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Quand la Corse se soulève contre les violences policières
Violences policières à Reims...
Le 13 février dans la soirée qui a suivi la première victoire du club corse à l'extérieur lors de cette saison de Ligue 1, un groupe d'une dizaine de supporters bastiais ont été violemment attaqués par les CRS et la BAC, laquelle n'hésitant pas en renverser en utilisant une voiture de police[1]. 8 ont été interpellés et un a été gravement blessé, finissant par perdre un œil suite à l'utilisation d'un flashball. Ce qui amusera ces policiers qui lui diront «toi, on t’a pas raté. Je m’occuperais volontiers de ton autre œil pour que tu ne puisses plus aller à la chasse, chez toi»[2], après avoir balancé aux tifosi au cours de leur charge « Les terroristes, c’est en prison, vous n’avez fait libérer personne », « la prochaine fois votre président parlera en français »[3][4]
Ce n'est pas la première fois que la police rémoise se fait remarquer pour son comportement vis à vis des supporters adverses[5]. Ce n'est pas non plus la première fois que l'utilisation de ces « lanceurs de balle de défense » provoquent de graves mutilations et même pire : On compte ainsi depuis 2004 près de 30 personnes blessées par cette arme, dont 14 éborgnées et une personne morte des suites de ses blessures[6] ; au point que même les peu gauchistes Jacques Toubon, défenseur des droits, ou l'Inspection Générale de la Police Nationale dénoncent son utilisation[7]. Parmi les victimes, on retrouve des supporters (Casti de Montpellier, Lex de Lyon), des habitants des quartiers populaires, et des manifestants (Notre Dame des Landes, mouvements étudiants et lycéens)...
Solidarité en Corse !
Très vite, l'ensemble de la société corse réagit. Que ce soit le Sporting Club Bastia[8], les deux présidents nationalistes de la Corse Gilles Simeoni[9] et Jean-Guy Talamoni, la Ligue des Droits de l'Homme, des sections syndicales[10], d'élus et du président de l'Université de Corse[11]...
Un premier rassemblement de plusieurs centaines de personnes en soutien aux supporters réprimés le 14 février au soir à Bastia devant le commissariat dégénère et aux cocktails Molotov répondent les lacrymogènes. Un membre des forces de répression a été blessé pendant que 3 riverains incommodés par les gaz étaient transférés à l'hôpital, au cours de ces affrontements qui se sont prolongés jusqu'au centre ville, sur le boulevard Paoli. [12]
A Corte, le lundi 15, la fac était bloquée (« Università morta ») par les 3 syndicats étudiants GI, GP et CSC, et un nouveau rassemblement le soir même était organisé devant la gendarmerie, au moment de la comparution immédiate des 8 supporters interpellés au tribunal de Reims. Ce fut une deuxième nuit d'émeute[13] après laquelle deux personnes ont été placées en garde à vue au camp militaire de Borgo, un agriculteur de 66 ans et une femme accusée d'avoir hébergé des manifestants[14].
Le lendemain, le mardi 16, le blocage était reconduit à l'Université de Corse pendant que les lycéens entraient à leur tour dans la lutte, poussant dans certains cas le recteur à fermer les établissements[15]. Le soir même, les affrontements reprenaient de nouveau à Corte, devant le mur de protection installé par les CRS devant la sous-préfecture[16], pendant lesquels un étudiant était interpellé.
La même journée, pour empêcher la manifestation de soutien au jeune supporter blessé, Maxime, prévue samedi 20 février à 14h30, la Préfecture de Haute-Corse et la Ligue de Football Professionnelle annonçait que le match Bastia-Nantes prévu ce même samedi à 20h était avancé à 14h, ce que refusait dans la foulée le club, déclarant qu'à cette heure prévue par la ligue, le stade serait fermé[17] ; n'hésitant pas ainsi à risquer une défaite par forfait et/ou une amende importante. Finalement, les autorités seront contraintes de faire machine arrière, et iront jusqu'à décaler au 9 mars cette rencontre, espérant étouffer la mobilisation en cours[18], le club maintenant depuis cette date son appel à manifester samedi[19]
Alors que les dirigeants nationalistes appellent au calme et à l'apaisement[20], cela n'a pas empêché les lycéens de Montesoru de bloquer leur bahut puis l'entrée sud de Bastia, poussant à nouveau le recteur d'académie à fermer l'établissement.[21] L'après-midi, Rémi, l'étudiant arrêté mardi à Corte passait en comparution immédiate au tribunal de Bastia. Plaidant non-coupable, il était quand même condamné pour l'exemple à 10 mois de prison dont 5 fermes et écroué dans la foulée[22][23].
Quelques enseignements
Le samedi soir, la version officielle démentait l'usage du flashball, déclarant au contraire que Maxime s'était blessé en chutant pendant sa fuite contre un poteau. Le lendemain, le procureur reconnaissait l'usage de cette arme tout en précisant qu'elle n'était pas responsable de l'éborgnement, incriminant un poteau proche du tramway[24]. Finalement, cette semaine, une information judiciaire a été ouverte pour « violences volontaires entraînant une interruption de travail supérieure à sept jours », de même qu'a été demandée une enquête à l'IGPN sur le tir de flashball[25]. Il est évident que l'affaire aurait été aisément classée et oubliée sans le rapport de force né de la mobilisation massive en Corse.
Ce qui s'est passé à Reims s'inscrit en premier lieu dans un contexte où le tournant autoritaire et sécuritaire du gouvernement s'applique durement vis à vis des supporters. Le 30 janvier dernier, c'est les supporters lensois qui tombaient dans le panneau et répondaient aux provocations des flics[26], tandis que les interdictions de déplacement explosent au nom, notamment, de l'état d'urgence, même entre clubs ne nourrissant aucune rivalité[27]. Et la nouvelle loi Larrivé va encore aggraver la situation et pose un certain nombre de question sur les droits démocratiques des supporters[28][29] On peut par ailleurs se demander, si en ayant du mal à gérer une dizaine de bastiais à Reims sans commettre de violences policières, quelques dizaines de supporters en déplacement de ci de là ; comment les différentes autorités administratives et policières vont faire pour canaliser et encadrer les milliers de supporters polonais, russes, anglais ou turcs... spécialistes des batailles de rue. Il est plus que probable que les incidents susceptibles de se produire à l'Euro 2016 seront instrumentalisés dans le cadre d'une répression encore plus accrue des supporters et de leurs groupes...
Il faut également noter que si la mobilisation dans l'Île a été si forte, c'est aussi parce qu'elle se nourrit d'un contexte et d'une situation politique tendue, depuis l'arrivée au pouvoir du binôme Simeoni – Talamoni. Aux votes majoritaires de l'Assemblée de Corse de la précédente mandature (amnistie des prisonniers politiques, statut du résident, coofficialité de la langue corse...), non nationaliste, le gouvernement et Manuel Valls ont opposé une fin de non-recevoir, n'acceptant de discuter que des contours de la future Collectivité Unique qui naîtra en 2018 de la fusion de la région et des départements. Ce qui n'arrange pas les deux dirigeants nationalistes dont la stratégie est de négocier au sein des institutions, s'appuyant sur les mobilisations notamment de la jeunesse tout en essayant de ne pas se faire déborder.
De la même manière, se met en place en Corse une certaine stratégie de la tension[30] ; comme l'écrit assez justement A Manca, organisation anticapitaliste et indépendantiste corse ; bien encouragée par l’État Français, son gouvernement et ses relais locaux. C'est en ce sens qu'on a vu des manipulations lors des événements d'Ajaccio[31][32]. Comment peut on expliquer sinon ce laisser-faire lors du saccage de la salle de prière, du kebab ; lors des patrouilles racistes dans les quartiers populaires d'Ajaccio et la répression des manifestations de solidarité avec les supporters ? Il est en tout cas certain que vu la situation politique, sociale tendue en Corse aujourd'hui, la moindre étincelle pourrait à nouveau déclencher des mobilisations (comme lors de la venue des eurodéputés FN pour un séminaire) voire à nouveau embraser l'île comme ces derniers jours.
Justice et vérité pour Maxime et toutes les victimes de violences policières !
Libération des interpellés et condamnés !
Interdiction du flashball !
Dissolution de la BAC !
Stop aux manipulations et à la répression !
Droit à l'autodétermination du peuple corse !
[1] http://www.corsematin.com/article/derniere-minute/reims-bastia-echauffourees-entre-supporters-bastiais-et-forces-de-lordre.1962718.html
[2] http://www.liberation.fr/societe/2016/02/15/200-etudiants-corses-mobilises-en-faveur-des-supporters-bastiais-juges-a-reims_1433512
[3] (en référence au discours de Talamoni en langue corse à l'Assemblée de Corse)
[4] https://www.lagrinta.fr/un-membre-de-bastia-1905-blesse-gravement-a-loeil-a-reims&7245/
[5] http://www.sofoot.com/saint-etienne-les-magic-fans-contre-attaquent-167278.html
[6] http://www.ladepeche.fr/article/2015/07/23/2148474-faut-il-suspendre-l-utilisation-du-flash-ball.html
[7] Idem.
[8] http://www.sc-bastia.corsica/?p=106779
[9] http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/02/14/97001-20160214FILWWW00163-un-supporter-de-bastia-blesse-par-un-flashball.php
[10] http://www.corsenetinfos.corsica/Reims-%E2%80%8BLa-section-STC-du-CFA-de-Furiani-denonce_a19728.html
[11] http://www.corsenetinfos.corsica/Reims-Encore-des-reactions_a19731.html
[12] http://www.corsenetinfos.corsica/Apres-match-de-Reims-Incidents-devant-le-commissariat-de-Bastia_a19721.html
[13] http://www.corsenetinfos.corsica/Reims-Le-proces-des-supporters-bastiais-repousse-au-22-Mars-Nouveaux-incidents-a-Corte_a19738.html
[14] http://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/bastia/incidents-devant-le-lycee-nicoli-fermeture-de-l-etablissement-vive-reaction-du-recteur-930571.html
[15] http://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/bastia/incidents-devant-le-lycee-nicoli-fermeture-de-l-etablissement-vive-reaction-du-recteur-930571.html
[16] http://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/haute-corse/bastia/incidents-devant-le-lycee-nicoli-fermeture-de-l-etablissement-vive-reaction-du-recteur-930571.html
[17] http://www.sc-bastia.corsica/?p=106816
[18] http://www.sc-bastia.corsica/?p=106836
[19] http://www.sc-bastia.corsica/?p=106864
[20] http://www.corsenetinfos.corsica/Reims-Bastia-L-appel-a-l-apaisement-de-Jean-Guy-Talamoni_a19747.html
[21] http://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/reims-bastia-les-lyceens-bloquent-la-sortie-sud-de-bastia-931241.html
[22] http://www.corsenetinfos.corsica/Manifestations-de-Corte-Cinq-mois-de-prison-ferme-avec-mandat-de-depot-pour-un-etudiant-de-20-ans-_a19791.html
[23] http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/corse-la-condamnation-d-un-manifestant-ravive-les-tensions-759331.html
[24] http://www.corsematin.com/article/derniere-minute/incidents-de-reims-le-procureur-confirme-lusage-du-flashball.1963141.html
[25] http://www.europe1.fr/faits-divers/reims-le-supporter-bastiais-affirme-avoir-ete-blesse-par-un-tir-de-flash-ball-2671975
[26] http://www.normandie-actu.fr/video-football-incidents-au-havre-des-supporters-de-lens-accusent-la-police_178864/
[27] http://www.lemonde.fr/football/article/2016/01/29/l-ennemi-de-l-interieur_4855817_1616938.html
[28] http://www.sofoot.com/la-loi-enterine-le-fichage-des-supporters-216812.html
[29] http://latta.blog.lemonde.fr/2016/02/04/et-maintenant-une-loi-pour-criminaliser-les-supporters/
[30] http://www.a-manca.net/soif-de-justice/
[31] http://www.a-manca.net/non-aux-manipulations/