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Comprendre le Rojava… ou pas.
Deux ou trois choses au sujet du livre de Raphaël Lebrujah.
Il y a quelques mois, paraissait Comprendre le Rojava dans la guerre civile syrienne de Raphaël Lebrujah. Le titre est explicite, et la tâche, de faire comprendre le Rojava en deux-cents pages, est ambitieuse.
Le Rojava suscite beaucoup d'intérêt dans la gauche révolutionnaire, et il est difficile de trouver des informations fiables dans un flot continu d'informations souvent erronées, quelquefois farfelues, mais toujours invérifiables...
L'ouvrage de R. Lebrujah, que les soutiens français des YPG-YPJ connaissent bien, a été encensé par la critique pro-Rojava1. Rien d'étonnant, puisque le livre est un plaidoyer pour le Rojava, pour ses combattants et pour son projet politique. Les médias observent, au sujet de cette région, un silence tendancieux. Ou plutôt, une médiatisation sélective, ne couvrant que les aspects les plus vendeurs (guerre, etc.), passant à la trappe les aspects jugés les plus rébarbatifs (politiques et économiques)… Quoique les plus intéressants pour des militants de gauche ! Dans ce désert informatif, tout ouvrage consacré au projet politique émancipateur des YPG-YPJ ne peut qu'être le bienvenu.
Sans doute cela explique-t-il que les soutiens du Rojava en France aient préféré louer l'ouvrage, craignant qu'écorner celui-ci porterait préjudice à la cause qu'ils défendent. L'enthousiasme des « critiques » de la gauche révolutionnaire pro-Rojava n'a été, hélas, que trop peu critique. Le livre de R. Lebrujah souffre en effet de plusieurs travers et lacunes que personne ne semble avoir relevés, ou souhaité rendre publics.
Je me permets donc de revenir sur plusieurs points qui, dans cet ouvrage, me semblent discutables… et doivent donc être discutés !
De quoi s'agit-il ?
Comprendre le Rojava dans la crise syrienne est le fruit de plusieurs années de travail de son auteur. R. Lebrujah, nous dit la quatrième de couverture, se rend régulièrement au Kurdistan « où il mène un travail de terrain auprès des populations » (?). Comprenne qui pourra… L'auteur a, de fait, effectué trois voyages au Kurdistan, dont un au Rojava, en 2015.
La première partie de l'ouvrage reprend dans ses grandes lignes l'histoire du peuple kurde, ses luttes, ses défaites et ses victoires. Il s'agit là de la meilleure partie de l'ouvrage, et de la plus factuelle. Le résumé de l'idéologie du PKK, du nouveau « paradigme », lève notamment le voile sur certains termes. Le résumé d'une idéologie diffuse et complexe est une tâche difficile. Enfin, il est écrit que le PKK ne se définit ni comme laïque, ni comme féministe ! Puissent les soutiens européens du Rojava prendre note et s'amender !
R. Lebrujah se penche ensuite sur différentes batailles et épisodes majeurs de l'histoire du Rojava depuis la libération des territoires majoritairement kurdes le 19 juillet 2012. Il s'agit souvent, pour ce qui est des analyses politiques et militaires, de reprises d'articles publiés précédemment sur le blog de l'auteur, expurgés, revus et corrigés. Certains de ses articles, dont l'inénarrable « Nuit de Noël à Kobanê », ne sont pas reproduits ici.
Dans une troisième partie, l'auteur se livre à un examen des institutions du Rojava et répond à certaines accusations ayant été lancées contre l'administration autonome, souvent par ses ennemis, mais quelquefois aussi par ses propres « soutiens critiques ».
L'islamofascisme, ou le fascisme des imbéciles
Avant toute chose, arrêtons-nous sur la courte préface de N. Mamère. O. Besancenot eût été, au passage, un choix plus judicieux2. N. Mamère utilise le terme, a priori anodin et fréquent sous la plume des islamophobes refoulés de gauche, d'islamofascisme. L'emploi de ce terme est problématique. D'abord, parce qu'il est absurde de parler de fascisme dans le contexte syrien. Mais surtout parce que ce terme sous-tend une théorie et un discours qui doivent être combattus.
Le nouveau « fascisme » serait l'islamisme. Voire l'Islam. Cette idée ridicule se retrouve, d'ordinaire, dans la bouche de la droite réactionnaire et anti-Islam. Mais aussi, hélas, dans celle de militants de gauche. Pour être clair, « fascisme » n'est en aucun cas synonyme de « violence ». On ne peut taxer un mouvement de « fasciste », au motif qu'il se livre à des exactions, aussi brutales et extrêmes soient-elles. D'autant moins que la violence est légitime et nécessaire dans bien des cas.
L'islamisme n'est pas l'idéologie des classes possédantes européennes qu'était le fascisme. On ne peut vider le « fascisme » de son contenu social, c'est-à-dire l'écrasement par une violence extrême de mouvements potentiellement révolutionnaires pour la sauvegarde du système en place. Parler de « fascisme islamique », c'est laisser accroire que, derrière la violence des bandes de Daech ou des islamistes de tout poil, se cacherait une puissance financière, économique ou militaire qui relève du fantasme. C'est aussi, incidemment, détourner l'attention de ceux qui disposent effectivement de cette puissance. Et qui, demain, quand le contexte s'y prêtera, seront les tenants d'un nouveau « fascisme », dont on peut douter qu'il sera « islamique ».
Il y a peu le Figaro louait le récit d'un ancien internationaliste qui voit dans Daech un « néo-fascisme ». Le quotidien de la droite puante française applaudissant le récit d'un « antifasciste », voilà qui devrait éveiller quelque suspicion. Rien d'étonnant en réalité, puisqu'en parlant de Daech (et de l'islamisme en général) comme d'un « fascisme », on prétend que les islamistes seraient une menace existentielle pour le monde (et non seulement pour le Rojava ou le Moyen-Orient), comme, en leur temps, Hitler ou Mussolini. Qui disposaient, tout de même, de ressources militaires et économiques sans commune mesure avec Daech ou l'ancien Jabhat an-Nosrah.
L'Islam comme menace existentielle pour « nous », pour l'Occident, pour le monde. Face à laquelle tout le monde devrait donc s'unir. Derrière qui ? L'État français ? « Nos » gouvernements ? Tous unis contre la menace djihadiste ?
Combattre Daech justifiait certes, pour les YPG-YPJ, de s'allier momentanément à la coalition internationale, puisqu'il s'agissait d'une menace existentielle pour eux. Mais ce n'est pas le cas des Européens, qui n'ont jamais été menacés dans leur existence par le « Califat »3.
Agiter, en Europe, le chiffon rouge de « l'islamofascisme » relève au mieux de l'abus de langage, au pire d'une arnaque politique.
Le Rojava, ses cantons et ses régions
Les cartes censées éclairer le lecteur sont très discutables. Évidemment, tracer les frontières du Kurdistan est un exercice périlleux eu égard à l'enchevêtrement territorial des nationalités et aux conséquences de décennies de politique assimilatrice. Il conviendrait toutefois de mieux définir ce que R. Lebrujah entend par « territoire de peuplement kurde ». Il s'agit selon lui, « dans les grandes lignes », de « la situation géographique du Kurdistan » (p. 11.), ce qui ne nous avance guère…
Si l'auteur entend par là un territoire majoritairement kurde, alors sa carte est tout à fait erronée, car elle inclut des zones majoritairement arabes (région de Manbij, Silûk, etc.). La ville et la région de Sheddadi, incluses dans le « territoire de peuplement kurde », sont presque exclusivement arabes.
Ensuite, relevons que les trois « cantons » d'origine (2012) sont devenus depuis des « régions » (herêm), elles-mêmes divisées en cantons. Le Rojava comptait donc, au moment de la parution de l'ouvrage (2018), trois régions, et six cantons4. Et non quatre cantons, comme indiqué sur la carte (p. 10).
La révolution du 19 juillet 2012
Le récit très succinct de la révolution (en fait des journées ayant suivi le 19 juillet 2012) est décevant car incomplet. En ce qui concerne ces journées, où les soldats et les fonctionnaires du régime furent expulsés de plusieurs villes du Rojava, R. Lebrujah semble s'en tenir au seul récit de Michael Knapp, dans Revolution in Rojava5, d'ailleurs cité en bibliographie. Mais le récit de ces journées, si nécessaire soit-il6, ne peut se substituer à celui de l'ensemble du processus révolutionnaire.
Une révolution est toujours un processus complexe qui s'étend sur une période plus ou moins longue. Borner chronologiquement un processus révolutionnaire est une tâche ardue et nécessairement arbitraire. Mais dater précisément une révolution est un acte symbolique, effectué a posteriori, généralement dans une optique de commémoration. On célèbre ainsi, le 7 novembre, la Révolution russe, quand celle-ci a été un processus long de plusieurs années. On célèbre, de même, la révolution du Rojava le 19 juillet, quand il s'agit du début de l'expulsion des soldats et fonctionnaires du régime du Rojava7.
La révolution avait, en fait, commencé bien avant, et s'est prolongée bien au-delà (est-elle seulement achevée?). Mais d'où la révolution kurde tire-t-elle ses origines ? Qui sont les jeunes qui, dès mars 2011, sont descendus dans la rue à Qamişlo, à Amûdê, à Dêrîk ou à Afrîn, d'abord en réponse aux appels pan-syriens, puis sous leurs propres slogans kurdes ? Quelles étaient les forces politiques en présence ? Pourquoi le PYD, qui n'était que l'une des forces politiques kurdes parmi beaucoup d'autres, a fini par s'imposer ? Et les autres, se marginaliser ?8 Quelles étaient les dynamiques sociales à l’œuvre ? R. Lebrujah ne nous en dit rien.
À sa décharge, il faut reconnaître que les premiers temps de la révolution syrienne, et de la révolution kurde en particulier, sont particulièrement obscurs et que les sources, parcellaires et rares, sont souvent contradictoires. Il n'en demeure pas moins qu'il est vain de tenter d'expliquer la crise kurde de Syrie, encore moins de « comprendre le Rojava », en prenant pour point de départ le 19 juillet 2012. Puisque cette date est surtout le point d'aboutissement d'un processus populaire qu'il eût été bon de détailler.
Clausewitz, Giáp, et les autres !
Le récit de la bataille de Kobanê fait par R. Lebrujah est factuellement exact, mais celui-ci se lance dans une comparaison historique pour le moins hasardeuse. Son analyse s'articule autour de l'idée suivante :
« La bataille de Kobanê est une mise en pratique des tactiques militaires du général Giap doublée d'un certain génie d'adaptation de la part des YPG-YPJ. » (p. 57)
Cela est totalement faux. Le général Võ Nguyên Giáp a adapté la stratégie de la guerre populaire prolongée dans le cadre de l'Indochine française9. Conceptualisée et pratiquée victorieusement par Mao Zedong lors de la guerre de résistance contre le Japon, la guerre populaire prolongée s'inspirait, entre autres, des écrits de Carl von Clausewitz sur la « petite guerre »10.
Pour Clausewitz, le succès de la « petite guerre » dépendait, parmi d'autres choses, de l'étendue gigantesque du territoire à occuper. Un territoire tel que, selon lui, il n'en existait à l'époque qu'en Russie. Jugement avec lequel le général Giáp, lecteur assidu de Clausewitz, était en désaccord.
En bref, Giáp établissait une stratégie pour gagner une guerre de libération nationale, pour contraindre l'armée française à quitter l'Indochine. Elle visait la libération d'un pays colonial à l'issue d'une guerre populaire, donc asymétrique et longue. Quel rapport, est-on en droit de se demander, avec la bataille de Kobanê ? Je n'ai pas de réponse à cette question.
Pour ce qui est des tactiques de la guerre d'Indochine, on voit mal comment les transposer dans le contexte syrien. L'Indochine était un pays rural, très peuplé, montagneux et souvent couvert d'épaisses forêts, quand les environs de Kobanê sont des plaines plutôt arides et peu peuplées. Autre « détail » : la guerre populaire en Indochine a été essentiellement menée dans les campagnes, quand la résistance de Kobanê s'est faite dans une ville. Alors quid des tactiques du général Giáp à Kobanê ? Je l'ignore.
A Kobanê, il ne s'agissait pour Daech que de prendre une ville, dans le cadre d'une guerre globale contre les YPG-YPJ, l'État syrien, l'État irakien, et accessoirement le reste du monde. La ville de Kobanê n'est pas (faut-il le préciser!) la jungle vietnamienne… Kobanê, à elle seule, n'est pas un territoire suffisamment vaste pour y mener une « petite guerre ». Encore moins pendant quelques mois. Encore moins quand les YPG et Daech étaient clairement séparés par une ligne de front. Toute comparaison avec l'Indochine est donc absurde.
Ce qui s'est produit à Kobanê n'était pas une guérilla, mais un affrontement conventionnel entre deux armées de tailles et de puissances différentes, dans le cadre d'une guerre qui s'est terminée il y a quelques jours à peine.
Il est regrettable, mais révélateur, que les comparaisons alambiquées de R. Lebrujah (« l'Éléphant tente d'éradiquer le tigre affaibli mais se prend un arbre », p. 61) passent pour les démonstrations érudites d'un fin connaisseur de la chose militaire. Ce qu'il n'est pas, loin de là.
Cela est regrettable, car les comparaisons abusives ne permettent pas de comprendre ce qui s'est passé à Kobanê. Les différentes tactiques élaborées par les YPG-YPJ en milieu urbain mériteraient d'être compilées et étudiées. Mais il faudra se résigner à aller les chercher ailleurs. Peut-être que les YPG-YPJ ayant effectivement combattu à Kobanê seraient des sources plus fiables et plus légitimes qu'un lointain lecteur assidu ?
Cela est révélateur, en outre, de l'étendue des lacunes des militants de gauche dans le domaine militaire. Le fait de militer dans des conditions « pacifiques » depuis plus d'un demi-siècle a amené à un désintérêt total pour tout ce qui touche à ces questions. Clausewitz, les écrits militaires de Mao Zedong, du général Giáp, ou du fondateur de l'Armée rouge gagneraient à réintégrer le corpus des militants politiques européens car, semble-t-il, ceux-ci se laissent bien facilement berner dès que l'on aborde la question des armes, de la stratégie.
Par contraste, une affirmation comme « Le mouvement des gilets jaunes est une mise en pratique géniale de la stratégie politique de Lénine » ferait grincer des dents, à tout le moins sourire, et ne duperait pas grand monde. Elle exposerait, en outre, son auteur, à de méchantes railleries.
***
La comparaison avec la guerre d'Indochine n'est pas la seule aberration militaire de cet ouvrage. Il faut ajouter la minimisation des frappes aériennes, pourtant facteur décisif dans la victoire des YPG-YPJ contre le « Califat ».
R. Lebrujah « démontre », de façon assez peu convaincante, que les frappes aériennes n'auraient été que d'une efficacité limitée (pp. 77-78). Démonstration incongrue et contraire à la réalité. L'auteur se base, pour étayer son affirmation bancale, sur le témoignage d'un volontaire datant de 2015, de l'opération de Tel Abyad.
Il oublie, dans le même temps, de mentionner toutes les opérations ultérieures. L'intention en est louable, comme souvent. Il s'agit de s'opposer aux discours calomniateurs exagérant, eux, l'importance des frappes aériennes dans le but de relativiser la valeur militaire des YPG-YPJ. Avoir bénéficié de frappes aériennes n’entame en rien le mérite des YPG-YPJ. Que 8 000 Kurdes aient perdu la vie dans la guerre contre Daech en témoigne.
Mais les frappes aériennes sont un atout tactique décisif, sans lequel les YPG-YPJ auraient accusé des pertes humaines incomparablement plus importantes. Il n'est pas de contre-mesure efficace contre des frappes aériennes massives. Les YPG-YPJ, dont la résistance héroïque à Afrîn n'a été brisée que pour cette raison, le savent.
Y a-t-il plus de mérite à combattre au couteau qu'à l'arme automatique ? Non. Cela est simplement moins efficace. Les frappes aériennes sont d'une efficacité redoutable, et les YPG-YPJ ont eu raison d'y avoir recours, quitte à s'allier temporairement aux impérialistes.
Les frappes aériennes ont été un facteur décisif lors de bien des opérations militaires des YPG-YPJ. Et, notamment, dans la chute de Raqqa. Tout témoin, toute personne ayant participé à une opération militaire dans le Nord de la Syrie après 2015 en témoignera. Et cela n'enlève nul mérite aux combattants des YPG-YPJ !
***
Autre travers de l'auteur : sa propension à aligner des sigles ou des données techniques glanées sur Internet pour se poser en spécialiste.
Un exemple, tiré de sa description de la bataille de Kobanê. R. Lebrujah nous dit que les YPG-YPJ y étaient armés d'AK-47, AK-74, de RPG-7 et de PKM. Au sujet de celles-ci : « La portée efficace de ces armes étant d'environ 300 mètres, il fallait un terrain qui oblige Daech à venir au corps à corps. » La première partie de cette phrase est, disons, approximative, quand la seconde est erronée. La portée « efficace » (pratique) de ces armes varie en effet grandement.
Pour information : la portée pratique d'un PKM est d'environ 400-500 mètres, soit 200 mètres de plus que celle d'un AKM/AK-47. L'AK-74, qui est une arme fort rare au Rojava, est bien plus précis qu'un l'AK-47 (raison pour laquelle c'est une arme convoitée.). La portée d'un RPG-7 est effectivement d'environ 300 mètres. Mais tout dépend en fait de la munition utilisée, et de la cible visée (char, maison, cible mouvante, etc.). Une munition PG7-M sera plus précise et d'une portée supérieure à sa version antérieure, la PG7-V. Mais une roquette à fragmentation OG 7-V ne peut pas être utilisée efficacement au-delà de 200 mètres, etc. Ajoutons qu'au PKM, RPG-7 et AK-47/AKM, dont dispose théoriquement chaque tabûr11 YPG (à la différence, hélas, des AK-74), s'ajoutent les fusils de précision SVD dont la portée pratique sur une cible humaine est d'environ 600 mètres.
R. Lebrujah confond encore « corps à corps » et combat à courte distance (l'utilité d'un RPG-7 dans un combat au corps à corps m'échappe).
Quitte à aligner des données techniques, qui semblent plus destinées à faire impression sur le lecteur qu'à appuyer son propos, autant le faire correctement. Il eût été plus sage, plus simple pour le lecteur, et plus exact, d'écrire : « Les armes légères des YPG-YPJ avaient une portée pratique de quelques centaines de mètres. » C'est clair, précis et tout le monde le comprend.
***
Les militants ayant encensé l'ouvrage de R. Lebrujah auraient dû se méfier des jugements à l'emporte-pièce et faire preuve d'un minimum de prudence et d'esprit critique.
Tintin au Congo 2
La façon dont R. Lebrujah dépeint l'hôpital d'Amûdê passe les bornes du supportable (pp. 143-144). Il est étonnant que les militants de gauche révolutionnaire, d'ordinaire si sensibles au biais du regard occidental, n'aient pas tiqué. Un touriste blanc devant, pour son malheur, passer par un hôpital congolais décrirait sans doute dans des termes similaires son « aventure ».
La description de « ce qui devait être une clinique » (en fait, l'hôpital municipal d'Amûdê) est grossière. L'image de médecins incompétents (« Négligé et sans blouse blanche, il avait l'air de s'être improvisé opérateur radio », p. 143), fumant au-dessus des blessés et aggravant eux-mêmes les blessures ne correspond en aucun cas à la réalité. Je puis en témoigner pour avoir assisté à la scène en question.
Le propos de R. Lebujah est outrancier et insultant. La Syrie disposait, avant-guerre, d'un système de santé très développé. Les médecins syriens ne s'improvisent pas comme tels, mais ont été formés, pour beaucoup, dans des universités russes ou soviétiques. Ou tout simplement dans des universités syriennes dont la qualité et le sérieux de l'enseignement n'est pas à démontrer.
Certes, les infrastructures médicales ont beaucoup souffert de la guerre. D'abord, parce que les médecins syriens n'ont eu aucun souci à fuir le pays et ont été accueillis à bras ouverts en Europe. Ensuite, parce que les hôpitaux publics (comme les écoles) sont souvent des bâtiments hauts de plusieurs étages, et des objectifs convoités lors de combats urbains (comme à Serêkaniyê).
Si R. Lebrujah tenait à souligner les carences du système de santé syrien dues à la guerre, nul n'était besoin pour cela d'insulter des médecins prétendument « improvisés ».
Autre « détail ». Il est insupportable de voir orthographié asayîş « à la française », comme « assayich ». Il s'agit d'un nom kurde, qui devrait donc respecter l'orthographe kurde. Volonté de simplifier la tâche aux lecteurs français trop paresseux ? Est-il imaginable d'écrire, disons « Doïtchlannd » dans un ouvrage consacré à l'Allemagne, pour aider le lecteur francophone ? Non. Car il s'agit d'une langue européenne. Une « vraie » langue, s'entend. À la différence du kurde, qui continue de souffrir une forme de mépris, même de la part de ses soutiens européens.
À la vérité, l'ouvrage souffre d'un travers qui suinte à chaque paragraphe : la méconnaissance de l'auteur du terrain. Certes, R. Lebrujah a beaucoup lu et suivi de près l'évolution de la situation… dans la presse. Ignorer le kurde et ne pas se rendre régulièrement sur place est un travers qu'il est bien difficile de pallier à distance. Il est, de fait, impossible lorsque l'on se trouve à 3 500 km de son sujet d'étude, de démêler le vrai du faux dans le torrent indissociable d'infos et d'intox qui parvient du Rojava. Ignorer l'arabe, le turc, ou même le kurde, n'est d'ailleurs pas un atout pour combler ces carences !
Est-il seulement concevable, en 2018, d'écrire un livre sur un pays dont on ignore jusqu'à la langue ? Avec quel sérieux traiterait-on, disons, une étude sociologique sur l'Allemagne dont l'auteur… ne lirait pas l'allemand ? Aucun. Mais il s'agit d'un pays européen, dont l'étude requiert des gages de sérieux. À la différence du reste du monde. Et notamment de la Syrie ou, a fortiori, du Kurdistan, dont la lecture assidue de la presse généraliste et quelques relations bien placées semblent faire office de titre de « spécialiste ».
Et puisqu'il faut mettre un nom sur ce fléau dont on aurait tort de croire la gauche révolutionnaire immunisée : l'orientalisme. Il dégouline de chaque page de ce livre. Dans le vocabulaire, dans le choix des thématiques, dans le regard de l'auteur, parfois débonnaire, souvent condescendant…
« Les Kurdes » mériteraient « notre » soutien, car ils sont comme nous. En tout cas, plus proches de nous que d'autres. Pas sûr que cet argument fallacieux ne soit convainquant pour des révolutionnaires.
Rigueur conceptuelle vs radicalité ?
Un autre reproche à faire à ce livre est le manque de nuances. Il s'agit d'un récit manichéen, en noir et blanc, où les contradictions inhérentes à toute révolution, à tout développement historique, sont gommées, ignorées, effacées au profit de la seule dichotomie bien/mal.
Les YPG sont l'unique « lueur d'espoir » dans « l'obscurité horrifiante du Moyen-Orient » (p. 81). Sur le Rojava : « Cette terre est la seule lumière d'espoir dans tout le Moyen-Orient » (p. 188). Vision simpliste qui en dit long sur le niveau de connaissance de l'auteur sur le Moyen-Orient.
À la lecture de certains passages, se dégage une impression désagréable. Il n'existerait, à en croire l'auteur, que de bons partisans du confédéralisme démocratique d'un côté, et de mauvais islamistes de l'autre. Combien la réalité est-elle plus complexe ! Le système politique mis en place dans le Nord syrien a permis d'éviter une guerre interethnique entre Kurdes et Arabes, et c'est là son grand mérite historique.
Mais les animosités qui persistent sont une réalité. Et elles ont des racines historiques diverses, elles ne sont pas les mêmes, par exemple, dans la région de Silûk et dans la ville de Raqqa. Plus complexes, en somme, que celles exposées dans ce livre.
Au sujet de la presse française, R. Lebrujah déplore son « manque de pluralisme », dénonce une presse « non libre » car « phagocytée par des grands groupes financiers et industriels » dont les intérêts sont « intimement liés à une vision postcoloniale (sic) du Moyen-Orient » (p. 203).
Évidemment, personne ne songe à masquer les logiques de réseaux et de copinage dont le monde de la presse est pourri de long en large. La presse n'est effectivement, dans les pays capitalistes, pas libre car assujettie à diverses logiques de marché. Mais comment affirmer, en revanche, qu'il n'existe aucun pluralisme en France, quand il est possible d'acheter à la fois Lutte ouvrière et Rivarol en kiosques ? La médiatisation sélective du Rojava par les médias français a des causes plus subtiles que celles données par l'auteur. Et le lecteur reste sur sa faim s'il entend comprendre les mécanismes à l'œuvre.
De même, R. Lebrujah ne donne aucune explication convaincante des résultats des élections de 2017. Selon lui, le score écrasant obtenu par la liste de la Nation démocratique s'explique par les succès militaires des YPG. Point. Quand ce score, surprenant au premier abord, s'explique par la conjugaison de plusieurs facteurs. La popularité de ceux qui ont vaincu Daech, certes, mais aussi l'ouverture de cette liste, l'intégration d'acteurs locaux respectés, ainsi que le boycott décidé par le PDK-S12.
Le tableau enthousiasmant donné par R. Lebrujah de l'État turc (pp. 174-175) ne correspond pas non plus, hélas, à la réalité. L'État turc connaît des difficultés, militaires, diplomatiques, économiques. Mais décrire cet État comme étant sur le point de s'effondrer revient à prendre ses désirs pour la réalité.
Il est regrettable que l'auteur semble confondre radicalité et manque de nuances, soutien total pour les YPG-YPJ (que je partage) et absence de compréhension des processus socio-politiques à l'œuvre. Dommage, car comprendre le Rojava dans toutes ses subtilités et sa complexité ne peut amener qu'à le défendre avec plus d'acharnement. La rigueur conceptuelle et analytique ne s'oppose en rien à la radicalité politique ; elle en est la condition.
L'Occident, les Kurdes et « nous »
R. Lebrujah semble aussi s'illusionner, à la différence des YPG-YPJ, sur les intentions occidentales. Notamment lors de l'invasion d'Afrîn.
Pour rappel : leurs protestations molles lors de l'invasion d'Afrîn étaient si timorées, si ambiguës, qu'elles étaient reprises, à l'époque, tant par la télévision turque (sur les « préoccupations légitimes » de la Turquie) que par Ronahî TV13 (sur les appels à le retenue). On ne peut juger des intentions de ces pays sur leurs seules déclarations, d'autant moins lorsqu'elles sont équivoques.
Quelques faits : aucune sanction ni mesure de rétorsion n'a été prise contre la Turquie suite à l'invasion d'Afrîn. L'Allemagne aurait cessé, temporairement, de vendre des chars à la Turquie après en avoir vendu pendant des années (p. 124) ? Ridicule ! Que l'on compare les sanctions économiques prises contre la Russie suite au soulèvement du Donbass, ou par la Russie contre la Turquie fin 2015, voire les sanctions américaines… suite à l'arrestation d'un seul citoyen américain fin 2017, pour comprendre ce que sont des sanctions contre un État dont on craint les velléités.
Les États occidentaux voient dans la Turquie un « partenaire » et un allié, avec qui l'importance stratégique et commerciale interdit de se brouiller. Ce qu'ils regrettent surtout, c'est la docilité dont faisait jadis preuve à leur égard la Turquie, le temps où la place économique de celle-ci ne lui permettait pas de hausser le ton. Mais, malgré ces remontrances et regrets, communs entre alliés, jamais les pays occidentaux, États-Unis en tête, ne se fâcheront avec leur allié turc. Et certainement pas pour les YPG-YPJ dont « l'utilité », aux yeux des impérialistes, s'est considérablement amoindrie depuis la défaite territoriale de Daech le 21 mars 2019.
Mais R. Lebrujah va plus loin. Ne voyant de survie et de perspective que dans un soutien occidental accru, dont on sait pourtant qu'il est condamné à tarir, R. Lebrujah semble regretter une certaine époque :
Les États-Unis manifestant le souhait de se retirer de la région, l'État français voit le Rojava comme une occasion en or de revenir au cœur du Moyen-Orient duquel il a été chassé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et où il n'est présent qu'au Liban de manière très partielle. La Fédération démocratique du nord de la Syrie a cruellement besoin d'un protecteur (sic) fiable et la France pourrait jouer ce rôle. Sous le mandat français, elle avait été plutôt favorable aux Kurdes. (p. 184)
S'ensuit un long passage où R. Lebrujah énumère les avantages qu'aurait l'État français à « protéger » les YPG-YPJ. Curieuse perspective pour un révolutionnaire que de souhaiter placer le Kurdistan syrien sous mandat français… Encore plus curieux que personne n'ait relevé ce passage puant le colonialisme à plein nez !
Je renvoie l'auteur aux nombreuses explications données par les dirigeants du PKK, qu'il se targue de si bien connaître. Riza Altun, notamment, a toujours pris soin de distinguer les alliances tactiques, possibles même avec les impérialistes, des alliances stratégiques, avec ceux dont on partage les mêmes objectifs politiques. Pour Riza Altun, si les pays impérialistes peuvent ponctuellement aider matériellement les forces kurdes, cette aide est limitée par définition puisque les objectifs stratégiques des États-Unis et des YPG-YPJ sont contradictoires14. Les véritables alliés des YPG-YPJ sont les mouvements révolutionnaires, les forces démocratiques et anti-impérialistes.
Ainsi, quand les YPG-YPJ coopèrent militairement avec la coalition internationale, ils passent consciemment un accord tactique qu'ils savent limité dans le temps. Quand le mouvement kurde en appelle aux puissances occidentales, ils cherchent avant tout à exposer la position et les contradictions de ces États aux yeux de « l'opinion ». Mais quand R. Lebrujah souhaite faire du Rojava une sorte de protectorat français, il ne fait que s'emmêler les pinceaux…
Quelles conclusions ?
R. Lebrujah tire deux grandes conclusions de ses réflexions.
La première, c'est que « nous », Occidentaux, devons soutenir le Rojava car il est « un rempart contre les djihadistes » (p. 187). Piètre conclusion que le Figaro ou Présent ne renieraient pas. R. Lebrujah appelle de ses vœux à « un partenariat gagnant-gagnant avec des puissances internationales ». Croit-il seulement à ce qu'il écrit ? Il n'est pas de partenariat « gagnant-gagnant » avec les puissances impérialistes (pourquoi, en passant, refuser de les nommer ainsi?), mais d'éventuelles convergences momentanées d'intérêts tactiques. Ce que les YPG-YPJ savent fort bien, à la différence de certains de leurs soutiens européens.
De même, pour R. Lebrujah, les pays occidentaux doivent soutenir le Rojava car il s'agit pour eux d'« une question morale ». A-t-il oublié à ce point ses lectures passées ? Depuis quand les questions morales interfèrent-elles dans les relations internationales ? J'invite l'auteur à se reporter à l'histoire récente des ingérences occidentales pour voir ce que valent, aux yeux de l'État français ou américain, les « questions morales »…
Enfin, R. Lebrujah souhaite, à la suite de Patrick Franceschi, « une plus grande implication de la France sur cette question ». Curieux de se faire à ce point l'avocat des prétendus « intérêts français »… Encore plus curieux de prendre P. Franceschi en référence.
P. Franceschi, occidentaliste décomplexé, est intervenu, notamment, sur Radio Courtoisie pour plaider la cause d'un Rojava « rempart contre les djihadistes ». C'est un ami gênant du Rojava, soutenant les Kurdes qui, à la différence des Arabes, seraient « comme nous », Occidentaux. P. Franceschi défend, au fond, les mêmes thèses que R. Lebrujah, mais les formule plus ouvertement, avec moins de gêne. P. Franceschi n'est pas embarrassé, lui, par un passé de marxiste et des prétentions révolutionnaires…
La seconde conclusion de ce livre, c'est que le marxisme, l'anarchisme et toutes les autres idéologies sont bonnes à jeter aux orties car elles ont échoué, à la différence du confédéralisme démocratique. Le confédéralisme démocratique y est idéalisé, en négatif aux tares putatives de la gauche révolutionnaire européenne. R. Lebrujah semble conditionner le soutien au Rojava à une adhésion au « nouveau paradigme » du PKK, à l'abandon des « vieilles » idéologies.
Il s'agit là, à mon sens, d'une erreur. Les anarchistes, communistes, socialistes, humanistes, écologistes… et bien d'autres, ont un intérêt à soutenir le Rojava en tant que tels et en conservant les traditions du mouvement dont ils sont membres. Nul n'est besoin de se « convertir » pour soutenir les YPG-YPJ. La position de R. Lebrujah n'est d'ailleurs pas celle du mouvement kurde, qui est ouvert à tout soutien et, tout en défendant ses positions, coopère avec des mouvements politiques de diverses obédiences, en Europe (PCF, AL, NPA, MLPD etc.) comme au Moyen-Orient (MLKP, TKP-ML, DAF, etc.).
Il ne faut pas chercher à copier la révolution du Rojava, à la reproduire telle quelle dans un contexte socio-politique trop différent. Sans me risquer à des généralisations excessives, l'une des raisons du succès du mouvement kurde (le seul mouvement socialiste ayant triomphé au Moyen-Orient) a été précisément son adaptabilité, sa capacité à prendre en compte les spécificités de la société kurde dans son projet politique, et non simplement à transplanter tel quel le projet marxiste-léniniste, élaboré à Moscou ou à Pékin…
À la différence, notamment, des maoïstes du TKP-ML qui, encore aujourd'hui, persistent à vouloir faire « encercler les villes par les campagnes »… C'est-à-dire transposer mécaniquement la stratégie de Mao Zedong, à destination de la Chine des années 1920-1940, dans la Turquie de 201915… Cette rigidité ahistorique (fort peu marxiste) explique sans doute, au moins en partie, que les effectifs du TKP-ML ne soient en rien comparables à ceux du PKK, quand ce parti avait pourtant développé sa guérilla bien avant le parti d'A. Öcalan.
Ne se définissant ni comme maoïste, ni comme hoxhaïste, la doctrine politico-militaire du PKK n'était pas la transposition mécanique d'un vade-mecum élaboré par d'autres, en d'autres lieux et d'autres temps. Et en cela, l'élaboration d'un nouveau paradigme dicté par la nouvelle conjoncture politique au Moyen-Orient s'inscrit plus dans la tradition du PKK qu'il ne marque une rupture. Le « nouveau paradigme » est une réponse à des problématiques moyen-orientale et a donc une vocation essentiellement moyen-orientale. Donc, chercher à transposer mécaniquement, tel quel et sans l'adapter ce nouveau « paradigme » en Europe, en Afrique ou ailleurs serait une absurdité.
Il nous faut nous inspirer, indéniablement, des succès de la révolution du Rojava et des YPG-YPJ. Il nous faut étudier les processus ayant permis à cette révolution de réussir, d'apprendre de ses succès, de ses tâtonnements et, aussi, de ses erreurs. Il faut s'en inspirer, mais pour élaborer nos propres stratégies révolutionnaires. Une stratégie révolutionnaire européenne, répondant à des problématiques européennes.
De même que le PKK ne s'est pas contenté de « mettre en pratique » la stratégie du général Giáp au Kurdistan, mais s'en est inspiré pour élaborer la sienne propre. De même que le général Giáp avait adapté la stratégie de la guerre populaire prolongée à un territoire a priori peu propice. De même que Mao Zedong s'était inspiré de Clausewitz, de Lénine et d'autres, pour élaborer une stratégie politique et militaire propre à la géographie chinoise.
Conclusion
En conclusion, les bonnes intentions de l'auteur (la défense du Rojava et de son projet politique) ne peuvent occulter le fait qu'il s'agit d'un ouvrage essentiellement orientaliste, écrit par un non-expert et dont la relative exposition s'explique par le manque d'ouvrages sérieux (et militants) sur le sujet. Manque qu'il serait salutaire de combler, au risque de voir d'autres ouvrages de cette teneur profiter du vide…
Le Rojava mérite d'être soutenu pour ce qu'il est, et non pour l'image d’Épinal que des apologètes aussi acritiques que mal informés se plaisent à répandre ici, profitant du manque de connaissances fiables. Son histoire, sa révolution gagnent à être connues et étudiées, car elles sont riches d'enseignements pour les révolutionnaires qui aspirent à détruire l'ordre existant, le capitalisme. Pour détruire ces États occidentaux que d'aucuns semblent tant chérir…
Le Rojava mérite bien mieux, en définitive, que le livre de R. Lebrujah.
1Entre autres par Alternative Libertaire : « Lire : Lebrujah, Comprendre le Rojava dans la guerre civile syrienne ».
2Aucune ironie ici, voir le texte écrit par O. Besancenot à son retour du Kurdistan nord (État turc) : « Les printemps naissent du Kurdistan ».
3Daech a certes commis des attentats meurtriers en Europe et ailleurs, mais il n'a jamais ébranlé quelque État occidental que ce soit.
4Les zones tenues par les QSD (Forces de la Syrie démocratique) ont, depuis, été l'objet d'une nouvelle réforme administrative visant à intégrer les territoires majoritairement arabes pris récemment (régions de Deir-ez-Zor, Raqqa, Tabqah et Manbij).
5Il s'agit d'un des rares ouvrages très documentés sur la révolution du Rojava. Le point de vue partisan y est assumé, même si l'ouvrage n'est pas exempt de critiques.
6Ne serait-ce que pour rappeler que le départ des troupes du régime fut contraint, par la menace des armes (comme à Kobanê) ou par l'usage des armes (comme à Dêrîk, ou les YPG essuyèrent plusieurs martyrs).
7Certains fonctionnaires du régime demeurèrent après cette date, notamment dans des villes ethniquement mixtes comme Çil Axa (expulsés en 2013).
8Éléments de réponse : le PYD s'est attelé à organiser un système de conseils dès 2011, qui serviraient ensuite de base à l'administration autonome, et qui prirent le relais de l'État syrien pour certains services (collecte des ordures, tribunaux, écoles…) dès avant 2012. Le PYD disposait en outre, à la différence des autres partis kurdes, d'armes, ce qui lui permit de survivre à la militarisation de la crise.
9Sur les liens entre Clausewitz et Giáp, voir T. Derbent, Giap et Clausewitz, Aden, 2006.
10Mao Zedong était lui-même un lecteur de Clausewitz. Voir T. Derbent, « Clausewitz et Mao »
11Le tabûr est une unité comprenant entre 40 et 60 personnes. Ce terme est souvent traduit de façon impropre par « bataillon ».
12Branche syrienne du PDK irakien. Rival historique du PYD, le PDK-S s'est marginalisé depuis 2012 et se prétend, avec quelques autres partis squelettiques, la seule autorité légitime au Rojava. Ne reconnaissant pas l'administration autonome, le PDK-S a refusé de participer aux élections de 2017. Sans doute par criante d'exposer sa faiblesse.
13Chaîne de télévision basée à Qamişlo.
14Riza Altun, « Hevalbendên me hêzên demokratîk in », ANF, 26 janvier 2018.
15Quand, en passant, l'agriculture n'emploie que 18 % de la population active turque en 2017.