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    Mondial 2010 : Un pion de l’échiquier capitaliste

    Le 11 juin s’est ouverte en Afrique du Sud la 19e édition de la Coupe du monde de football, organisée sous l’égide de la FIFA (Fédération internationale de football association). Avec près de 30 milliards de téléspectateurs prévus en audience cumulée et environ 73 000 heures de retransmission dans 214 pays, à raison de 64 matchs, le Mondial est l’événement le plus médiatisé de la planète. Mais c’est aussi la manifestation sportive qui rapporte le plus d’argent au capitalisme derrière les jeux olympiques. Et le fait qu’elle se tienne en Afrique du Sud n’est pas un hasard. Depuis les années 2000, ce pays émergent a connu une forte croissance et malgré la récession due à la crise entre le 4e trimestre 2008 et le 2e trimestre 2009, la croissance est à nouveau revenue au 1er trimestre 2010 : 4,6 %. Soutenue notamment par les investissements étrangers, cette Coupe du monde permettra donc d’asseoir encore plus la domination du capitalisme dans ce pays rongé par la pauvreté et l’exploitation. Regardons alors de plus près quels sont les enjeux de cette manifestation sportive et quels impacts ils peuvent avoir sur le pays et dans le monde. Nous analyserons ensuite le rôle que joue la classe ouvrière dans cette Coupe du monde, puis nous évoquerons le sentiment d’attachement national que cette compétition provoque.

    Une manifestation au service du capitalisme

    Petite mise en bouche

    Entre les droits de retransmis-sion, les contrats publicitaires, la billetterie et les partenariats avec les entreprises, la FIFA espère engranger près de trois milliards d’euros de recette globale. Une partie est destinée aux joueurs, sous forme de primes à multiples zéros ; une autre partie aux clubs, dont les plus importants, comme le Real Madrid, Barcelone ou Chelsea, seront grassement « indemnisés » pour avoir bien voulu « prêter » leurs joueurs aux équipes nationales. L’organisation dirigée par le Suisse Joseph Blatter – dont le salaire annuel, tenu secret, est estimé à près de 4 millions de dollars – affiche par ailleurs une santé comptable des plus radieuses : son bénéfice se montait en 2009 à 147 millions d’euros, ses fonds propres atteignant 795 millions d’euros...

    À partir de ce simple constat il est difficile de croire encore que la Coupe du monde de Football est un événement purement sportif et fraternel comme l’avance la devise de la FIFA : « For the game, for the world ». Il est évident que cette manifestation est pourrie jusqu’à la moelle par l’argent et les profits. Mais la FIFA n’est que l’organisateur de cette compétition qui permet surtout à différents groupes capitalistes de faire des profits mirobolants sur le dos de la classe ouvrière mondiale.

    Des stades luxueux construits par des ouvriers sous-payés

    Vive le sponsoring !

    Les profits des sponsors historiques de la FIFA comme Coca-Cola, Fujifilm ou encore Phillips sont gigantesques et pour certains équipe-mentiers sportifs les enjeux sont énormes. Le match entre Adidas et Nike prend notamment toute son ampleur avec les équipes nationales. Nike est le sponsor du Brésil alors qu’Adidas est l’équipementier de formations telles que l’Allemagne et la France. Ces principaux équipemen-tiers se disputent donc en amont de la Coupe du monde une véritable guerre commerciale pour bénéficier d’un maximum de retombées économiques lors de la compétition.

    Pour avoir un ordre d’idée, en 2006, les profits liés au sponsoring de la Coupe du monde en Allemagne ont atteint environ 16 milliards de dollars... Dans le même temps, on a pu voir que des firmes comme Philips continuaient pourtant de licencier à tour de bras en France et dans le monde et que des milliers de femmes et d’enfants toujours plus nombreux travaillent, souvent en Chine et en Asie du Sud-Est, dans les usines des équipementiers sportifs comme Nike, Puma et Adidas pendant des journées de douze heures et plus, pour vingt-cinq centimes d’euros l’heure, sans droits et sans syndicats.

    Il faut noter également le diktat incroyable imposé sur les supporters par les sponsors avec l’aide de la FIFA : durant un match, des jeunes femmes, supportrices des Pays-Bas, ont été interpellées par la police et ont comparu devant un tribunal d’exception créé pour l’occasion (on y reviendra ci-dessous) qui les a remises en liberté contre une caution de 10 000 rands (environ 1 000 euros). Leur arrestation fait suite à une plainte de la Fifa pour « publicité clandestine » lors du match Pays-Bas/Danemark. Une trentaine de jeunes femmes s’étaient présentées au stade vêtues de mini-robes oranges, offertes par le brasseur néerlandais Bavaria, qui n’est pas un sponsor de la Coupe du monde ! Le groupe avait alors été arrêté et deux des supportrices interrogées par la police pendant plusieurs heures... On croit rêver !

    En marge de ces faits une manifestation de 3 000 personnes à Durban (sud-est du pays) a défilé en scandant « Dehors, la mafia de la Fifa ! ». « Le gouvernement a pris tout l’argent des contribuables pour la Fifa », s’est emporté l’un des organisateurs de la manifestation, Desmond D’sa. « S’il y a de l’argent pour les stades, il ne devrait pas y avoir de sans-abri et de gens qui vivent dans des bicoques », a renchéri un co-responsable, Allan Murphy.

    Le marché juteux de la télévision

    Les chaînes de télévision profitent aussi pleinement de cette Coupe du monde. TF1 par exemple, qui a payé 120 millions d’euros pour retransmettre les différentes rencon-tres, diffusera pour la finale un spot publicitaire de trente secondes dont le prix se monte à 300 000 euros bruts (lequel sera néanmoins divisé de moitié puisque l’équipe de France n’a pas atteint le stade ultime de la compétition). Et avec la libéralisation récente des paris sportifs en ligne, les annonceurs et les sponsors sont bien plus nombreux qu’en 2006, ce qui augmentera encore davantage les profits des chaînes privées françaises.

    Pour preuve de l’impact des résultats de l’équipe de France sur le capitalisme, au lendemain de la défaite de la France face au Mexique, le 18 juin dernier, vers 15 heures, l’action de TF1, filiale du groupe Bouygues, perdait 2,09 %. Une analyse de Natixis pour Le Figaro (18 juin 2010) explique : « Les investisseurs anticipent une baisse du prix des spots publicitaires pour la phase éliminatoire de la Coupe du monde. Cela devrait se traduire par un recul de la croissance des revenus publicitaires au troisième trimestre pour la chaîne télévisée. » Et de préciser : « Si l’équipe de France de football ne se qualifiait pas pour les huitièmes de finale, TF1 pourrait perdre deux points de croissance de revenus publicitaires, soit six millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaires et cinq millions d’euros de résultat opérationnel. »

    L’analyste de Natixis relativise toutefois l’impact financier qu’a l’élimination de l’équipe de France pour TF1. « Le coût financier de cette élimination sera largement com-pensé par l’apport de nouvelles recettes publicitaires que vont générer les paris sportifs en ligne. Cette baisse du cours de l’action est donc très exagérée », affirme-t-il. Ouf, nous voilà rassurés !

    Les retombées économiques sur les États organisateurs

    Pour le pays hôte, le gain vient en premier lieu de l’afflux de visiteurs étrangers, eux-mêmes sources de devises (500 000 millions d’euros pour l’Allemagne en 2006 selon Standard & Poor’s). Le tourisme que la manifestation engendre peut doper la croissance des pays organisateurs, notamment grâce à la consommation, mais aussi à la construction d’hôtels et à l’aménagement, voire la création de moyens de transport...

    Mais les sommes investies pour rénover ou construire stades et infrastructures sont considérables et si le Mondial est une aubaine pour l’Afrique du Sud entrée en récession fin 2008 pour la première fois en 17 ans, il n’est pas si évident qu’elle s’en sorte plus forte économiquement. Son produit intérieur brut (PIB) a en effet enregistré une chute vertigineuse de 6,4 % au premier trimestre 2009. Et au total, les pouvoirs publics ont déboursé 3,5 milliards d’euros pour, notamment, les infrastructures et la sécurité, bien plus que les 230 millions d’euros sur lesquels le gouvernement tablait au départ. Le ministère des finances a par ailleurs révisé à la baisse les retombées de la compétition sur la croissance. Ces dernières étaient évaluées à 1 % ; le chiffre a été divisé par deux et pourrait bien être encore plus bas.

    De plus, quand on sait que le prix d’une place en plus mauvaise catégorie pour assister à un match de groupe (1er tour) en Afrique du Sud est au minimum de 80 dollars, il est facile de se rendre compte que ce ne sont pas les travailleurs pauvres (qui ont construit les stades, les hôtels ou les axes routiers) qui iront voir ces matchs, mais bien la classe la plus riche, c’est-à-dire la bourgeoisie. Cette Coupe du monde renforcera donc inévitablement le fossé entre les classes, entre le prolétariat sud-africain et sa bourgeoisie.

    Plus généralement, les pays organisateurs tirent un bilan économique toujours positif pour la croissance. En 1998 par exemple, le Produit Intérieur Brut (PIB) français a progressé de 3,5 % et de 3 % en 1999, alors qu’il était de 2,3 % en 1997. En Corée du Sud, il a progressé de 3,1 % en 2003, 4,6 % en 2004 (pays organisateur) et 4,0 % en 2005. Cependant, l’impact de l’événement est difficile à évaluer du fait de la multitude d’autres facteurs rentrant en compte dans l’évolution du PIB.

    Certaines analyses (1) montrent par ailleurs que, historiquement, les renversements de tendance économique précèdent les bons ou mauvais résultats sportifs et avancent donc que c’est la croissance économique qui favorise les chances de victoire d’une équipe. Cette théorie est également confirmée au vu du sport bourgeois en général, où les meilleurs équipes et athlètes (lorsqu’il s’agit de sports mondialement médiatisés avec un impact capitaliste très important) proviennent des pays capitalistes les plus riches (États-Unis, Allemagne, Japon, France, etc.). En pleine crise capitaliste mondiale actuelle, plusieurs défaites de « grandes » équipes lors de cette compétition, contribueraient donc à confirmer cette analyse. À suivre...

    Que ce soit donc pour les sponsors, les chaînes de télévision ou même les États, il paraît donc évident que la Coupe du monde de football est d’abord et avant tout une vitrine sans pareil pour le capitalisme et ses profits indécents. Mais la barbarie et l’igno-minie de ce système prennent toute leur ampleur lorsqu’il place sa vitrine au cœur même d’un pays comme l’Afrique du Sud, pays d’une extrême pauvreté, déjà ravagé par l’impéria-lisme, le racisme et à présent par le gouvernement bourgeois de Zuma.

    Une totale indifférence à la situation du prolétariat sud-africain

    Pauvreté extrême de la population

    Avec la disparition de l’apartheid en 1991, le racisme d’État a officiellement pris fin en Afrique du Sud. Cependant, depuis l’arrivé au pouvoir en 1994 de l’ANC (Congrès National Africain) de Nelson Mandela (avec la participation du PC stalinien et du COSATU — Congrès des Syndicats d’Afrique du Sud), le prolétariat d’Afrique du Sud subit toujours une extrême exploitation et une extrême pauvreté, ainsi que la persistance de discriminations terribles pour les Noirs.

    Sitôt élu en avril 2009, et comme Mandela et Mbeki avant lui, Zuma a rassemblé dans son gouvernement bourgeois fondé sur l’exploitation de la classe ouvrière noire, un large éventail politique. Le vice-ministre de l’agriculture et de la pêche est par exemple un dirigeant de l’extrême droite blanche et celui du tourisme vient d’une scission de l’ancien parti national. Ils siègent aux côtés du secrétaire général du PC, ministre de l’éducation supérieure et de dignitaires de COSATU. Ce gouvernement qui se veut donc « populaire » ne fait en réalité que servir les intérêts de la bourgeoisie sud-africaine, qui reste princi-palement blanche. Depuis 1994 et la « démocratisation » du pays, on assiste en fait à un renforcement de la pauvreté, de la précarité et finalement de l’opposition des classes sociales.

    Dans ce pays où le Sida tue chaque année plus de 300 000 personnes, on estime à 3/5e la population vivant sous le seuil de pauvreté. L’espérance de vie y est de 50 ans et le taux d’analphabétisme adulte d’au moins 15 % ! 1,1 million de familles vivent encore dans des bidonvilles et un million d’enfants travaillent. Le chômage touche plus d’un quart de la population active et bien plus chez les Noirs pauvres. 2 millions de personnes ont été expulsées de leur logement de 1994 à 2004. Au cours de l’année 2008, plus de 750 000 emplois ont été détruits.

    Selon l’indicateur du développe-ment humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’Afrique du Sud a reculé de 35 places dans le classement entre 1990 et 2005, à cause de l’appauvrissement général de la population. Le nombre de personnes vivant en dessous du seuil d’extrême pauvreté a doublé en dix ans, passant de 1,9 à 4,2 millions, soit 8,8 % de la population. Plus de 43 % de la population vivent avec moins de 3 000 rands (260 euros) par an. Le chômage a un taux officiel de 23,2 % , mais les syndicats l’estiment proche de 40 %. Près de 40 % des villes en Afrique du Sud sont d’ailleurs composées de townships (bidonvilles ayant une existence « légale » du point de vue gouvernemental). Par exemple, le township d’Alexandra avait été prévu pour loger 30 000 personnes lors de sa construction sous l’apartheid. Il en abrite 700 000 à présent. Comme beaucoup d’autres townships, à Alexandra, la plupart des routes sont en terre battue, un tiers des foyers n’ont pas l’eau potable, un tiers ne sont pas desservis par la collecte des ordures et 80 % n’ont pas de sanitaires. Et à quelques kilomètres de là, se situe le riche centre de Johannesburg, avec le quartier de Sandton, le plus cher de tout le continent africain...

    En revanche, la bourse de Johannesburg a quant à elle augmenté de 30 % depuis avril 2009, à l’image du regain de l’activité spécu-lative de la bourgeoisie mondiale. Et l’Afrique du Sud a été conviée à deve-nir membre du G 20, ce qui permet à Zuma de parader devant les caméras aux côtés de Sarkozy et compagnie.

    Insécurité mon amour

    Les médias mondiaux nous font part de l’insécurité qui règne en Afrique du Sud et de ces pauvres journalistes qui se font voler leurs appareils photos et leurs caméscopes par de méchants bandits... Pour répondre aux conditions draconien-nes imposées par la FIFA en matière de sécurité, dans un pays qui compte une moyenne plus de 20 000 meurtres par an, le gouvernement sud-africain n’a pourtant pas lésiné sur les moyens. Près de 150 millions d’euros ont été investis pour garantir l’ordre public pendant la manifesta-tion sportive. Plus de 40 000 policiers ont été spécialement recrutés et formés – notamment par la gendarmerie française. En tout, environ 200 000 gardiens de la paix sont mobilisés officiellement pour faire face à la criminalité ainsi qu’au hooliganisme (et officieusement aux manifestations et grèves qui pourraient se développer). Ils ont à leur disposition des équipements anti-émeutes, des fusils d’assaut dernier cri, des hélicoptères, des véhicules blindés, des caméras de surveillance disséminées dans tout le pays, un système de protection aux frontières et même des sous-marins et des avions de chasse (on ne voit pas encore très bien l’intérêt d’avoir un sous-marin ou un avion de chasse pour arrêter un hooligan ou un voleur d’appareil photo, mais bon, pourquoi pas...). Sans oublier les 420 000 agents de sécurité privés présents sur tout le territoire.

    Des stades bien gardés... car pour les riches

    Une cinquantaine de tribunaux spéciaux, sous la houlette de plus de mille juges, avocats et clercs, ont en outre été installés pour traiter les affaires le plus rapidement possible. Ils fonctionnent sept jours sur sept, de 8h30 à 23 h. Ainsi des journalistes portugais se sont vu voler leur appareils à l’ouverture de la Coupe du monde, les voleurs ont été retrouvés, jugés en comparution immédiate et envoyés en prison pour 15 ans fermes... Quelle belle justice implacable !

    Mais la déception de la population face à la politique de l’ANC (et de sa justice) depuis 1994 a renforcé considérablement l’individu-alisme. Ainsi les townships sont souvent gérés par de petites mafias issues de l’ANC qui considèrent les finances locales et les habitants comme leur propriété. Ils imposent un racket par la force. Et parallèlement se développe donc inévitablement le « gangstérisme »... On assiste alors à l’éternel cercle vicieux engrangé par le capitalisme : misère, vol pour survivre, répression policière et judiciaire, misère, etc.

    C’est donc dans ce contexte de pauvreté extrême que le vampire capitaliste, en organisant cette Coupe du monde, vient sucer encore plus le sang de la classe ouvrière. C’est aussi dans ce contexte que la ville de Pretoria a procédé à des expulsions massives à travers le pays, comme au Cap, où 20 000 personnes ont été déplacées de force pour « embellir » la ville, ainsi que le souligne un rapport de l’ONU présenté en mars dernier à l’Assemblée générale des Nations unies (2). C’est dans ce contexte également que l’État et les sociétés privés exploitent pour un salaire de misère des milliers de travailleurs pour faire construire des hôtels luxueux avec piscine et tout l’attirail pour accueillir les équipes nationales... C’est dans ce contexte encore, pendant que certains enfants des bidonvilles à quelques kilomètres de Johannesbourg jouent au foot avec une vieille canette et des poubelles en guise de buts, que certains joueurs pourront empocher jusqu’à 500 000 euros de gains, sans compter les contrats publicitaires, pour jouer au même jeu (et pas forcement mieux en plus) dans des stades gigantesques construits pour des sommes exorbitantes avec les impôts de leurs parents. Et c’est dans ce contexte enfin, que Rama Yade et les « Bleus » sont venus « visiter » un township comme on visite un zoo, attendris certainement par ces pauvres petits enfants vivant dans la misère. Qu’il aurait été bon pour la télévision et la cote de popularité du gouvernement qu’une petite larme tombe...

    Mais toute cette véritable barbarie n’est bien sûr pas propre à ce pays, elle est due au système capitaliste que les gouvernements du monde entier (qu’ils soient de gauche ou de droite) servent avec une ferveur toujours plus intense pour augmenter la richesse de leur bourgeoisie sur le dos de la classe ouvrière. Mais ce qui paraît encore plus ignoble c’est cette ignorance totale de la classe ouvrière sud-africaine de la part des médias capitalistes, alors qu’elle a construit toutes les infrastructures et toute l’organisation du Mondial...

    Une couverture de l’événement qui nie le rôle de la classe ouvrière sud-africaine et mondiale

    On nous vante, dans les médias, les mérites des organisateurs, de la FIFA et du gouvernement pour avoir construit de si beaux stades, rénové l’aéroport et les axes routiers et construit un train très moderne, le Gautrain, qui relie l’aéroport international de Johannesbourg à Pretoria. Ce grand projet ferroviaire est à l’origine du plus important partenariat public-privé. Construit par un consortium qui réunit notamment le Canadien Bombardier, le Sud-Africain Murray & Roberts et les Français Bouygues et RATP, le projet coûte 2,7 milliards d’euros.

    Mais ce qu’on ne dit pas aujourd’hui, c’est qu’en 2009 une grève illimitée des ouvriers, lancée par le syndicat des mineurs, le plus important du pays, regroupant 70 000 ouvriers, a perturbé la construction des stades et du train. Les ouvriers demandaient des augmentations de salaires de 13 % (alors qu’ils étaient payés 221 euros par mois) afin notamment de compenser la hausse des tarifs d’électricité qui ont fait un bond de plus de 30 % en mai 2009 — les prix des produits alimentaires ayant également augmenté de 12,3 %. L’appel à la grève concernait la totalité des dix stades en construction ou en cours de rénovation, ainsi que les chantiers du train rapide Gautrain à Johannesburg et l’aéroport international King Shaka. Les ouvriers se sont donc mis en grève le 8 juillet 2009 pour une durée illimitée. Les patrons étaient inquiets, comme l’expliquait Jo Campanella, le porte-parole de la Fédération des employeurs du bâtiment (SAFCEC) : « Les touches finales sont plus complexes d’un point de vue structurel. Par conséquent, nous sommes plus vulnérables. Si la grève s’installe dans la durée, nous courrons au désastre. Les travaux sur le stade à Durban sont déjà arrêtés depuis près de deux semaines. » Finalement, sous la pression des syndicats d’un côté et des groupes capitalistes de l’autre (et sûrement de la FIFA qui commençait à s’inquiéter elle aussi du non avancement des travaux), le patronat a concédé 12 % d’augmentation, ce qui est une victoire pour la classe ouvrière africaine, mais montre également que le patronat avait énormément de marges en payant si peu les travailleurs... Cela prouve aussi que les vrais bâtisseurs de ces « magnifiques » stades, ce sont bien les ouvriers exploités, sans qui rien de tout cela n’aurait été construit...

    Manifestation d’ouvriers construisant les stades pour une hausse de salaires

    Quant aux stadiers, qui ont la lourde responsabilité de se charger de l’organisation dans ces stades de plus de 60 000 spectateurs, ils gagnent environ 26 euros la journée mais ont découvert qu’ils seraient payés seulement la moitié les jours sans match alors qu’ils effectuent les mêmes horaires (de 18 heures à minuit) ! Dimanche 13 juin, à l’occasion d’Allemagne-Australie, plusieurs centaines de stadiers ont donc manifesté à Durban. La police a chargé, lancé du gaz lacrymogène puis tiré des balles en caoutchouc. Plusieurs stadiers se sont retrouvés à l’hôpital et d’après certains témoignages il y aurait même eu un mort. Mais la Fifa dément. La société qui emploie les stadiers (alliée au comité local d’organisation) a alors jeté à la porte plusieurs centaines de grévistes sans aucun scrupule, les remplaçant par des policiers ! Et tout cela évidemment avec la complicité de la FIFA qui serait bien embêtée si un match devait être annulé (imaginons alors, d’après ce que nous avons dit plus haut, la perte de profits pour les sponsors et les chaînes de télévision !)

    Signalons également l’existence d’une jolie petite mascotte, Zakumi. Elle est montrée dans le monde entier par la télévision. Le secrétaire général de la Fédération internationale de football, Jérôme Valcke, a dit d’elle : « Zakumi représente le peuple, la géographie et l’esprit de l’Afrique du Sud, et incarne ainsi l’essence même de la Coupe du Monde 2010. » C’est beau ! Ce qu’on oublie de dire, c’est que Zakumi est fabriquée par des adolescents chinois travaillant 13h par jour pour 2,2 €. Tout de suite la phrase selon laquelle Zakumi « incarne ainsi l’essence même de la Coupe du monde » prend toute sa véritable signification...

    Enfin, les chaînes de télévision du monde entier affichent leur grande fierté pour la diffusion intégrale des matchs, mais ce qui est passé sous silence c’est que, notamment en France, ce sont bien en majorité des intermittents du spectacle précaires qui sont les responsables de ces diffusions. Sans ces techniciens, ces preneurs de sons, ces caméramans etc, pas de diffusion dans le monde entier. Et ces derniers luttent d’ailleurs régulièrement contre la direction de leurs chaînes qui leurs imposent, sous couvert de l’intermittence (régime précaire car sans statut défini), des horaires ultra flexibles et des salaires très variables mais toujours très bas...

    Il va donc de soi que cette Coupe du monde servant le capitalisme et la bourgeoisie n’existerait pas sans la classe ouvrière... Et il serait alors intéressant d’assister à une grève générale de tous ces employés en même temps, qu’ils soient ouvriers, stadiers, travailleurs précaires, intermittents, pour porter un coup d’arrêt à cette manifestation purement pourrie par le fric et porteuse d’exploitation toujours plus abomi-nable... Les capitalistes deviendraient alors impuissants... C’est en ce sens qu’il faut encourager vivement toutes ces grèves ou ces possibilités de grèves autour de la manifestation...

    Le problème de l’attachement national

    En plus de tous les aspects développés plus haut, la Coupe du monde est un véritable atout pour les partisans de l’« identité nationale », en France ou même ailleurs. En effet, une victoire de l’équipe de France est toujours un petit plus pour la cote du gouvernement. Et c’est pour cela que la plupart des politiciens commentent, polémiquent, analysent et parlent de la Coupe du monde. Pour eux, les matchs nationaux sont aclassistes (« tous derrière les Bleus ! ») et permettent donc de renforcer la « cohésion nationale » autour des valeurs républicaines bourgeoises, indispensables à la préservation du système capitaliste.

    Déjà, Nicolas Sarkozy avait regretté que tous les joueurs de l’équipe de France ne chantent pas la Marseillaise à l’ouverture des matchs. Un député UMP, Jean-Claude Guibal, a même déposé une proposition de loi à l’Assemblée visant à contraindre les sportifs français à chanter l’hymne national… sous peine d’exclusion ! On saluera tout de même les quelques rares joueurs qui ne la chantent jamais pour des raisons politiques, comme Christian Karembeu en 1998, le Kanak qui avait refusé de chanter l’hymne à chaque match pour une des bonnes mais pas seules raisons : la vue de photos de ses ancêtres de la Nouvelle-Calédonie, exhibés comme des sauvages à l’Exposition universelle de Paris en 1931 en hommage au colonialisme français...

    En France, la publicité, les journaux, la radio, tout est fait pour un engouement populaire énorme autour de cette Coupe du monde et de l’équipe nationale... Et malheureuse-ment, à force de matraquage médiatique, une partie toujours plus importante de la classe ouvrière mondiale regarde ou suit plus ou moins intensément cette compétition, ce qui a pour but d’entretenir ce cercle vicieux entre les téléspectateurs, les parts d’audience, les profits et l’exploitation capitaliste.

    Il faut donc essayer de comprendre ce phénomène. Extirpé de tout ce battage médiatique et capitaliste, le football reste un jeu populaire principalement apprécié et pratiqué par la classe ouvrière, qui plus est parfois agréable à regarder, avec du suspense, des actions de jeux collectives intéressantes, etc. On pourrait notamment faire l’analogie avec le plaisir au travail qu’un ouvrier peut trouver dans son domaine lorsqu’on enlève la dimension de l’exploitation capitaliste. Il semble donc important de bien distinguer deux choses : d’une part, il y a le plaisir simple de regarder tout simplement un match, d’apprécier le jeu, du suspense parfois réel, des joueurs heureux après un but, de l’ambiance, etc. Tout ces éléments font du football à la télévision un loisir comme un autre pour le prolétariat... Mais d’autre part il y a la volonté des gouvernements capitalistes de transformer le football en un sport entraînant un regain de patriotisme aclassiste où tout le monde, les pauvres, les riches, les exploités, les exploiteurs, seraient alors sur le même plan... heureux ensemble si l’équipe nationale gagne et tristes ensemble si elle perd. Tout cela pour détourner l’attention de la lutte des classes.

    Conclusion

    Pour toutes les raisons avancées dans cet article, les communistes révolutionnaires doivent s’intéresser de près à ce qui se passe autour de cet événement et proposer des revendications pour que la classe ouvrière, indirectement touchée par la Coupe du monde, prenne conscience de la nécessaire destruction de cette compétition capitaliste pour leur émancipation. Il est donc utile et indispensable de dénoncer inlassable-ment le rôle de l’argent et du capitalisme qui pourrissent ce sport et qui ne font qu’alimenter une opposition croissante entre richesse et pauvreté, avec d’un côté des profits toujours plus indécents pour la FIFA, les grands sponsors et les chaînes de télévision et de l’autre une pauvreté grandissante à deux pas des stades.

    Il est également utile d’encourager au maximum les grèves qui naissent autour de l’événement et les mettre en relation avec la pauvreté qui règne en Afrique du Sud aujourd’hui pour avancer le fait que seule une grève générale et la mise en place d’un pouvoir des travailleurs pourra mettre fin à cette exploitation.

    Enfin, il faut mettre également en évidence qu’avec les sommes faramineuses dépensées pour le mondial et plus généralement pour le football professionnel aujourd’hui, on pourrait offrir à de milliers de jeunes Sud-Africains le droit de pratiquer le sport en association ou en club au lieu de les condamner, en avançant la fatalité comme le font les capitalistes, à jouer dans les bidonvilles au milieu de la misère.

    Pour le football comme pour le sport professionnel et pour le reste, le système capitaliste au niveau national et, plus encore, au niveau mondial, n’offre rien d’autre que le luxe et l’opulence pour une infime minorité, et la misère pour l’immense majorité... Il est donc indispensable et urgent de le détruire.


    1) « Soccer and Emerging Market », ABN AMRO Economics Department.

    2) Voir le rapport de l’ONU sur le site http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/13session/A-HRC-13-20.pdf

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    Agriculture

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    En moins de 10 jours, le puissant mouvement de colère des agriculteurs/trices a réussi à contraindre Attal à annoncer une série de mesure immédiates pour tenter d’éteindre le risque d’incendie généralisé. Initié d’abord par une base d’agriculteurs/trices regroupé.e.s notamment dans la « coordination rurale », le mouvement a rapidement été tiraillé entre deux pôles : l’un radical, avec des actions visant directement l’État, les flux et les grands groupes de l’alimentation et l’autre qui s’est posé comme « raisonnable » et « constructif » incarné et dirigé par la FNSEA, le plus gros syndicat agricole de France.

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