réformiste. Tout au long de la campagne, la direction a refusé de souligner nos différences, de montrer à une échelle de masse que la « révolution citoyenne par les urnes » est une impasse parce qu’elle respecte sagement le cadre capitaliste. Le NPA est apparu comme se contentant souvent de reprendre les thèmes du FdG pour se positionner « plus à gauche ». Au lieu de cette lutte pour le mot d'ordre le plus radical ou le candidat le plus proche du peuple, il nous aurait fallu populariser clairement ce qu’est l’anticapitalisme, montrer que le capitalisme ne peut pas être « humanisé », par exemple :
- ne pas dénoncer seulement « la finance », mais le système lui-même, la logique du profit qui est en contradiction avec nos vies et avec l’environnement
- non pas voter pour que « le gouvernement » taxe les capitalistes, mais lutter pour les exproprier
- ne pas seulement socialiser les banques, mais tous les grands groupes du CAC 40
- ne pas se contenter d'être les “anti”, mais mettre en avant systématiquement l’objectif du gouvernement des travailleurs et notre projet de société : le socialisme auto-organisé, une société égalitaire permettant l’épanouissement de toutes et tous...
Non seulement le discours du NPA a manqué de cette clarté révolutionnaire, mais il a parfois glissé dans des positions inacceptables, comme lorsque Philippe s’est retrouvé à dire (France info, 17/01/12) que nous ne combattons pas les délocalisations, que nous ne sommes « pas du tout » pour la sortie de l’euro…
Mélenchon explique que les « investisseurs n’ont pas à avoir peur » de son programme et que ses mesures sont bonnes pour l’économie, qu’il propose de relancer avec des mesures keynésiennes. Nous, nous devons expliquer que la lutte des classes est bien réelle et qu’il faut choisir son camp. Le NPA sera d’autant plus à l’aise et convaincant qu'il cessera de se contenter de mettre en avant des « mesures d'urgence », pour renouer avec la logique d'un programme de transition partant des revendications immédiates des travailleurs telles qu'elles apparaissent dans la lutte de classe pour les relier à la nécessité de la rupture avec le système et ses institutions, de la conquête du pouvoir par notre classe.
Le NPA a raison de prôner partout les luttes, l’indignation, la résistance. Mais les luttes sans perspectives, surtout après tant de défaites, ne peuvent pas suffire à construire une dynamique politique. Se contenter d’un programme minimum incompatible avec le capitalisme, sans avancer les objectifs et les moyens révolutionnaires, c’est apparaître comme utopistes au lieu d’assumer un programme cohérent.
L'échec cuisant de l'extrême gauche aux législatives (résultat le plus bas depuis la Ve République) est un témoin de plus de la crise que nous vivons. Il nous faut plus que jamais reprendre nos discussions à zéro et comprendre que le pari du « parti qui ne tranche pas » n'est pas gagnant, même pas dans les élections. Ce résultat montre aussi qu'il aurait fallu refuser le chantage de la GA, trouver de l'argent par nos propres moyens, quitte à présenter moins de candidats, mais en se donnant les moyens de faire de véritables campagnes.
En face, le Front National progresse en proposant ses explications de la crise et ses solutions, puantes et réactionnaires, mais qui donnent aux victimes de la crise l'impression qu’elles sont crédibles. Dans son combat contre le FN, le Front de Gauche a lui aussi un discours qui semble plausible, car réformiste et institutionnel, mais il y a un énorme risque qu’il déçoive ensuite gravement les travailleurs qu’il a mobilisés et les renvoie vers l’extrême droite. Cela rend d’autant plus urgent de construire un parti prêt à réagir dans une crise révolutionnaire et qui arrive ici et maintenant à regrouper les militant-e-s les plus conscient-es de notre classe.
Avec une stratégie révolutionnaire plus claire, nous aurions sans doute eu de meilleurs échos parmi celles et ceux qui ont lutté ces dernières années et nous aurions pu gagner bien plus de militant-e-s. Il ne s’agit pas de dire que la propagande de la révolution et du communisme est une recette miracle, sinon LO avec sa campagne atemporelle aurait connu un énorme succès. Il s’agit de défendre un programme de transition concret pour amener les plus révoltés à la conscience anticapitaliste, en ayant une perspective à leur proposer. Et, au lieu de surestimer les élections, il faut prendre la décision de s’implanter centralement dans le monde du travail et la jeunesse pour construire solidement le parti, intervenir de façon efficace dans les luttes réelles et savoir enfin y prendre des initiatives.
C’est pourquoi nous avons initié, avec d’autres camarades qui ont voté P4 ou P2 au congrès, la plateforme E « pour une politique révolutionnaire indépendante du réformisme et donnant la priorité aux luttes ».
L., L., M. (élu-e-s P4/Tendance CLAIRE au CPN)
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