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Au-delà du nécessaire combat contre l’alliance avec le PG et le PC, contre les dérivesprogrammatiques et stratégiques de la direction… Ouvrons la discussion pour rassembler lescommunistes révolutionnaires dans une véritable tendance au sein du NPA
Comme nous le disons constamment depuis la préparation du congrès fondateur du NPA (durant laquelle nous avions proposé — en vain — de nous unir avec d’autres courants communistes révolutionnaires participant au processus NPA), la Tendance CLAIRE ne se considère nullement comme LA tendance révolutionnaire du NPA. Celle-ci reste à construire et devra rassembler, sous une forme restant à définir, non seulement les différents courants plus ou moins formellement constitués qui se réclament du communisme révolutionnaire, mais aussi des centaines de militants issus de l’ex-LCR ou entrés en politique par le NPA qui ne se satisfont pas des orientations de la direction. Comme nous l’avons expliqué au moment du congrès (et comme les orientations confuses et hésitantes de la direction l’ont malheureusement confirmé tout au long du premier semestre), le NPA a besoin d’un programme, d’une stratégie et d’une tactique de construction claires, qui aillent jusqu’au bout de la logique anticapitaliste, c’est-à-dire qui s’articulent sur un axe communiste et révolutionnaire.
L’indispensable combat actuel des courants et sensibilités de « gauche » au sein du NPA contre la ligne électoraliste de la direction et notamment contre les alliances programmatiques avec les réformistes sans avenir du PCF et du PG ne doit surtout pas être réduit à une question tactique. Au fond, il s’agit de savoir si le NPA doit devenir un parti révolutionnaire ou réformiste. Si le NPA s’allie à des réformistes sur la base de leur programme compatible avec le maintien du capitalisme et des institutions de l’État bourgeois — fût-ce en exigeant l’indépendance à l’égard du PS —, il finira par devenir lui-même complètement réformiste. S’il veut au contraire être un parti révolutionnaire, il doit refuser toute alliance programmatique qui ne soit pas réellement anticapitaliste et cohérente et ne pas faire croire qu’on pourrait mettre en œuvre un quelconque programme anticapitaliste dans les conseils régionaux actuels (ou les institutions bourgeoises en général).
À quelles conditions un programme gouvernemental de front unique ouvrier est-il possible ?
Il ne s’agit pas de prétendre que la ligne du front unique ouvrier doive se limiter à l’action immédiate : comme l’expliquent au contraire les thèses de l’Internationale communiste qui ont défini cette orientation en 1921, le combat pour le front unique culmine dans le combat pour un gouvernement des organisations ouvrières. Mais, pour ne pas devenir gestionnaire du système, un tel gouvernement ne saurait être qu’une étape ultime vers l’exercice direct du pouvoir par les travailleurs : il ne peut s’appuyer que sur un haut niveau d’auto-organisation des travailleurs, sur l’extension de leurs conseils (ou soviets), sur leur participation directe à la définition et à la mise en œuvre d’une politique anticapitaliste cohérente et conséquente. Certes, le programme de front unique pour un tel gouvernement ne peut pas être complet et achevé, comme le déplorent les gauchistes qui le refusent par principe : il est au contraire partiel, adapté au niveau actuel des revendications et de la conscience des travailleurs, en un mot transitoire. Mais, pour être cohérent et efficace contre les capitalistes, il doit nécessairement inclure des mesures d’expropriation pure et simple (sans indemnités ni rachat) des grands groupes capitalistes, le partage des heures de travail entre tous sans baisse de salaires, le contrôle ouvrier sur la production (qu’elle soit nationalisée ou qu’elle reste encore privée), la montée en puissance d’institutions adéquates au développement de l’auto-organisation des masses, jusqu’au pouvoir direct des travailleurs auto-organisés à tous les niveaux, se substituant alors aux institutions de l’État bourgeois.
Dans la pratique, après que cette orientation eut été définie par l’Internationale communiste, elle n’a été que rarement mise en œuvre de façon efficace : d’une part, les réformistes ont le plus souvent refusé toute alliance avec les révolutionnaires, préférant s’allier avec les partis bourgeois ; d’autre part, les PC ont rapidement dégénéré en se subordonnant aux intérêts de l’URSS stalinienne, ce qui a notamment empêché la mise à l’épreuve de la stratégie de front unique définie par l’IC. La principale exception est celle de l’Allemagne de 1923 où, dans une situation révolutionnaire, le parti communiste a réussi à imposer une alliance gouvernementale ouvrière au parti social-démocrate, aboutissant aux éphémères gouvernements ouvriers de Saxe et de Thuringe — tout en préparant les conditions d’une insurrection révolutionnaire au niveau national. Mais cela signifie d’abord qu’une ligne de front unique allant jusqu’à un gouvernement ouvrier suppose une situation révolutionnaire — ou alors il ne saurait être, par définition, une étape ultime vers le pouvoir direct des travailleurs, mais dégénérerait nécessairement en gouvernement bourgeois. De plus, il faut que, sous la pression de cette situation révolutionnaire, les organisations réformistes de masse fassent un important pas à gauche en acceptant les conditions d’un tel programme gouvernemental ouvrier.
Pourquoi un programme anticapitaliste commun avec le PCF et/ou le PG n’est-il pas possible ?
Or de telles conditions ne sont évidemment pas réunies aujourd’hui en France ! Il n’y a ni situation révolutionnaire, ni partis ouvriers réformistes de masse évoluant à gauche sous la pression. Au contraire, la situation générale est marquée par des luttes de caractère essentiellement défensif, qui ne parviennent même pas encore à se coordonner et à impulser une dynamique de mouvement d’ensemble capable de surmonter l’obstacle des directions syndicales et réformistes. Quant aux partis qui prétendent encore plus ou moins défendre les intérêts des travailleurs, leur programme n’est pas tant anticapitaliste qu’« antilibéral », c’est-à-dire en fait purement keynésien (il ne comprend par exemple pas la moindre mesure d’expropriation des grands groupes capitalistes, alors que ce serait élémentaire même dans un programme social-démocrate « classique »). De plus, ce ne sont nullement des partis de masse : le PCF est moribond, ses militants sont vieillissants et de moins en moins nombreux et il ne survit que par son appareil et ses élus (maintenus eux-mêmes par la perfusion du PS) ; quant au PG, c’est un minuscule parti d’origine social-démocrate, mais sans la base et le contexte nécessaires à une véritable politique social-démocrate. Enfin, nous avons pu constater toute l’année dans les luttes que ces partis ne sont nullement des partenaires fiables : ils n’ont rien fait pour l’extension et la coordination des luttes, pour contrer la stratégie des « journées d’action » espacées et aller vers la grève générale ou même pour participer avec nous au soutien des sans-papiers de la rue Baudelique qui exigent la régularisation de tous les sans-papiers. Au contraire, les dirigeants et cadres du PCF et du PG sont souvent les mêmes que les bureaucrates syndicaux qui ont brisé la dynamique des luttes du premier semestre, qui ont refusé toute initiative de convergence et qui refusent de combattre pour la régularisation de tous les sans-papiers… quand ils n’ont pas eux-mêmes commis ou soutenu l’expulsion de la Bourse du travail !
C’est pourquoi il est gravement erroné de se battre pour une quelconque alliance programmatique avec ces partis, fût-ce en y mettant des conditions : sur le fond, cela ne peut signifier qu’une subordination du NPA au réformisme « anti-libéral » et keynésien. Il faut au contraire laisser le PCF disparaître progressivement de la scène politique et ne pas aider le PG à se développer, car il deviendrait alors un obstacle réformiste important à la progression de l’anticapitalisme cohérent et conséquent. Et peu importe si les dirigeants ou même les militants de ces partis, relayés par les médias bourgeois, nous accusent d’être des diviseurs ! D’abord, nous devons nous battre pour un accord programmatique avec les organisations anticapitalistes, quels que soient par ailleurs leurs défauts, notamment avec Lutte ouvrière. Ensuite, notre priorité n’est pas de gagner massivement des vieux militants du PCF ou les arrivistes du PG, mais de convaincre les travailleurs sympathisant avec le NPA qu’il faut un programme anticapitaliste authentique. Or ce ne peut être qu’un programme révolutionnaire de transition, radicalement alternatif à l’illusoire programme « anti-libéral », partant des revendications immédiates des travailleurs, se concentrant sur l’axe stratégique actuel de la grève générale et s’articulant à la perspective historique d’un gouvernement des travailleurs. Nous devons avoir confiance en un tel programme : alors que la crise frappe de plein fouet la classe ouvrière et que de premières réactions radicales apparaissent, il fournit seul une véritable réponse à la crise, les travailleurs que nous voulons gagner peuvent parfaitement se l’approprier et comprendre qu’il est incompatible avec les illusions réformistes du PG et du PCF.
Où va la direction du NPA ?
Or les notes de rentrée du Comité exécutif (CE), en date du 4 septembre, sont à cet égard extrêmement préoccupantes. La direction n’annonce pas seulement, de façon beaucoup trop laconique pour être satisfaisante, que le débat sur la question des alliances pour les élections régionales sera « tranché (…) par un vote tel que le prévoient nos statuts » et que « ce cycle de débat interne doit s’achever au plus tard en novembre ». Au-delà de cette question importante, qui va naturellement polariser les débats internes ces prochaines semaines, le CE annonce en outre des propositions de révisions programmatiques et statutaires qui éclairent fondamentalement l’enjeu de cette discussion sur les alliances électorales, car elles posent en fait la question du parti que nous voulons.
La direction veut revoir nos « principes fondateurs » dans un sens moins « protestataire » et soi-disant plus « concret »… c’est-à-dire réformiste !
Le Comité exécutif propose que la discussion programmatique soit rouverte dans le cadre de la préparation du congrès du NPA, qui devrait se tenir en juin 2010. Selon lui, il s’agit de revoir les « principes fondateurs » adoptés au congrès de fondation en prenant « en compte le fait le que le NPA n’est pas homogène sur toutes les questions » et en faisant en sorte de « garantir le caractère "large" et populaire du parti et même viser de nouveaux élargissements si cela s’avère possible et souhaitable ». Faut-il comprendre que, sous prétexte de « nouveaux élargissements », la direction nous prépare une tentative d’édulcorer les éléments positifs des principes fondateurs, hérités du marxisme, alors même que ceux-ci y coexistent déjà avec des passages confus qui noient les questions essentielles ? Tout au contraire, nous pensons que l’homogénéité du NPA ne peut progresser que par la formation théorique, historique et politique des militants et par l’approfondissement des discussions programmatiques dans le sens d’une meilleure appropriation du marxisme.
Le Comité exécutif nous explique que, « globalement, il faut nous défaire de l’image que l’on veut nous coller de mouvement purement protestataire. Il faut incarner la révolte face aux injustices sociales et à l’insécurité écologique. Mais il faut aussi populariser les solutions anticapitalistes aux crises multiformes que nous portons en termes de mesures concrètes. » Et, pour bien enfoncer le clou, la direction ajoute que le programme que nous défendrons dans la prochaine campagne électorale « ne peut se résumer à des généralités mais doit intégrer un programme précis de mesures sociales et écologiques que nous défendrons dans les conseils régionaux ». Là encore, faut-il comprendre que la direction du parti voudrait troquer notre programme anticapitaliste (quelles que soient ses limites actuelles) pour un programme de « mesures concrètes » à mettre en œuvre dans le cadre du système ? Car qu’est-ce que des « solutions anticapitalistes concrètes », tant qu’il n’y a pas de gouvernement ouvrier et de processus révolutionnaire ? Voudrait-on nous faire croire que, dans le cadre des institutions, en l’occurrence des conseils régionaux, nos élus pourraient véritablement faire avancer la mise en œuvre de « mesures concrètes » contre le capitalisme ? La direction du NPA verse ici dans l’idéologie réformiste la plus éculée, selon laquelle on pourrait commencer à changer réellement la société sans prendre le pouvoir, sans exproprier les grands groupes capitalistes, par de petites réformes s’accumulant progressivement aux niveaux local et régional… jusqu’à définir une stratégie générale ! (1)
Quant à la méthode proposée pour revoir les principes fondateurs, le CE propose qu’elle soit la même que celle utilisée pour leur adoption, c’est-à-dire la multiplication d’« amendements » les plus divers partant dans tous les sens ! (2) Il faut au contraire que, cette fois, les différentes orientations politiques qui existent de fait au sein du parti ne soient pas muselées, mais puissent être identifiées clairement par des propositions spécifiques cohérentes ; et que, après un débat clair, les votes dégagent une majorité et des minorités sur la question du programme anticapitaliste que nous voulons.
La direction met en cause la définition du NPA comme parti de militants
Cette dérive programmatique s’accompagne logiquement d’une mise en cause d’un des acquis du congrès de fondation concernant la nature du parti que nous voulons. Au-delà de certaines formules insuffisantes, nous nous sommes en effet prononcés clairement, à une forte majorité, pour un parti de militants, en considérant que tout adhérent devait participer activement à la vie et à la construction du parti. Or, là encore, la direction nous explique qu’il s’agit d’assurer la « poursuite de l’élargissement politique » et que, par conséquent, « il faut qu’on puisse militer au rythme où on le souhaite », car « nous avons besoin de toutes et de tous », de sorte que nous devrions « accepter "l’intermittence militante" dès lors qu’il existe des équipes stables qui agissent dans la continuité ». Ce concept d’« intermittence militante » est contradictoire avec le projet d’un parti de militants. Cela signifierait qu’un adhérent pourrait militer quand bon lui semble — par exemple se consacrer uniquement aux campagnes électorales ! —, tout en pouvant peser autant qu’un véritable militant sur les décisions du parti. En outre, que seraient alors les « équipes stables qui assurent la continuité » ? Il y aurait d’un côté des demi-militants qui ne pourraient acquérir la formation et l’expérience nécessaires pour saisir les enjeux des discussions, et de l’autre des groupes de dirigeants bien rodés, avec le risque évident d’un fossé anti-démocratique et d’une bureaucratisation. Ce serait une dérive dramatique vers un fonctionnement de type social-démocrate.
La direction renonce à défendre l’objectif stratégique de la grève générale
En ce qui concerne l’orientation immédiate pour les luttes de la rentrée, le Comité exécutif appelle à juste titre à « défendre une cohérence politique sur une orientation anticapitaliste, tisser un front syndical national, critique, lutte de classe, rompant avec les orientations d’accompagnement qui sont globalement celles des directions confédérales, pour proposer une perspective de mobilisation générale, et inscrire les différentes initiatives dans la construction d’un rapport de force global ». Mais, d’une part, la direction ne parle pas une seule fois de la nécessité de construire un véritable courant intersyndical de lutte de classe, instrument pourtant indispensable pour imposer un « front syndical national de lutte de classe » (cf. sur ce point notre éditorial).
D’autre part, elle n’évoque à aucun moment l’objectif de la grève générale, auquel elle substitue la proposition bien vague de « faire avancer l’idée d’un mouvement plus général et prolongé auprès de la masse des salarié-e-s » ! Pourtant, l’axe stratégique de la grève générale a été popularisé dans les luttes du premier semestre (dans la continuité de novembre-décembre 1995, du printemps 2003 et de la lutte contre le CPE en 2006) et ne doit pas être abandonné sous prétexte d’un reflux temporaire des luttes. Au contraire, l’absence de cet objectif dans la résolution politique adoptée par le congrès de fondation explique largement l’état d’impréparation politique dans lequel s’est trouvé notre parti quand la montée des luttes au printemps et la grève générale antillaise l’ont mis concrètement à l’ordre du jour. La direction du NPA s’est montrée alors hésitante, avançant l’objectif de la grève générale, mais sans systématicité et sans proposer d’initiatives politiques concrètes pour y parvenir et surmonter l’obstacle des directions syndicales (3). Or si, comme disait Lénine, certaines fautes politiques sont graves, il est bien pire de ne pas en tirer les leçons et de les reproduire.
Huit mois après le congrès de fondation, les notes de rentrée du Comité exécutif confirment donc l’urgence d’ouvrir la discussion entre les militants communistes et révolutionnaires du NPA et de la porter dans tout le parti en coordonnant nos efforts, en nous unifiant pour être plus forts. Il serait dramatique d’attendre le congrès, bien trop lointain, pour combattre politiquement les dérives de la direction, qui sont non seulement électoralistes, mais aussi programmatiques, statutaires et stratégiques. Au-delà des itinéraires différents, voire des préjugés que nourrissent les uns sur les autres les différents courants de gauche plus ou moins formalisés au sein du NPA, au-delà aussi de tout calcul soi-disant tactique qui ne peut que continuer à entraver le nécessaire rapprochement des communistes révolutionnaires… ouvrons la discussion sans préalables et accordons-nous sur l’essentiel sans tarder davantage !
1) Cf. sur cette question les discours de Rosa Luxemburg contre le réformisme, que nous reproduisons plus loin.
2) Cf. notre bilan du congrès de fondation dans Au CLAIR de la lute n° 1.
3) Cf. sur http://tendanceclaire.npa.free.fr d’une part notre critique de la résolution politique adoptée par le congrès de fondation et notre proposition de résolution alternative, qui était quant à elle centrée sur l’objectif de la grève générale et des propositions concrètes pour aider les travailleurs à y parvenir ; d’autre part notre critique de l’orientation de la direction du NPA dans les luttes du printemps et nos propositions alternatives dans Au CLAIR de la lutte n° 1 et 2.