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Après la violence du 1er mai, se préparer à faire face
Les comptes rendus, les articles, les témoignages, les publications sur les réseaux sociaux ou encore les vidéos et les photos de la manifestation parisienne du 1er mai mettent tous en évidence une chose : le gouvernement Macron, et particulièrement le Ministère de l’Intérieur avec Castaner aux commandes a fait le choix très clair de détruire par la force la plus brutale tout mouvement de contestation. C’est par la force et aidé idéologiquement par les grands médias qui le couvrent que Macron a décidé de gouverner jusqu’à la fin de son mandat. Il a lui même déclaré qu’il « se fichait de la prochaine élection »1 et envoie dès lors un message très clair : il ne vise plus nécessairement la prochaine présidentielle, il veut avant tout mettre en œuvre son programme ultra-libéral. Malgré un soutien large de la population au mouvement des Gilets Jaunes qui permet de rebattre les cartes de la contestation sociale, la mobilisation ne s’amplifie pas. Les syndiqué·e·s et militant·e·s politiques du mouvement ouvrier organisé sont révoltés, essaient d’agir dans la situation, mais face au rouleau compresseur répressif et régressif, l’ensemble des directions des forces dites de gauches sont à la traîne, incapables de mettre en œuvre une stratégie de front qui permettraient d’aider à l’amplification de la contestation.
La répression inouïe du 1 er mai
Nous ne reviendrons pas ici sur la terrible répression déployée ce 1er mai à Paris. Toutes les forces de polices étaient mobilisées : les CRS, les GM, les BAC, les DAR (les nouvelles brigades d’intervention rapide), les voltigeurs, la police montée. Tout l’arsenal aussi : canons à eau, LBD, GLI-FR, lacrymogènes, comparutions immédiates. Les cortèges ont tous été attaqués par la police, tant celui du PCF que de LO, tant ceux de la Cgt que de Solidaires et la brutalité s’est acharnée contre toutes celles et ceux qui se trouvaient à portée de matraques. C’est une brutalité sans nom qui s’est déployée non pour viser de prétendus « casseurs » mais c’est bien pour terroriser tout le monde, y compris des cortèges inoffensifs comme les cortèges syndicaux. Le but était de faire une démonstration de force, portée par le nouveau préfet à la réputation de fermeté absolue, Didier Lallement. Nous devons reconnaître que la démonstration a fonctionné, la terreur l’a emporté. Prétextant la prétendue présence de quelques milliers black-blocs (notamment un appel sur les réseaux sociaux sur lequel nous reviendrons) relayée massivement par les médias, le dispositif a permis d’être déployé et utilisé en toute impunité, malgré l’absence – comme quiconque d’honnête pourra le remarquer – d’un bloc solide et menaçant. La manifestation est ainsi devenue une tentative d’arriver d’un point A à un point B de Paris qui a été rendu presque impossible par la flicaille.
Un gouvernement anxiogène et adepte de la fake news
Macron s’était déjà illustré dans la semaine en citant Pétain lorsqu’il souhaitait « une bonne fête du travail » dans un de ses tweets. Castaner l'ex mafieux est même allé plus loin en parlant d’une tentative d’attaque de l’hôpital de la Salpétrière, grotesque mensonge sur lequel il a lui même été obligé de revenir après la multitude de témoignages et de vidéos (notamment du personnel soignant) ayant prouvés qu’il s’agissait simplement de manifestant.e.s. cherchant un peu de répit – ce qui n’a même pas été possible – face à la brutalité policière2. Un gouvernement menteur adepte des fakes news donc, dont le principal objectif est de semer la confusion, de maintenir un climat anxiogène pour empêcher toute contestation et maintenir sa politique complètement désavouée.
Il faut donc trouver les bouc émissaires contre lesquels déverser une haine féroce : les jours de manifs, ce sont les prétendus casseurs, le reste de la semaine ce sont les musulman·e·s. C’est la menace de l’ennemi intérieur qu’il faudrait combattre pour régler les problèmes dans la mesure ou ils sont les responsables des tous les malheurs. L’intrusion dans le Grand Débat de sujets comme l’immigration ou l’islam en est la parfaite démonstration : ces questions ont progressivement disparu de la majorité des revendications des Gilets Jaunes mais il faut les ressortir, les maintenir dans l’actualité pour tenter de porter à bout de bras une prétendue identité nationale contre un ennemi incarnant l’antithèse de « nos valeurs » et qui serai responsable de tous les maux de la société.
Il s’agit bien d’un gouvernement réactionnaire sous couvert d’une ouverture libérale, qui cache sous un prétendu renouvellement générationnel les ficelles de la vieille politique : celles de l’autoritarisme, du racisme et de l’exploitation capitaliste sauvage.
Les organisations politiques et syndicales d’opposition à gauche à la ramasse
Le soulèvement des Gilets Jaunes a montré la déconnexion profonde des résidus du PS et PCF (qui a beau jeu de demander la démission de Castaner après avoir goutté de la matraque dans la manif alors qu’un de ses député·e·s demandait une fermeté absolue de celui-ci quelques jours avant) de la réalité sociale de celles et ceux qu’ils prétendent – ou plutôt qu’ils osent encore prétendre – représenter. Ce soulèvement a aussi montré la difficulté pour les organisations d’extrême gauche à saisir la profondeur du chaos social dans lequel se trouve une très large frange d’un prolétariat transformé par le tournant néolibéral des années 80 et approfondit par les transformations du capitalisme mondial depuis 2008. Si dans l’échiquier politique il semble que seuls quelques groupes aient compris la nécessité de s’investir dans les Gilets Jaunes dès le début, c’est la FI qui a pris l’initiative en soutenant les revendications. Pour autant, peu de forces ont réellement été déployées pour transformer ce soulèvement en un mouvement de masse qui aurait permis d’entraîner largement plus de monde, notamment les « bastions du mouvement ouvrier » qui auraient pu et du apporter une force politique puissante par la grève de masse.
À côté du l’incapacité des partis politiques de gauche, c’est surtout l’attitude scandaleuse des directions syndicales, particulièrement celle de la CGT qui a empêché de vraiment fournir un levier pour mettre en place un rapport de force conséquent face à Macron. La direction confédérale de la CGT, malgré une base de syndiqué·e·s sympathisante et même souvent impliquée dans le mouvement des Gilets Jaunes, n’a pas mis en place un vrai plan de mobilisation aider à convaincre les salarié·e·s « à statut », moins précarisé·e·s et plus organisé·e·s, de rejoindre le mouvement et de l’étendre par la grève sur les lieux de travail.
Une incapacité à faire front donc, qui se révèle catastrophique lorsque l’on fait le bilan de ce 1er mai qui n’a que peu mobilisé vu la période dans laquelle il s’inscrivait. Mais pire encore, malgré l’attaque du cortège CGT par la police, le communiqué de la Conf’3 continue de dénoncer « les violences » et de mettre au niveau celles de l’État et celles du black bloc. C’est un véritable scandale. Pour tenter de se faire pardonner, Matignon convoque les « partenaires sociaux » à Matignon pour faire un petit point. Fort heureusement, la confédération ne prendra pas part à la rencontre : "Nous ne voulons pas servir de caution à la mise en oeuvre de réformes qui n'arrangeraient rien", estime Philippe Martinez. Nous ne nous faisons pas d’illusion sur l’attitude de ce bureaucrate en chef qui s’il le peut renouera avec le dialogue social qui lui assure sa place d’interlocuteur privilégié du gouvernement, mais nous portons nos espoirs et incitons les militant.e.s de base, les militant.e.s qui souhaitent retrouver un outil de combat de classe à mettre leur forces pour la journée du 9 mai dans la fonction publique, à la fois pour faire face à Macron mais aussi pour montrer à la direction confédérale de la CGT qui la politique du dialogue sociale est une politique au service du capitalisme et de l’exploitation des plus démuni·e·s.
La politique des autonomes : entre volontarisme sérieux et fétichisme
La constellation autonome ne doit pas être caricaturée ni jetée en pâture en étant disqualifiée d’emblée. De nombreux/euses militant.e.s se sont largement investi.e.s dans le mouvement, avec conviction, avec la volonté de le faire avancer sur des bases politiques de gauche. Dans des AG, des manifs, des rencontres, les militant.e.s étaient présent.e.s et ont aidé le mouvement – notamment dans la rue – à se défaire de l’influence et de la présence de l’extrême droite, ce qui n’est certainement pas négligeable.
Pour autant le fétichisme de l’émeute a poussé une frange à se contenter de radicaliser l’avant-garde en se détournant largement de celles et ceux qui n’avaient pas encore rejoint le soulèvement. C’est une erreur tactique que nous désapprouvons fermement, particulièrement l’appel « Paris, capitale de l’émeute » qui a espéré dans une grande naïveté que l’émeute se décrétait. Ce type d’appel a été le prétexte au ministère de l’Intérieur d’utiliser la force, ce qu’il ne s’est pas privé de faire. Il ne s’agit pas de dire qu’il n’y aurait pas eu de répression sans cet appel : ce n’est pas le cas. Il s’agit en revanche de dire que ce fétichisme a contribué à légitimer le gouvernement dans son accentuation autoritaire, et force est de constater que nous n’avons pas vécu un prétendu « sursaut, un basculement qui aura tout changé » mais bien un carnage face auquel nous étions impuissant.e.s. 2000 black bloc ne peuvent rien contre 9000 flics. Même avec l’aide de quelques centaines de Gilets Jaunes voulant en découdre. Croire cela ou le faire croire est dangereux.
Pour autant, comme avec les groupes d’extrême gauche ou de gauche radicale avec qui nous avons pourtant des désaccords, nous considérons qu’il est important de mener des débats pour tenter de s’organiser sérieusement face à un gouvernement qui penche vers l’autoritarisme. Ceci est un appel.
Faire face
Dans cette situation compliquée, que faire ? D’un côté, le mouvement des Gilets Jaunes montre une frange importante des plus exploité·e·s qui ne s’était pas mobilisés depuis longtemps. Ce mouvement exprime une colère contre un système capitaliste dégueulasse, contre les injustices sociales de ce monde pourri et cette colère est partagée largement dans le pays, à divers degrés. D’un autre côté, la résignation est présente largement aussi. Combien de nos collègues, de nos ami·e·s, de membres de nos familles sont conscient que c’est la merde mais ne franchisse pas le cap de l’organisation et de la mobilisation face au gouvernement.
C’est ici que réside l’enjeu pour un mouvement de masse : convaincre toute cette partie de la population qu’il faut agir.
Pour arriver à convaincre de cela, il faut un but à l’action, une stratégie. Et la dessus, la responsabilité des politiques des directions syndicales est lourde : comment arriver localement à convaincre nos collègues de se mettre en grève le 9, et de manifester alors que les journées de mobilisation isolée et sans perspectives ont toujours mené à des défaites ? Les exemples sont malheureusement nombreux (SNCF, loi travail, etc.).
Pour arriver à convaincre, il faut une stratégie nous disions. Le gouvernement roule pour le grand patronat, il gouverne pour permettre au système économique de fonctionner malgré la crise économique. C’est pour cela que pour obtenir des avancées sociales, la grève massive, de secteurs entiers stratégiques pour l’économie et la vie du pays est un outil très important. C’est cela que nous pouvons construire, avec pour objectif de bloquer le pays, de se mettre en grève générale. Et pour cela, la force syndicale est cruciale mais les seul·e·s militant·e·s de terrain ne peuvent pas tout : il faut aussi que les directions des syndicats lancent un appel clair à la mobilisation et mettent leur force dans l’organisation d’un plan de mobilisation pour bloquer le pays. Évidemment, il ne faut pas se limiter aux seul·e·s syndiqué·e·s, et il faut développer l’auto-organisation sur les lieux de travail pour construire une grève dépassant le seul cadre syndical.
Pour construire un mouvement général plus large que les seul·e·s Gilets Jaunes, il y a d’autres leviers que nous devons saisir. Il est primordial de s’élever contre les violences policières, contre la répression judiciaire et syndicale. Depuis la loi travail, la violence répressive va crescendo, et cela doit stopper. Cette violence policière est une violence coutumière des quartiers populaires et des liens autour de cette question entre le mouvement ouvrier organisé, les Gilets Jaunes et les quartier populaire peuvent être créer, et peuvent rassembler les exploité·e·s et les opprimé·e·s du système capitaliste. C’est pour cela qu’il faut construire des fronts autour de la question de la répression policière.
Crédit Photo : Martin Noda
1https://www.rtl.fr/actu/politique/emmanuel-macron-je-me-fiche-de-la-prochaine-election-je-veux-reussir-7797502423
2https://www.liberation.fr/checknews/2019/05/02/non-l-hopital-de-la-pitie-salpetriere-n-a-pas-ete-attaque-par-des-black-blocs-ni-degrade_1724493
3https://www.cgt.fr/comm-de-presse/communique-suite-aux-manifestations-du-1er-mai-2019