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La situation politique française et le rôle du NPA
Résolution sur la situation politique présentée par la Tendance Claire lors du CPN du NPA des 6-7 octobre 2018
Dans cette résolution nous ne parlons pas, ou très peu, de la situation internationale qui mériterait une contribution à part entière. Pour l'orientation féministe, nous invitons les camarades à voter la motion concernant le mouvement « Nous toutes ».
Un gouvernement toujours à l’offensive malgré une impopularité croissante
Après avoir passé en force de nombreuses réformes constituant un recul social historique (la casse du Code du Travail par les lois travail I et II, la réforme de la SNCF, la loi ORE et Parcoursup'), l'impopularité de Macron bat celle de Hollande à la même période de son mandat. Aux raisons anti-sociales de cette impopularité s'ajoutent les « affaires ».
La démission de Hulot, «caution» écolo, illustre aux yeux d’une large partie de la population l’hypocrisie du gouvernement sur le sujet. L’affaire Benalla illustre quant à elle les « libertés » que le pouvoir politique peut prendre vis à vis des lois.
Mais la dénonciation de ces pratiques illégales occulte en partie la répression sociale, illégitime mais légale, des forces de répression officielles. Ces révélations traduisent des conflits internes à l'appareil d'Etat entre le gouvernement Macron et les forces politiques qu'il a plus ou moins marginalisées mais qui approuvent la répression sociale de manière générale. Enfin, l’annonce de Gérard Collomb de quitter le gouvernement pour se concentrer sur la mairie de Lyon est révélateur. Ce proche de Macron qui a déclaré que « peu de personnes peuvent lui parler » ou encore que l’exécutif « manque d’humilité », met en évidence des fractures au sein de la macronie.
Malgré ces événements, les mobilisations ne sont pas à la hauteur des attaques d'un gouvernement qui se permet de continuer d'appliquer son plan au service du Capital avec son programme Action Publique 2022, la réforme des retraites, la réforme du lycée etc. Le gouvernement Macron, sur le terrain bien préparé par les précédents, est toujours à l’offensive. Mais qu'est-ce qui le lui permet ?
Il y a les défaites passées, même avec des luttes nationales importantes de notre camp social. Depuis le CPE en 2006 – et encore, car il ne s’agissait alors que d’empêcher la mise en œuvre d’une attaque d’ampleur – il n’y a pas eu de vraie victoire des exploité·e·s du système : les luttes contre la loi El Khomri puis contre la loi travail XXL, puis contre la réforme de la SNCF, ont accentué amertume et démoralisation. La récente défaite des cheminots – il faudra le vérifier prochainement – laissera peut-être de graves séquelles chez les travailleurs et les travailleuses, notamment parce que ce secteur est un des bastions historiques du mouvement ouvrier.
Face à ces attaques historiques, les appareils dirigeants des grandes centrales syndicales font tout pour éviter l'émergence d'un mouvement de masse dont la dynamique unitaire et interprofessionnelle pourrait leur échapper. Cela résulte de plusieurs facteurs. L’intégration des syndicats dans la cogestion avec le gouvernement est de plus en plus importante, chacune des grandes centrales allant coûte que coûte à toutes les concertations (au lendemain même du 9 octobre, date de mobilisation), les rencontres et les discussions avec le gouvernement. Il ne s’agit même plus de négocier sur la base d'un rapport de force, mais de chercher des accords en amont de tout combat. La lutte des cheminot·e·s en est un bon exemple. Alors même que les travailleurs et les travailleuses étaient disponibles pour la mobilisation, cette disponibilité n’a pas suffi, car les formes choisies pour cette mobilisation n’étaient pas à la hauteur des enjeux.
De plus, la crise des appareils syndicaux – et la crise, plus largement, du mouvement ouvrier – fait qu’il n’y a que peu de forces pour organiser la lutte, et les quelques bureaucrates syndicaux n’ont plus les habitudes et les leviers pour mobiliser, même de façon dépolitisante, les syndiqué·e·s. Les tâches syndicales sont énormes, et reposent sur trop peu de syndiqué·e·s, et de plus en plus sur les épaules des révolutionnaires (ce qui pose les questions, trop peu abordées dans notre parti, du sens et des méthodes de l’intervention syndicale pour les révolutionnaires).
Il y aussi le facteur économique. Les réformes que Macron met et veut mettre en place sont évidemment là pour aider au rétablissement du taux de profit. C’est crucial dans un contexte de crise économique majeure. Le gouvernement s’inspire des politiques menées en Suède pour démanteler la fonction publique et notamment l’éducation, pour réformer le système de retraite, etc. Les cadeaux au patronat sont pléthore. Cependant, on pourrait penser qu’en période de discrédit vis à vis de la base sociale de Macron, celui-ci pourrait lever le pied. Mais les indicateurs sont clairs, la croissance n’est pas au rendez-vous, il doit continuer pour aider la classe capitaliste.
Comme Trump, Macron met en place un choc fiscal en faveur des capitalistes, pour doper le taux de profit après impôts. En 2019, le patronat touchera le jackpot : 20 milliards de CICE (comme les années précédentes) et 20 milliards de baisse cotisations sociales ! Et il y aura aussi d'autres cadeaux : loi PACTE, baisse de l'impôt sur les sociétés, etc. Macron a aussi lancé le coup d'envoi de la réforme de l'assurance chômage, qui vise à diminuer l'indemnisation des chômeurs. D'ores et déjà, une partie des syndicats ont accepté le cadrage gouvernemental de la négociation…
La situation politique est aussi très marquée par la question des migrant.e.s. Le gouvernement là encore est ignoble. Son hypocrisie concernant l’Aquarius en est une illustration criante : Emmanuel Macron avait pourtant dénoncé, mardi 12 juin, l'attitude "cynique" et "irresponsable" de l'Italie, qui refusait d'accueillir le navire Aquarius et ses 629 migrants. En août, se réfugiant derrière un pseudo-droit maritime, l’exécutif a indiqué que l’Aquarius avec 58 migrant·e·s, devait rejoindre le port le plus proche, mettant l’île de Malte en première ligne. Macron a beau se gargariser de grands mots et dénoncer la politique de Matteo Salvini, il l’applique lui-même. Il légitime les fascistes de Defend Europe en empêchant les navires humanitaires de sauver des vies en mer, il remet en cause le droit du sol à Mayotte, il fait voter la loi Asile et Immigration qui enferme les enfants et prolonge la durée de rétention, il fait harceler les migrant.e.s et leurs soutiens par la police de Gérard Collomb. Il signe des accords avec la Turquie et la Libye, où les réfugié.e.s sont soumis.e.s à un retour de l’esclavage, à des violences physiques et sexuelles…
À partir des luttes existantes construire un mouvement d’ampleur par la grève générale
Il est important de revenir sur le mouvement à la SNCF, et notamment du point de vue de l’intervention de notre parti dans cette lutte. Dès les premières annonces des directions syndicales, on pouvait se douter que les formes de lutte décidées par la CGT Cheminots, en accord avec la CFDT et l’UNSA, ne permettraient pas de vaincre la réforme ferroviaire. Dans le camp de l’ennemi, l’annonce préalable des journées de grève jusqu’au 28 juin permettait dès le début à la direction de la SNCF et au gouvernement de se préparer et de contrer efficacement l’impact économique qu’une grève dure, reconductible, pouvait avoir.
Car l’alternative à cette grève perlée, c’était bien la grève reconductible qui aurait eu assez vite un impact autrement plus bloquant sur l’économie. Sud Rail s’était prononcée pour la grève reconductible, mais dans la majorité des cas, ce syndicat n’a pas voulu défendre une orientation alternative face à la grève « loto » décidée par la CGT, la CFDT et l’UNSA. Dans l’extrême-gauche, la tendance largement majoritaire, de LO à la majeure partie du NPA, a consisté à coller plus ou moins à la roue de la direction CGT Cheminots. Notre parti a considéré majoritairement que l’objectif majeur consistait à construire l’unité politique et syndicale autour des cheminot.e.s pour créer les meilleures conditions de solidarité avec leur lutte. S’il est juste de vouloir créer un mouvement large et unitaire autour d’une lutte aux enjeux majeurs, il ne faut pas pour autant négliger une question clé : qui dirige la lutte et comment ? Or c’est – à nouveau, après 2009, 2010 et 2016 – sur ce plan que le NPA a failli à sa tâche.
Au lieu de batailler pour aider les cheminot.e.s à déborder la stratégie de lutte des directions majoritaires qui ne faisait pas bouger le gouvernement d’un iota, notre parti a laissé les bureaucraties du mouvement ouvrier mener les cheminot.e.s à la défaite. Il fallait, très vite, engager le combat contre les directions majoritaires qui avaient décidé de cette stratégie de grève perlée, et chercher à organiser les grévistes pour imposer une grève dure – à la fois par l’auto-organisation, par la critique sans fard des directions majoritaires qui verrouillaient l’organisation de la grève, et par les exigences et l’interpellation de celles-ci par la base. Notre expérience à St-Lazare nous a montré que certain.e.s cheminot.e.s semblaient comprendre toujours mieux la nécessité de reconduire la grève pour battre le gouvernement et la direction de la SNCF.
La situation politique en cette rentrée scolaire n’est pas propice à la lutte de classe même s’il existe de luttes éparses. La lutte des postier·e·s du 92, menée par des camarades du NPA, avec notamment le licenciement de Gaël Quirante, est une lutte impressionnante qu’il faut soutenir et populariser. La lutte contre la fermeture du centre de Blanquefort où notre camarade Philippe Poutou mène le combat avec ses camarades fait aussi partie des luttes existantes comme celles de l’hôtellerie et du ménage, avec la grève reconductible au Park Hyatt Vendôme…
Malheureusement ces luttes éparses, même nombreuses, ne suffisent pas à transformer la situation politique. Il nous faut donc dans cette situation être de ces mouvements et y mener une propagande pour la construction d’une grève générale. Il s’agit dans nos syndicats, nos entreprises, nos lieux de travail et d’étude, d’articuler les mouvements naissants, existants, à venir, à la nécessité d’élargir les secteurs mobilisés pour affronter la politique du gouvernement et du patronat dans sa globalité. La bataille du tou·te·s ensemble pour une grève générale qui bloque l’économie du pays est cruciale : c’est la plus plausible hypothèse de construction d’un mouvement révolutionnaire.
Pourtant, malgré l'ampleur des attaques et les menaces de Macron sur les appareils syndicaux via la fusion des instances représentatives des personnels, la suppression des Commission Hygiène et Sécurité au Travail ou l'affaiblissement des Commission Administratives Paritaires, les directions des centrales syndicales continuent de jouer le jeu du dialogue social. Les cadres de mobilisation qu'elles proposent sont au mieux destinés à témoigner d'un mécontentement global sans plan de mobilisation conséquent pour le lendemain. C'est le cas de l'appel à la grève du 9 octobre pour la CGT et FO, finalement rejoints par Solidaires et la FSU. Au pire, les directions syndicales jouent le jeu des luttes sectorielles étalées sur un calendrier qui ne permettra jamais de regrouper les travailleurs et travailleuses subissant les mêmes attaques comme celles et ceux du public avec le programme Action publique 2022. C'est le cas de la CFDT, de l'UNSA et... de la FSU dont la direction exécutive prend de plus en plus de libertés vis à vis de ses instances internes pour se rapprocher des syndicats « d'accompagnement » en appelant à une grève sectorielle Education le 12 novembre.
Si le cadre du 9 octobre n'est pas satisfaisant, ne pas construire le 9 octobre revient à ne rien faire alors que l'ampleur des attaques sur le monde du travail est historique. Cette journée doit servir de point d'appui aux secteurs et organisations combatives pour informer et proposer aux travailleurs, travailleuses avec ou sans emploi de s'organiser.
Ces politiques de divisions minutieuses de la part des directions syndicales ne passent plus si facilement auprès des collègues. L’exemple de la SNCF, des manifestations isolées pendant les lois travail, etc. sont autant d’exemples qui permettent de combattre à la base ces politiques délétères. En tant que militant·e·s révolutionnaires, nous devons centralement dénoncer et expliquer ces politiques-là, et interpeller les directions syndicales. Cela doit aussi être un des rôles du NPA par l’intermédiaire de ses portes paroles à un niveau national.
Un parti révolutionnaire pour un programme révolutionnaire
Il est évident que le NPA est vu comme un parti qui est présent dans toutes les mobilisations. Ses militant·e·s sont vu·e·s comme des activistes, toujours prêt·e·s, toujours sur le terrain de la lutte de classe. C’est un acquis fondamental.
Mais cela ne suffit pas. Si les militant·e·s de terrain nous respectent, on ne les convainc pas de notre projet politique, et pour cause, nous n’en parlons que trop peu. Les perspectives politiques, et de société ne sont pas avancées avec suffisamment de méthode pour pouvoir paraître crédibles.
Pour convaincre, pour construire un parti plus massif, plus diversifié socialement, nous avons besoin d’avancer sur notre programme. Se limiter à un Le plan d’urgence est une erreur politique : on se place sur le même terrain que les réformistes, en faisant toujours « un peu plus », mais sans articuler cela avec le projet communiste révolutionnaire qui est le nôtre. Aux yeux d’une large partie de la population, et en particulier celle qui nous regarde avec sympathie, nous ne sommes que des « Mélenchon ++ ».
Il est plus que nécessaire d’avancer sur le terrain de la propagande et du manifeste programmatique qui est depuis bien trop longtemps souvent évoqué, mais jamais pris à bras le corps par le parti. L’élaboration de revendications transitoires nous fait très largement défaut. Ce manque-là est aussi dû à notre manque d’implantation dans la classe ouvrière et dans les quartiers populaires.
Il faut engager ce chantier. Nous pouvons avancer sur les quelques appuis que nous avons :
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Nous sommes au NPA, assez implantés dans le fonctionnariat. Et il y a un sujet qui pourrait et devrait être explosif tant les attaques sont importantes. Le démantèlement de la fonction publique annoncé par le rapport CAP2022 est effroyable. La construction de la mobilisation contre ces réformes peut nous permettre de développer une partie d’un programme révolutionnaire. En effet, si la grève dans la fonction publique est un sujet délicat car ne bloquant pas directement l’économie, le statut de fonctionnaire est un statut qui peut s’extraire du système capitaliste. Nous pouvons alors articuler la revendication du salaire à vie et de l’extraction des métiers de la dictature du profit, avec la société sans classe et sans oppressions que nous voulons construire. De la même manière, refuser la dictature du profit, c’est défendre de grands services publics, au service de la population.
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Dans l’éducation, où nous avons bon nombre de camarades implanté·e·s, en opposition aux réformes catastrophiques pour notre camp, pour les milieux populaires. Il est là encore nécessaire d’avancer nos revendications et nos élaborations sur une école émancipatrice, polytechnique et accessible à tout·e·s.
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Sur la lutte à Ford, malgré la résignation qui semble très forte, il serait utile que notre parti se serve d’une telle lutte, et de la présence de notre camarade Philippe Poutou, pour avancer la nécessité d’une nationalisation sous contrôle ouvrier, et comme perspective du gouvernement des travailleurs/ses. A partir de la lutte de Ford, il s’agit également de mener une campagne nationale contre les licenciements sur des axes de réquisition des entreprises qui licencient. La rencontre nationale public-privé prévue cet automne peut être un lieu d’échanges et de partage d’expériences utile pour cette campagne, pour reconstruire notre intervention sur les lieux de travail.
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Enfin, sur le sujet de l’accueil des migrants qui génère un débat important dans la « gauche radicale », il est crucial que nous ne tombions dans le moralisme dépolitisant. Il est important d’analyser les causes des flux migratoires, d’analyser et de comprendre leurs conséquences dans les pays capitalistes et notre pays impérialiste (qui en est fortement responsable). Il est extrêmement important de démontrer que les solutions, floues, de la France Insoumise sont hypocrites et anti-internationalistes sans mettre sur le même plan ce mouvement, composé de nombreux/ses militant·e·s de terrain largement impliqué.e.s sur la question des migrant.e.s, et les politiques dévastatrices du gouvernement.Il nous faut nous placer sur le terrain de la lutte de classe internationaliste ; pour un accueil digne et la régularisation de tous les sans-papiers, contre la répression ciblant les migrant.e.s et leurs soutiens, contre le harcèlement policier ; contre la loi Asile et Immigration.