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Situation révolutionnaire en Iran : À bas la dictature ! Non à l’ingérence impérialiste !
Depuis la réélection truquée du président Ahmadinejad en juin 2009, qui avait entraîné des manifestations de plusieurs dizaines de milliers de personnes et une dure répression, la situation révolutionnaire s’approfondit en Iran. Voici maintenant sept mois que, en toute occasion, notamment les jours de commémoration ou de deuil officiels, les opposants au régime descendent dans la rue massivement. Mais un seuil a été franchi le 27 décembre, journée de l’Achoura (date sacrée du calendrier chiite), qui a été sans doute l’une des plus radicales et violentes depuis juin. En effet, des milliers de manifestants ont mis en cause le régime lui-même et se sont battus avec les polices officielles ou officieuses — notamment le corps des Pasdaran (Gardiens de la Révolution) et les Bassidji (milices islamiques) — qu’ils ont mis dans plusieurs cas en déroute, notamment à Téhéran (la capitale) et Tabriz (dans le Nord du pays). Néanmoins, la répression a été extrêmement brutale : au moins trente-six manifestants ont été tués et plus de mille arrêtés. Les analystes s’accordent à dire que cette journée a marqué le franchissement d’un seuil dans la radicalisation des masses, qui approfondit la crise du régime et confirme qu’il s’agit d’une crise révolutionnaire, même si l’on ne peut prévoir ni les rythmes, ni l’issue de son développement (1).
Il n’y a rien à attendre du « réformateur » Moussavi
Alors que le sommet de l’État se divise entre ceux qui veulent noyer la révolte dans un bain de sang et les partisans de compromis avec les « réformateurs » de Moussavi, l’enjeu majeur, pour les révolutionnaires, est que le mouvement s’étende jusqu’à saper les bases du régime tout en restant rigoureusement indépendant de Moussavi, de Kharoubi (l’autre candidat « malheureux » à la présidentielle de cet été) et de tous les autres réformateurs laïcs ou religieux qui, au sommet de la République islamique, s’opposent à l’orientation jugée insoutenable d’Ahmadinedjad et de Khamenei, le « Guide suprême ». Moussavi, en particulier, principal opposant électoral à Ahmadinejad en juin, mais lui-même ancien premier ministre, entouré d’une clique d’autres anciens officiels chaque jour plus nombreux, ne veut absolument pas mettre fin à la République islamique, qui est une véritable dictature. Sa proposition actuelle, en cinq points, vise avant tout à prendre la place d’Ahmadinejad, mais il veut expressément limiter les libertés démocratiques aux organisations qui reconnaissent la légitimité de la République islamique, puisqu’il revendique l’article 27 de la Constitution. Pour garantir son allégeance au régime, Moussavi s’est même désolidarisé des manifesta-tions du 27 décembre, en raison de leur radicalité. Les impérialistes soutiennent Moussavi précisément parce qu’ils voient en lui un candidat au pouvoir non seulement plus docile qu’Ahmadinejad, mais aussi capable de contenir la colère des masses en la canalisant dans le cadre d’un régime légèrement retouché.
Divisions et hésitations de la classe dominante
Or, plus le temps passe, plus les masses se radicalisent, et moins la situation pourra être réglée par des demi-mesures. En particulier, une répression encore plus sanglante et barbare serait pour les sommets du régime un saut dans l’inconnu : cela ne règlerait pas les problèmes de fond auxquels ils sont confrontés et qui sont dus aux conflits d’intérêts entre les différents secteurs bureaucratico-mafieux dont ils sont les émanations respectives. D’autant plus que ces conflits déjà anciens sont exacerbés par le développement des relations économiques et géo-politiques avec les puissances impérialistes, tout particulièrement depuis l’arrivée d’Obama au pouvoir, qui a éloigné le risque d’une intervention militaire demandée naguère par les faucons de la Maison blanche. Le régime iranien a ainsi renforcé sa collaboration avec les impérialistes pour aider au « contrôle » du chaos dans les pays voisins occupés, l’Irak et surtout l’Afghanistan, où les impérialistes peinent de plus en plus à maîtriser la situation avec l’intensification de la résistance et l’extension des zones de guerre au Pakistan. Mais surtout, les échanges commerciaux s’intensifient et sont appelés à se développer : cela fait d’ailleurs trente ans, depuis l’avènement de la République islamique, que les capitaux impérialistes, qui n’ont jamais réellement quitté le pays à l’exception des États-Unis et de la Grande-Bretagne, souhaitent faire leur retour en force en Iran, notamment au vu des nécessités de restructuration et modernisation de son industrie pétrolière et des juteux investissements qu’ont fait au cours des dernières années les multinationales françaises et allemandes dans divers secteurs, notamment dans l’automobile.
De ce point de vue, l’arrivée au pouvoir de Moussavi faciliterait la collaboration avec les impérialistes, car Ahmadinejad doit faire mine de rester un minimum nationaliste et anti-américain s’il veut rester au pouvoir. Mais elle ne mettrait pas forcément fin à la crise du sommet, car ses ennemis resteraient puissants dans le cadre du régime et rendrait plus difficile à justifier la répression des mobilisations populaires. En ce sens, la situation reste ouverte et, en tout cas, ingérable à terme pour les actuels chefs du régime.
Soutien inconditionnel aux masses en lutte
Dans cette situation, les révolutionnaires doivent être inconditionnellement du côté des masses qui se soulèvent contre le régime et les encourager à se battre pour mettre à bas la République islamique honnie. Cela ne sera possible que si la classe ouvrière intervient dans la situation révolutionnaire ouverte, ce qui n’est pas encore le cas à une échelle nationale : même s’il y a un certain nombre de grèves ouvrières et, bien évidemment, des dizaines de milliers d’ouvriers qui participent aux manifestations contre le régime, ils n’agissent pas en tant que classe, avec leurs propres armes, contrairement au processus révolutionnaire qui finit par triompher de la dictature pro-impérialiste du Shah en 1979.
En même temps, il faut lutter avec la plus grande détermination contre l’orientation de Moussavi, qui est un ennemi de la démocratie et des travailleurs. Enfin, il faut combattre toutes les illusions qui peuvent exister sur les « démocraties occidentales », en montrant que les impérialistes n’ont que faire d’établir la démocratie en Iran, mais veulent uniquement développer leurs affaires dans le pays, accéder au contrôle des ressources pétrolières et s’appuyer sur un allié tout en contrôlant enfin ses armements.
Soutien aux forces ouvrières contre le régime
Nous soutenons en particulier l’ensemble des forces du mouvement ouvrier, des organisations d’étudiants et de femmes qui se battent pour en finir avec le régime tout en restant totalement indépendantes de Moussavi et consorts. C’est le cas notamment des deux partis qui se réclament du « communisme ouvrier » fondé par Mansoor Hekmat (le PCOI et le PCOI-Hekmatiste), résistent courageusement à la dictature depuis trente ans en défendant un certain nombre d’idées marxistes, en construisant des syndicats ouvriers et des organisations de femmes. Aujourd’hui, ils mettent en avant un programme combinant des revendications démocratiques et sociales, l’objectif de renverser la République islamique et le refus de toute intervention militaire et de toute sanction économique de la part des impérialistes.
Les chefs du régime ont montré leur crainte d’un progrès de ce programme parmi les masses en dénonçant, dans les manifestations du 27 décembre, l’intervention de groupes marxistes et en saisissant Interpol, l’agence des polices européennes, pour qu’elle lance des poursuites contre les militants du PCOI-H présents en Europe. Interpol a obtempéré en publiant la liste de douze militants, présentés comme « terroristes » alors qu’ils se battent pour la démocratie et le socialisme en Iran ! Cela prouve que, face au danger révolutionnaire, les dictateurs d’Iran et les prétendus « démocrates » d’Europe s’entendent comme larrons en foire. C’est un devoir de tous les militants du mouvement ouvrier et des droits démocratiques de dénoncer cette collusion, de soutenir et de protéger les camarades du courant communiste-ouvrier (2).
Il est d’autant plus nécessaire de ne pas semer d’illusions sur le rôle que pourraient jouer les puissances impérialistes dans la chute du régime. C’’est donc une faute politique de leur demander de rompre leurs relations diplomatiques avec l’Iran, comme le font les deux PCOI. Car les puissances impéria-listes ne veulent pas plus mettre à bas ce régime qu’elles ne l’ont fait pour celui de Saddam Hussein en 1991, tant qu’elle peuvent accroître leurs affaires avec lui, même si elles espèrent vivement placer à sa tête des dirigeants plus conciliants.
Critique du courant communiste-ouvrier
Plus généralement, le programme du courant commu-niste-ouvrier d’Iran et d’Irak contient des points particulièrement faux, qu’il faut critiquer car ils pourraient avoir des conséquences funestes dans le processus révolutionnaire.
Tout d’abord, ce courant commet une faute programmatique fondamentale en renvoyant dos-à-dos les impérialistes et ceux qui leur résistent, comme c’est le cas en Irak ou en Palestine, sous prétexte que beaucoup de ces résistants sont islamistes. Or le combat nécessaire contre l’islam politique et notamment contre ses exactions envers les droits démocratiques, les ouvriers et les femmes, ne saurait justifier une position neutre dans les conflits entre impérialistes et résistants. Cette faute programma-tique, qui a conduit le courant communiste-ouvrier d’Irak et d’Iran à la scission il y a quelques années, est sans doute due à l’origine du courant communiste-ouvrier, consti-tué dans les années 1980 en opposition au « nationalisme de gauche » et notamment au stalinis-me qui, dans la révolution de 1979, avait soutenu les islamistes sous prétexte d’anti-impérialisme. Pourtant, l’intérêt des travailleurs et des peuples opprimés est d’infliger des défaites à l’impérialisme tout en combattant sans la moindre concession le programme et la politique des islamistes ou de n’importe quels autres nationalistes bourgeois et petits-bourgeois.
Plus généralement, la position du courant communiste-ouvrier sur la question démocratique est confuse et erronée. S"il est évident que les revendications démocratiques doivent aujourd'hui être mises au centre de l'agitation en Iran, il faut comprendre que seule la classe ouvrière est capable de réaliser ces revendications en prenant le pouvoir. Or, si le courant communiste-ouvrier est très clair dans son combat contre toutes les fractions du régime, son programme politique au-delà du renversement de la dictature est ambigu. C’est d’ailleurs sur cette question des mots d’ordre à formuler sur la question du pouvoir que s’est produite la scission du courant communiste-ouvrier en 2004. Mais aucun des deux partis qui en sont issus n’a surmonté ces failles programmatiques constitutives.
Le programme du commu-nisme-ouvrier, en effet, mêle des considérations générales sur la République des conseils et des formulations démocratistes sans délimitations de classes. Cela conduit le PCOI à l’illusion selon laquelle une République socialiste en Iran pourrait être introduite par les urnes. Mais les deux partis partagent une conception de la révolution par étapes, en conséquence réformiste, qui conduirait pourtant nécessaire-ment la dynamique révolutionnaire dans l’impasse institutionnelle de la démocratie bourgeoise, voire dans des alliances avec des fractions « démocratiques » de la bourgeoisie elle-même. Car, si le processus révolutionnaire s'approfondit, il ne fait guère de doute que la bourgeoisie iranienne cherchera à le dévier en mettant en avant une variante plus présentable aux masses que Moussavi, en faisant valider par les urnes un régime bourgeois soi-disant démocratique, mais soumis à l’impérialisme.
Pour un parti révolutionnaire trotskyste
Pour que la révolution puisse triompher en Iran, il faut que la classe ouvrière joue un rôle central et se dote du programme trotskyste, qui permet de lutter efficacement contre l’impérialisme et d’aider les travailleurs à prendre le pouvoir. Le développement concret d’un programme transitoire pour l’Iran, culminant dans l’objectif d’un gouvernement des travailleurs, serait un apport décisif pour articuler les revendications démocratiques et sociales immédiates à la question du pouvoir en concrétisant l’opposition aux impasses démocratiques bourgeoises. Le combat pour un tel programme, donc pour un parti trotskyste est un enjeu majeur du moment présent. Il faut en discuter avec tous les militants du mouvement ouvrier en Iran.
1) Pour bien comprendre la situation en Iran, cf. l’excellent article du camarade du NPA Babak Kia : http://www.contretemps.eu/interventions/iran-crise-regime-mouvement-populaire
2) Cf. le communiqué de la FSE, syndicat étudiant de lutte : http://www.luttes-etudiantes.com/FSE/communique.php?p=communique&a=detail&idCommunique=149