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PS : un programme de continuité avec le sarkozisme assaisonné de quelques mesurettes pour tenter de se distinguer de l’UMP
Le « projet socialiste 2012 » a été rendu public le 5 avril1. Fruit de compromis entre les différentes écuries du PS (aucun courant n'a voté contre), il est généralement présenté par les grands médias comme « ancré à gauche » et se décline en 3O « priorités ». En fait, au-delà de la rhétorique antilibérale et de quelques mesures cosmétiques, le PS s'inscrit dans la continuité du gouvernement UMP sur l'essentiel. Les travailleurs n'ont strictement rien à attendre de ce parti entièrement au service de la bourgeoisie.
Des bons sentiments … mais l'acceptation de l'ordre bourgeois et des politiques d'austérité
Le PS est un parti humaniste. Il aime l'avenir et « l'avenir aime la France », donc le PS aime la France et ses habitants. Au delà de ces envolées aussi grandiloquentes que vides, le PS fait la même analyse des causes de la crise que les antilibéraux de tout poil - « du début à la fin, la crise actuelle est celle du partage de la richesse » - et il va même jusqu'à porter ce jugement sévère que les gouvernements de la zone euro, y compris donc leurs compères de l'Internationale « socialiste » : « En Europe, les dirigeants de la zone euro imposent une austérité systématique qui va ralentir la sortie de crise et nourrir le cercle fatal de la dépression ». Diantre ! Le PS de Martine Aubry et de DSK serait-il donc prêt à basculer dans le camp des pourfendeurs de l'ordre libéral ?
En fait, on est forcé de se rendre compte que ces envolées n'ont aucune traduction concrète. Et pour cause : le PS adhère pleinement aux principes fondamentaux de l'économie capitaliste, et une fois ce cadre admis, le reste en découle. Le PS ignore superbement les traités et accords européens qui, pourtant, ne laissent aucune réelle marge de manœuvre pour mener une « autre politique ». Pour le PS, le traité de Lisbonne et ou le récent « pacte pour l'euro » n'existent pas. On aimerait pourtant comprendre comment un « nouveau modèle de développement social-écologique » est possible dans le cadre européen actuel …
Un programme qui ne remet pas en cause les contre-réformes de Sarkozy
Le PS ne veut abroger que deux lois sarkozystes : la loi territoriale et la loi sur les retraites. Pour cette dernière, il s'agit d'une abrogation en trompe-l'œil … puisque le PS veut simplement rétablir le droit de partir à la retraite à 60 ans sans remettre en cause l'allongement de la durée de cotisations. Autrement dit, il veut rétablir un droit qui sera en fait virtuel pour la plupart des travailleurs, et il ne remet pas en cause le cœur de la réforme, qui consiste à bloquer l'augmentation de la partie socialisée du salaire pour permettre à chacun de jouir d'une véritable retraite à 60 ans.
Contrairement à 2007, le PS refuse de s'engager sur moindre augmentation du SMIC, et s'en remet au bon vouloir des patrons via l'organisation d'une « conférence salariale annuelle ». Pas question non plus de diminuer le temps de travail.
En outre, le PS ne remet pas en cause la RGPP (Révision générale des politiques publiques) qui vise à restructurer les services publics (intensification du travail, salaire au mérite, management de type privé) et à ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux. Alors qu'il y a 872 000 contractuels dans la fonction publique, le PS ne s'engage pas sur la moindre titularisation. Le seul engagement du PS concerne l'augmentation des effectifs de la police, avec la création de 10 000 postes de gendarmes et policiers.
Le PS refuse de remettre en cause la moindre privatisation, la moindre « ouverture du capital », le moindre « changement de statut ». La « banque publique d'investissement » n'est pas une nouvelle entité mais simplement la coordination des structures publiques actuelles au service de la « compétitivité de la France », c'est-à-dire des profits des grands trusts capitalistes.
Alors que Sarkozy a multiplié les lois sécuritaires et anti-immigrés, le PS ne s'engage pas sur la moindre abrogation ! Quand l'humanisme abstrait fait pschiiittttt...
Quant à l'écologie, le PS utilise des formules ronflantes pour donner au projet une sonorité « écologiste » mais le flou et les ambiguïtés sont savamment entretenus. Ainsi, le PS invente et soutient « l’agriculture écologiquement intensive » (sic) mais il ne dit pas un mot sur la politique agricole commune (qui finance plein pot les gros exploitants capitalistes) ou sur les cultures d'OGM. En outre, le PS se prononce courageusement pour la « sortie du tout nucléaire », ce qui n'engage … à rien, puisque toute notre électricité ne provient déjà pas du nucléaire.
Des mesures cosmétiques qui ne doivent pas faire illusion
Toutefois, le PS cherche à séduire les travailleurs par l'affichage de quelques mesures « sociales ». Il est d'ailleurs instructif que les mesures les plus « à gauche » (du moins en apparence) sont également celles qui sont le plus populaires2 : l'encadrement des loyers et la limitation des écarts de rémunérations (de 1 à 20) dans les entreprises où l'État a une participation au capital. En apparence précise, ces engagements sont en fait très flous : l'encadrement des loyers ne vaudra que dans les « zones de spéculation immobilière » (qui restent à définir, de même que le type d'encadrement), alors que Aubry a déjà annoncé que sa proposition de limitation des écarts salariaux était avant tout « symbolique ». D'une part, cela ne concernerait que la poignée d'entreprises où l'État a une participation ; d'autre part, interrogée au journal de 20h de France 2 le 4 avril, elle a refusé d'indiquer qu'elle était prête à diviser par deux les salaires de Proglio (PDG d'EDF) et Ghosn (PDG de Renault), esquivant la question alors que ces deux patrons sont sous le coup de sa proposition.
Pour « protéger les salariés », le PS veut « dissuader » les « licenciements boursiers » par des pénalités financières. Pour se sentir « protégés », il faudrait d'abord que le PS précise exactement ce qu'il entend par « licenciements boursiers » (ce qui ne veut strictement rien dire) ; et on sait également que le caractère dissuasif des pénalités financières dépend de leur montant … qui n'est évidemment pas précisé ! Nous voilà bien protégés des méfaits de la mondialisation capitaliste...
Pour faire repartir l’investissement, et donc la croissance, le PS veut récompenser les entreprises « vertueuses » : celles qui réinvestissent une grande partie de leurs profits verrait leur taux d'impôt sur les sociétés baisser de 33 % à 20 %, alors que les autres pourraient voir leur taux grimper jusqu'à 40%. De façon démagogique, le PS (comme les antilibéraux) fait croire qu'il existerait de bonnes entreprises (« citoyennes ») et des entreprises qui ne penseraient qu'au profit. Or, la logique capitaliste est la même pour tous et les capitalistes sont obligés de prendre leurs décisions en fonction de cette logique si ils veulent rester compétitifs ; ils décident d'investir (en moyens de production et forces de travail supplémentaires) en fonction de la rentabilité anticipée de ces investissements. Derrière le paravent de la modulation du taux d'impôt sur les sociétés, se cache en fait la soumission du PS aux intérêt du capital, puisque le PS renonce à augmenter la pression fiscale globale sur les entreprises.
En outre, le PS propose la création de 300 000 « emplois d'avenir » pour les jeunes, qui évoquent les emplois-jeunes de 1997-2002. Des créations d'emplois publics, cela semble « de gauche » … et pourtant : comme les emplois jeunes, il s'agirait de contrats précaires, et non de créations de postes de fonctionnaires qui eux pourraient permettre aux jeunes de voir « l'avenir » avec une certaine sécurité.
Concernant l'éducation, le PS veut fonder son « pacte éducatif » sur une « une personnalisation accrue des parcours des élèves », façon « positive » de présenter une démission : il faudrait faire le deuil d'une instruction publique de qualité pour tous ; autrement dit, les enfants des classes populaires ne pourraient pas acquérir les mêmes savoirs que les fils de bourgeois. L'essentiel est que ceux-ci acquièrent les « fondamentaux », à savoir le « lire, écrire, compter, cliquer » (sic). Le PS affiche également son intention de s'attaquer au métier d'enseignant : « nous en redéfinirons les missions de façons concertée (…) en articulant mieux le temps professionnel et la diversification des tâches ». Autrement dit, l'enseignant devra assumer d'autres tâches que celle d'enseigner : animateur, flic, ou surveillant … la « concertation » se chargera de préciser ces nouvelles tâches !
Comme le PS est bien en peine de se démarquer vraiment de l'UMP sur les questions socio-économiques, il investit les sujets sociétaux : ainsi, il veut permettre aux couples homosexuels de se marier et d'adopter des enfants. Cela constituerait un acquis indéniable, fruit de mobilisations des mouvements LGBTI pour l'égalité des droits. Cela permet au PS de donner une image progressiste à bon compte sans avoir besoin de mettre en cause le système capitaliste.
Les prétendants les plus sérieux à l'investiture du PS trouvent le projet encore trop à gauche...
Le programme est toujours plus à gauche que la politique qu'il annonce. Jérôme Cahuzac (député PS, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale), proche de DSK, a présenté en parallèle au projet socialiste « un nouveau pacte fiscal » qui limite la modulation de l'impôt sur les sociétés et ne dit pas un mot des 300 000 emplois d'avenir. L'accent est avant tout mis sur la compétitivité des entreprises et le soutien à l'investissement, contre toute logique d'« assistanat »3.
Quant à François Hollande, il veut faire des cadeaux supplémentaires aux patrons avec sa mesure phare : « le contrat de génération ». Tout patron qui embaucherait un jeune de moins de 25 ans et qui maintiendrait dans l'emploi un senior de plus de 55 ans chargé de le former bénéficierait d'une « double exonération totale de ses cotisations »4 ! En outre, il explique que les jeunes doivent être prêts à « bouger » pour aller vers l’emploi au lieu d’attendre que l’emploi vienne à eux : « Si l’emploi est ailleurs, pourquoi rester figé dans une réalité territoriale ? La mobilité ne doit pas être réservée aux élites qui partent à l’étranger »5. Si les jeunes veulent un emploi, qu’ils aillent en Roumanie pour 300 euros par mois ! Il insiste aussi sur le fait qu'il ne faut pas trop faire payer d'impôts aux riches : selon lui, le taux supérieur d'imposition sur le revenu ne doit pas excéder 50% pour ne pas faire fuir ces grandes fortunes qui offrent généreusement des emplois aux travailleurs6.
Conclusion : le PS n'est pas une alternative à Sarkozy
La présentation du « projet socialiste » confirme pleinement notre analyse du PS : c'est désormais un parti bourgeois qui a renoncé à s'attaquer à tout aspect central du mode de production capitaliste. Au delà des artifices qui visent à tenter de convaincre les français que son programme est profondément différent de celui de l'UMP, le PS inscrit son projet dans la continuité de l'action de Sarkozy. Même si il reprend quelques analyses (sur la crise) et quelques formules (contre les abus du capitalisme) antilibérales, le PS n'en tire aucune conséquence sérieuse, puisqu'il a bien compris qu'il n'y avait fondamentalement qu'une seule politique possible sous le capitalisme : celle qui vise à défendre la « compétitivité » des entreprises, c'est-à-dire les profits des capitalistes au détriment des intérêts fondamentaux du prolétariat.
1Consultable sur le site du PS : http://www.parti-socialiste.fr/static/10913/le-changement-le-projet-socialiste-107382.pdf?issuusl=ignore
2D'après un sondage BVA (http://www.bva.fr/gene/expe/download.php?sequence=sondage_fiche_ddc06b9276e0855e67b4742e17bcc359), elles sont approuvées par 86% et 84% des français.
3 Cf. http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20110404.OBS0731/jerome-cahuzac-presente-son-nouveau-pacte-fiscal.html
4 Interview de Hollande dans 20 Minutes du 27 avril : http://www.20minutes.fr/article/713711/politique-francois-hollande-le-pouvoir-achat-avis-grand-theme-2012
5 Idem
6 Cf. Article du journal Challenges :