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Traité transatlantique: des négociations secrètes pour mettre les travailleurs devant le fait accompli
En juin 2013, le Conseil européen a adopté le mandat de l'UE pour les négociations du grand marché transatlantique. Les gouvernements ont décidé de le garder secret, du moins pour la population. Officiellement, le gouvernement français aimerait beaucoup le rendre public, mais ce seraient les « méchants » allemands, danois, et hollandais qui ne voudraient pas. Du coup, silence dans les rangs ! L'UE est un bel instrument pour procéder dans le dos des peuples. Ni démocratique, ni dictatoriale, mais « post-démocratique ».
Depuis juillet dernier, la Commission européenne, au nom de l'UE, négocie avec le gouvernement états-unien dans la plus grande opacité. Pour le vernis démocratique, elle a consulté les ONG et les syndicats. Pour les choses sérieuses, elle se concerte régulièrement avec les grands groupes capitalistes européens afin de défendre au mieux leurs intérêts.
La raison principale du secret est simple : il faut endormir la population, éviter qu'elle ne s'y oppose bruyamment et fasse capoter les discussions. Les bourgeoisies ont encore en tête l'échec de l'AMI (accord multilatéral sur l'investissement), négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les 29 États membres de l’OCDE. Son exposition avait soulevé l'indignation et il avait été abandonné. Susan George avait alors résumé : « l'AMI est comme Dracula : il meurt à être exposé en plein jour ».
C’est donc seulement une fois l’accord trouvé que le contenu du mandat devait être dévoilé, avant que les parlements (européens et nationaux) adoptent « démocratiquement » le traité. Heureusement, le mandat a pu être dévoilé[1] et nous savons désormais que le pire se négocie dans les salons de Bruxelles et de Washington. Depuis 8 mois, quatre cycles de discussions ont eu lieu, le dernier à la mi mars. Les discussions se déroulent à huis clos, et rien ne filtre mis à part des discours de communicants qui ne nous apprennent rien de concret. Les discussions reprendront à l'automne, nos chers dirigeants ayant décidé de ne pas « polluer » les élections européennes avec des débats qui ne sont pas censés intéresser le bas peuple.
Diplomatie secrète versus contrôle de la population
La Commission européenne théorise la nécessité du secret dans les négociations commerciales. Dans son « Guide pour la transparence » dans la politique commerciale, elle dit : « Pour que des négociations commerciales fonctionnent et réussissent, un certain niveau de confidentialité est nécessaire, sinon ce serait comme montrer ses propres cartes à l’autre joueur dans un jeu ». Les textes discutés doivent être secrets « pour protéger les intérêts de l'UE » et pour garantir un « climat de confiance ». Les capitalistes doivent ainsi pouvoir s'arranger entre eux sans que les peuples aient leur mot à dire. Dans un courrier du 25 mars dernier, la vice-ministre polonaise de l’Economie va jusqu’à écrire : « En accord avec les pratiques de l’Union européenne, le texte du traité sera rendu public seulement au dernier stade de la négociation, après que le document ait été signée par les deux parties ».
Wikileaks a percé le mur des secrets biens gardés de la bourgeoisie, s'attirant les foudres des gouvernements « démocratiques ». Avant cette association, le gouvernement révolutionnaire de Russie avait rompu immédiatement avec les mœurs de la bourgeoisie. Le décret sur la paix[2] de 1917 abolissait la diplomatie secrète, et Trotsky (alors commissaire du peuple aux affaires étrangères) avait rendu public les traités secrets entre grandes puissances. Il souligna que « la diplomatie secrète est un outil nécessaire pour la minorité possédante qui est obligée de tromper la majorité afin de la soumettre à ses intérêts »[3].
L'abolition de la diplomatie secrète était une revendication du Programme de Transition[4], adoptée par la conférence de fondation de la IVème Internationale en 1938. Elle est plus actuelle que jamais. L'opacité des discussions entre bourgeoisies est consubstantielle au capitalisme. Nous ne pourrons y mettre fin qu'en construisant une société fondée sur le contrôle de la majorité de la population (les travailleurs) sur son propre destin.
Gaston Lefranc