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Non à l’accord commercial Mercosur/Union européenne !
L’accord entre l’UE et le Mercosur vise à supprimer la quasi-totalité des droits de douane appliqués aux échanges commerciaux entre l’UE et le Mercosur (marché commun qui réunit le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie ; néanmoins la Bolivie n’est pas partie prenante de l’accord avec l’UE).
Les discussions ont commencé en 1999. Un premier compromis a été présenté en 2019. La France, en particulier, s’y est opposée, stoppant le processus de discussion. Les négociations ont repris en 2022, à l’initiative de Lula, notamment. Selon Ursula von der Leyen, les discussions sont presque abouties (mais elles sont totalement opaques) et son objectif est de conclure un accord en décembre.
Modalités d’une éventuelle adoption de l’accord
Il y a une controverse pour savoir si l’accord relève de la compétence exclusive de l’UE, ou si les États membres ont droit de véto (« accord mixte » qui nécessiterait adoption de l’UE et de chaque État membre). A priori, les dispositions sur les droits de douane relèvent de la seule compétence de l’UE : seules les dispositions « non commerciales » seraient soumises à l’accord de chaque État.
La Commission européenne pourrait donc scinder le texte en deux parties : l’une sur les droits de douane, l’autre sur les dispositions non commerciales.
Pour l’adoption sur la partie « droits de douane », il faut que la Commission signe l’accord, puis que le Conseil européen l’adopte (au moins 15 pays, représentant 65 % de la population européenne, doivent dire oui), et le Parlement européen doit l’adopter à la majorité simple.
Positionnements différents des pays de l’UE
Au niveau européen, l’Allemagne (pour son secteur automobile), l’Espagne et le Portugal sont farouchement pour.
La Pologne a indiqué vouloir s’opposer à l’accord (son agriculture est déjà en grosse difficulté en raison des importations ukrainiennes ; il y a une mobilisation des agriculteurs en Pologne).
Des États, d’abord hésitants comme l’Italie, l’Autriche, et les Pays Bas, ont déclaré voici quelques jours qu’ils étaient contre l’accord « en l’état », rejoignant la position de la France.
Cependant, Macron avait dans un premier temps soutenu le projet d’accord, élaboré avec le soutien des gouvernements successifs depuis 25 ans. Désormais, les macronistes sont opposés à l’accord « en l’état » essentiellement au nom de la défense des agriculteurs : c’est un effet de la grande mobilisation de l’an dernier, qui a fait trembler le pouvoir. Ils veulent notamment imposer des « clauses miroirs », c’est-à-dire imposer les mêmes normes aux agriculteurs du Mercosur sur leurs exportations dans l’UE. Mais il serait compliqué de contrôler le respect de ces normes.
Le Medef soutient l’accord, car celui-ci permettrait aux industries françaises d’exporter plus massivement vers l’Amérique latine, notamment sur les marchés de l’automobile, de l’eau, de l’énergie. Mais le MEDEF reste discret car sa position est minoritaire et rendrait flagrante la contradiction entre l’intérêt du grand patronat et celui des agriculteurs/trices et des travailleur/se-s en général...
LFI a demandé un débat et un vote à l’Assemblée, ce que Barnier a accepté : il y aura un débat et un vote à l’Assemblée le 26 novembre. Mais ce sera un vote uniquement symbolique car c’est au niveau de l’UE seule que la décision doit être prise. Même si Macron dit qu’en l’état, il ne « signera pas », cela n’empêchera pas l’accord de s’appliquer en France, au moins sur l’aspect « droits de douane » (qui est au cœur de la contestation de l’accord).
La France Insoumise insiste à juste titre sur son opposition totale à l’accord, et pas seulement « en l’état ». LFI exige la non séparation de l’accord en deux parties, et indique que, si l’Assemblée rejette l’accord, alors il ne doit pas s’appliquer en France, y compris en ce qui concerne ses dispositions commerciales.
Lutte ouvrière prétend que cet accord ne concernerait pas les travailleur/se-s : « Quant aux travailleurs, aux consommateurs, aux petits producteurs, ils n’ont rien à gagner à choisir entre le libre-échange et le protectionnisme. Que les frontières soient ouvertes ou fermées, s’ils ne s’organisent pas eux-mêmes face aux capitalistes, les travailleurs seront pressurés pour être toujours plus productifs ; les consommateurs des classes populaires paieront toujours plus cher leur nourriture ou leur voiture, qu’elles viennent du Cantal ou du Brésil, de l’Île-de-France ou de Roumanie ; et les petits producteurs seront poussés vers la faillite, étranglés d’abord par Lactalis, Carrefour ou le Crédit Agricole. » (https://www.lutte-ouvriere.org/journal/article/mercosur-postures-hypocrites-rapports-force-179743.html).
Ce discours est totalement abstrait. Si les accords commerciaux ne changeaient rien, pourquoi les États en feraient-ils ? Il est pourtant évident qu’il y a des rapports de forces entre les États, et que cela a des conséquences sur les rapports de forces entre les classes dans chaque État. Le libre-échange et le protectionnisme relèvent de différentes méthodes des capitalistes pour faire valoir leurs intérêts, selon les pays et selon les époques. Or il se trouve que, à l’époque actuelle, en sa phase « néolibérale », les capitalistes des pays développés et ceux des pays « émergent » cherchent à libéraliser le plus possible les échanges commerciaux car c’est leur intérêt global. Parmi eux, seuls les États-Unis prennent un certain nombre de mesures protectionnistes, car eux seuls ont les moyen d’imposer leurs exigences qui, selon les différents secteurs, mêlent à la fois les intérêts du libre-échange et ceux du protectionnisme – ou le beurre et l’argent du beurre. En revanche, les États de l’UE restent des partisans acharnés du libre-échange parce que cela permet à leurs capitalistes de faire un maximum de profit ; or cela se fait, par définition, aux dépens à la fois des travailleur/se-s d’Europe qu’ils exploitent et des travailleur/se-s des pays où ils exportent. Il est donc dans l’intérêt des travailleurs de l’Union européenne comme de ceux d’Amérique latine de s’opposer au traité Mercorsur/UE.
Nous devons clairement nous opposer à l’accord Mercosur/UE
- Les traités de libre-échange en général sont néfastes à la fois sur le plan écologique (augmentation gigantesque des transports, bien plus importante que celle de la production) et parce qu’ils renforcent la mise en concurrence des travailleurs au niveau international, faisant pression pour la baisse des salaires, le moins-disant social, etc. ; en l’occurrence, pendant que le traité UE/Mercosur ruinera des agriculteurs/trices en Europe, il conduira à des licenciements et des fermetures d’entreprises en Amérique latine, ou fera pression sur les salaires locaux car l’UE y exportera davantage, exacerbant la concurrence ;
- Pour l’agriculture, il y a des arguments supplémentaires : enjeux de santé publique (car les normes sanitaires de l’agriculture latino-américaine sont moindres que celles de l’UE) ; déforestation de l’Amazonie et chasse aux peuples autochtones qui y vivent, afin d’augmenter les pâturages pour produire plus de viande ;
- Défense d’une agriculture paysanne tournée vers la demande locale, aussi bien en Europe qu’en Amérique latine, alors que les traités de libre-échange favorisent les gros agriculteurs et développent les monocultures, ce qui accroît encore la dépendance des pays dominés à l’égard des grandes puissances ;
- Traitement et restructuration des vignes européennes pour sauver les petites exploitations et faire face au dérèglement climatique, au lieu de favoriser une fuite en avant exportatrice qui profite avant tout aux grands viticulteurs.
Au-delà de cette opposition à l’accord UE/Mercosur, nous refusons le positionnement « ni protectionnisme, ni libre-échange » dans le cadre du capitalisme. Le capital a intérêt à la liberté de circulation sans entrave des marchandises et des capitaux, nous avons intérêt à l’inverse. Il ne faut pas attendre la révolution communiste pour défendre un « protectionnisme ouvrier » face aux marchés capitalistes.
Si un gouvernement « antilibéral » se mettait en place en France, il faudrait pousser à la mise en place de mesures de « protection » face aux pressions du marché international, en précisant bien sûr qu’elles ne rendraient pas viable un programme keynésien. Mais ce ne serait pas une raison pour ne pas soutenir ces mesures protectionnistes, qui iraient dans le sens d’essayer d’appliquer les mesures les plus progressistes du programme. De ce point de vue, LFI a raison dans sa perspective réformiste – mais il faut ajouter que cela impliquerait en fait la rupture avec l’euro et l’UE elle-même...
Bien entendu, la question clé est pour nous en dernière analyse celle de la propriété capitaliste. Mais, là encore, si un gouvernement anticapitaliste était mis en place, s’il y avait une révolution, il est évident que le nouveau pouvoir révolutionnaire devrait se protéger contre les impérialistes et mettre fin aux échanges capitalistes, au profit d’un nouveau système d’échanges, orientés par une logique de besoin et sur une base équitable. Il faudrait donc décider immédiatement, comme le fit le gouvernement bolchevik, le monopole étatique du commerce extérieur, ce qui serait la mesure la plus protectionniste possible. C’est malheureusement une question que nos « révolutionnaires » d’aujourd’hui ne se posent jamais...