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Émeutes en Angleterre ou quand le capitalisme s’indigne devant sa propre décomposition
La vague d'émeutes qui a enflammé les banlieues anglaises pendant 4 jours a déclenché la réponse habituelle de la bourgeoisie à ce genre de situation. Coté pile, une féroce répression policière, coté face, un concert d"indignation contre ce qui ne pourrait être qu'une violence absurde, dénuée de tout fondement et de toute légitimité. Tel un architecte qui s'obstinerait à expliquer l'effondrement de sa maison par la méchanceté des éléments, le gouvernement conservateur et libéral-démocrate, ainsi que l'opposition travailliste, voudrait nous faire croire qu'il n'y a ici que des voyous, des « chavs » sans foi ni loi, de la racaille comme on dit chez nous. Pour nous, communistes révolutionnaires, si la maison s'écroule c'est par ce que le bois est pourri.
La décomposition du système capitaliste, dont la crise de la dette révèle chaque jour un peu plus l'ampleur, est évidente dans un quartier comme celui de Tottenham, d'où sont parties les émeutes. « Pauvre et pluri-ethnique » reprennent en boucle les médias dominants, pour signifier pudiquement que c'est l'une de ces zones où le capital parque son armée de réserve, loin des yeux des touristes et de l'upper class. Chômage endémique, concentration de minorités (principalement des africains et antillais), budgets sociaux rachitiques, brutalité d"une police qui ne voit dans ces habitants, et notamment les jeunes, que des criminels en puissance... Ces faits ne sont pas nouveaux, et avaient conduit à des événements similaires sous Thatcher (notamment les émeutes de Brixton en 1981 et de Tottenham en 1985), mais sont singulièrement aggravés par la politique d'austérité du gouvernement Cameron.
Le 6 aout donc, Mark Dugan, père de famille de 29 ans d'origine jamaïcaine, est abattu par des policiers, qui l'accusent d'avoir ouvert le feu. Disons-le tout net : il nous importe peu de savoir si c'est effectivement le cas. Cet homme est mort parce qu'il était pauvre, noir, qu'il habitait un quartier ravagé par la misère et l'exclusion : a-t-on déjà vu la police tirer sur les « banksters » de la City, pourtant des brigands d'un tout autre calibre ?
A partir de cette étincelle, la colère se meut en révolte et se propage rapidement à travers Londres et au delà. Affrontements avec la police, pillage de magasins, incendie d"édifices... Aussitôt la bourgeoisie, ses médias aux ordres, ses intellectuels stipendiés, crient au loup : la barbarie est à nos portes ! C'est bien évidemment en dessous de la réalité : la barbarie est au cœur même du système. La Grèce que l'on dépèce, la corne de l'Afrique où la famine est tout sauf un phénomène naturel, le peuple Afghan qu'on ne finit pas de « libérer » à coup de bombes, et en Occident même, ces masses de chômeurs, de travailleurs immigrés, de précaires, de sans-droits qu'on exploite impunément...
« Mais, ne pourraient-ils pas protester de manière plus raisonnable? », bredouille le bourgeois apeuré par le déchainement de violence que son système a lui-même provoqué. L"ennui est que, quand on refuse tout changement véritable, qu'on se gargarise que there is no alternative au capitalisme et à son cortège d'abominations, qu'on ne donne aux électeurs le choix qu'entre deux versions du même programme... les gens ont tendance à chercher des solutions non seulement en dehors des institutions mais surtout contre elles. Et nous ne les en blâmons pas.
« Mais pourquoi s'en prennent-ils aux commerces, de leur quartiers qui plus est, et non aux responsables de leurs malheur ? », feignent de s'interroger tous les plumitifs putassiers à la solde du système. Supposons un instant que la question soit sincère, et que ces braves gens ne demandent pas mieux que de voir le Parlement pris d'assaut et le Palais de Buckingham réduit en cendres. Réponse : par ce que l"éducation, la culture, l'ouverture au monde, ce qui est nécessaire à l'émancipation intellectuelle, coûtent chers. Par ce qu'abrutir les masses à coup de pub, de télé, leur présenter la consommation comme un bonheur inépuisable – dont ils sont les premiers exclus – est une affaire rentable. Sauf quand ça pète. Quand on traite les gens comme des chiens, qu'on ne s'étonne pas de se faire mordre.
La seule position digne de notre classe est le soutien aux émeutiers. La responsabilité des partis et syndicats ouvriers est de défendre les révoltés face à l'appareil répressif de l'État bourgeois, d'œuvrer à l'auto-organisation de la révolte, et de préparer la riposte commune de l'ensemble du prolétariat, une confrontation avec le système par la grève générale.