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La révolution n’est pas une lueur lointaine du passé ni de l’avenir
Ce jeudi 31 mars, dans près de 300 villes en France, 1,2 millions de manifestant-e-s ont défilé d'après la CGT. Les journées du 17 et du 24 mars avaient déjà démontré que le mobilisation se développait chez les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s, malgré la forte répression organisée par les forces de « l'ordre » capitaliste, CRS et BAC en tête. Que chacun-e se le dise et le répète autour de soi : le mouvement contre la loi Travail continue à s'amplifier dans la jeunesse et chez les travailleur-e-s (salarié-e-s, précaires et chômeur-e-s). Même s'il est souvent difficile de déterminer le taux de grévistes, parce que certain-e-s se mobilisent sans se mettre en grève et que d'autres font grève sans participer à la mobilisation, un changement d'état d'esprit se fait sentir, en particulier dans de larges secteurs du salariat et du précariat qui commencent à reprendre confiance dans leurs propres forces après de longues années sans victoires importantes de notre classe.
Partout en France, de nombreuses équipes militantes ont renoué avec la lutte de classe à l'échelle de masse, et c'est d'ores et déjà une victoire. Le mouvement a été un facteur déterminant dans le retrait du projet de révision constitutionnelle ce mercredi 30 mars : l'état d'urgence et la déchéance de nationalité ne seront pas inscrits dans la constitution. Il a aussi permis la victoire importante remportée par les sans-papiers qui occupaient la Direction générale du travail ce jeudi 31 mars : ils ont obtenu notamment que le Ministère du travail s'engage dans un processus permettant notamment « que tout travailleur sans-papiers soit régularisé sur simple preuve de relation de travail, sans condition de durée, de séjour ou d’emploi »1.
Sur les lieux de travail, de nombreuses équipes syndicales se démènent en mobilisant leurs collègues à la fois sur des revendications locales, sectorielles et nationales, en appelant clairement à faire grève les jours de mobilisation, et en tissant des liens avec d'autres secteurs afin de faire converger les luttes. Sur les facs, les lycées et les lieux de vie, de plus en plus de « nouvelles têtes » se rapprochent des collectifs, des associations, des syndicats et des partis en place pour construire ensemble la mobilisation. Dans les villes, des tentatives sont faites pour occuper des lieux centraux : ainsi à Paris, où plusieurs milliers de personnes se retrouvent chaque soir sur la place de la République pour occuper l'espace et mettre en commun leurs luttes et leurs désirs.
Dans tous ces cadres, l'outil le plus démocratique pour définir ensemble la suite du mouvement est l'assemblée générale (AG), où chaque personne mobilisée a un droit égal à la parole et une voix égale pour les décisions. L'auto-organisation de tou-te-s au sein d'une AGs n'empêche pas de plus petits groupes de prendre des initiatives, tant que celles-ci ne sont pas contradictoires avec les décisions de l'AG. Pour combattre les oppressions structurelles de la société, qui ne disparaissent pas par enchantement au seuil de l'AG, des commissions non-mixtes de femmes et personnes trans, de personnes racisées, etc. peuvent se réunir et conduire une politique spécifique contre ces oppressions. De telles AGs sont les organes les plus légitimes du mouvement, car elles permettent à toute la base mobilisée de s'exprimer, de débattre et de trancher les désaccords. Les AGs ont vocation à se coordonner depuis l'échelle locale jusqu'à l'échelle nationale pour prendre, à terme, la direction du mouvement : ainsi la coordination nationale étudiante se réunissait pour la deuxième fois ce week-end du 2-3 avril, et ses débats ont traduit la volonté de lutter contre la bureaucratie de l'UNEF qui freine la mobilisation.
Sous la pression du mouvement, les directions syndicales CGT, FO, FSU et Solidaires ainsi que l'UNEF, l'UNL et la FIDL veulent accélérer le rythme des manifestations et proposent de nouvelles journées d'action le extrêmement limitées : une journée de mobilisation le mardi 5 et le samedi 9 avril. Elles refusent cependant d'appeler à la grève reconductible, même dans les secteurs où celle-ci serait possible (comme chez les cheminots). C'est pourtant ce qu'elles pourraient faire de mieux pour élever le rapport de forces face au gouvernement. En se mettant en grève reconductible, les secteurs les plus combatifs entraîneraient derrière eux de larges masses de travailleur-e-s vers le blocage de l'économie et des profits capitalistes.
La grève n'est pas une tradition ou un mode d'action du passé. Elle est le seul moyen de bloquer le pays et de forcer le gouvernement et le patronat à reculer. C'est l'économie qui dicte nos vie, qui fait nous devons vendre notre force de travail pour seulement vivre pendant que quelques-un-e-s profitent, et c'est en la bloquant qu'on pourra renverser le rapport de force, et avoir gain de cause.
Partout où nous nous trouvons, nous participons à l'auto-organisation du mouvement et nous combattons les bureaucraties syndicales pour imposer un plan d'action centré sur l'extension et la reconduction de la grève, avec pour perspective la grève générale qui paralyse le système capitaliste. Nous militons aussi pour l'extension des revendications du mouvement. Outre le retrait du projet de loi Travail et les revendications locales et sectorielles, tou-te-s celles et ceux qui luttent ont intérêt à se doter d'une plateforme qui réponde à la colère des masses et à leur profonde aspiration au changement. Partout où nous sommes présent-e-s, les discussions autour de nous le montrent : le rejet qui s'exprime dans la rue et par la grève dépasse largement le projet de loi Travail et englobe presque toute la politique du gouvernement Hollande-Valls – notamment l'état d'urgence, l'ANI, les lois Macron et Rebsamen, les contre-réformes sectorielles comme le décret-socle pour la SNCF, la casse de la fonction publique et de l'assurance-chômage. La désignation par l’Etat d’un « ennemi intérieur et extérieur » entretient des divisions profondes au sein de notre classe : politique migratoire inhumaine, l'islamophobie d'État, guerres impérialistes et en particulier le bombardement de la Syrie, intervention clandestine en Libye et le soutien à la guerre coloniale de l'État sioniste contre le peuple palestinien. Nous devons défendre les intérêts des plus opprimé-e-s de notre classe, et montrer que ces intérêts ne s’opposent pas à l’émancipation de toute-s.
C'est pourquoi nous défendons des propositions qui dialoguent avec les aspirations légitimes des jeunes et des travailleur-e-s, mais qui ne seront pleinement satisfaites que par un mouvement prolétarien révolutionnaire. Pour nous, la révolution n'est pas une lueur lointaine du passé ou de l'avenir. Le capitalisme et l'impérialisme français sont fragilisés par la stagnation économique qui fait suite localement à la crise économique mondiale de 2008, par l'imminence d'une nouvelle crise économique mondiale et par l'approfondissement de la crise politique. À cause de la politique d'austérité lancée par Sarkozy et amplifiée par Hollande, les travailleur-e-s ont perdu de nombreuses illusions sur la démocratie bourgeoise. L'abstention électorale atteint des taux historiques et les principaux partis bourgeois, PS et Républicains, sont incapables de proposer un candidat présidentiable qui dispose d'une réelle popularité en dehors de la bourgeoisie.
C'est pourquoi nous parlons chaque jour non seulement de l'orientation et de la stratégie du mouvement actuel, mais aussi de l'émancipation des exploité-e-s et des opprimé-e-s par eux/elles-mêmes, de la prise du pouvoir par les travailleur-e-s et de la société communiste que nous voulons construire. Cette société malade du capitalisme, du patriarcat, du racisme et de tant d'autres oppressions pourrait étouffer nos rêves, mais nous trouvons notre bonheur dans le courage et la fraternité de notre classe, la joie de vivre de la jeunesse, la chaleur de la lutte et la camaraderie de nos organisations. Nous y trouvons une préfiguration, sans doute très imparfaite, de la société communiste à venir, une société sans exploitation ni oppression où des relations humaines émancipées permettront à chacun-e de s'épanouir dans une activité variée, joyeuse, libre et créatrice.
Le mouvement actuel, s'il continue à se développer, peut être une étape décisive dans le renouveau de la conscience de classe et des organisations de la classe ouvrière. Il peut permettre de regrouper largement les révolutionnaires et de faire un pas important vers la construction du parti révolutionnaire en France, section du futur parti de la révolution mondiale. Il a déjà porté de premiers fruits et il peut constituer une victoire historique sur les exploiteurs et leurs larbins. Mais ne vendons pas la peau de l'ours-e avant de l'avoir tué-e ! Suite à la grande journée du 31 mars, auto-organisation des jeunes et des travailleur-e-s ! Combat contre les bureaucraties syndicales ! Extension des revendications ! Élargissement du mouvement, inclusion des minorités opprimées et lutte contre toutes les oppressions ! Grève reconductible interprofessionnelle ! Grève générale jusqu'au retrait !