Agenda militant
Ailleurs sur le Web
- La Grèce sous Kyriakos Mitsotakis: de la frustration sociale à la crise politique (23/12)
- Syrie : “Entre discours réformiste et répression réelle : Comment HTS a géré les manifestations à Idlib” (23/12)
- Contre les GAFAM, redécouvrir Jacques Ellul (23/12)
- Dialogue avec Benjamin Lemoine: les fonds vautours à l’assaut de la dette mondiale (23/12)
- Le cyclone Chido et la responsabilité de l’impérialisme français (22/12)
- Aurélie Trouvé sur France Info (22/12)
- Entretien avec Aymeric Caron - Palestine, antispécisme et journalisme (22/12)
- SNCF. Grèves partielles, unité de façade... : après l’échec du 12 décembre, tirer les bilans stratégiques (21/12)
- Décès de notre camarade Jean Puyade (20/12)
- Surproduction ou suraccumulation ? – Le débat (20/12)
- Le Moment Politique de Mélenchon (20/12)
- Histoire: Retour sur le "Rassemblement démocratique révolutionnaire" (20/12)
- Bronstein dans le Bronx, de Robert Littell (20/12)
- AMAR, TUÉ PAR UN POLICIER : 6 BALLES ET UN SILENCE MÉDIATIQUE ASSOURDISSANT (20/12)
- Présentation du livre II du Capital de Marx par Alexandre Féron (20/12)
- Front populaire de 1936 : les tâches des révolutionnaires (20/12)
- La première guerre d’Algérie 1830-1852 (20/12)
- Bayrou à Matignon : À PEINE NOMMÉ, DÉJÀ EN DÉROUTE ! (20/12)
- Décès d’Henri Simon (19/12)
- Mathilde Panot sur BFM (19/12)
- Abou Ghraib : trois anciens détenus obtiennent 42 millions de dollars à l’issue d’un procès (19/12)
- Sainte-Soline : la justice interdit les mégabassines (18/12)
- Élections en Irlande : pourquoi le Sinn Féin a-t-il échoué ? (18/12)
- Le bal des pilleurs (18/12)
- Fermeture de l’ambassade israélienne à Dublin : bon débarras ! (18/12)
Chômeuse oui, bouffonne non ! Ou les offres d’emploi empoisonnées...
Je suis une bonne chômeuse. Je vais à tous mes rendez-vous, je suis les modules, je m’actualise dans les temps. J’ai refait plusieurs fois mon cv, il m’a servi à poser ma candidature pour différents postes, en particulier pour postuler à des emplois d’agent administratif et de secrétaire au sens très large du terme. C’est surtout pour ces postes ci que je peux le plus utiliser mes compétences professionnelles: l’accueil physique et téléphonique, la maîtrise des outils informatiques, l’esprit d’analyse, la capacité à rédiger. Mais j’ai aussi ciblé la vente, et certains grands groupes, grands magasins. Bref, je m’active. Car il est facile de se sentir culpabilisée quand on est au chômage; avec les politiques, les capitalistes et les médias qui pointent du doigts les vilainEs assistéEs… Alors je veux montrer que je joue le jeu…
C’est comme ça que j’avais lâché un CV à tout hasard, via l’espace consacré sur le site de Pôle Emploi. C’était, selon l’annonce, un poste de “conseiller commercial auprès des entreprises”, au sein d’un partenaire du leader français du gaz. Quand on lisait l’annonce, on devinait l’ambiance bureau : la gestion et le suivi des clients, devoir gérer leurs doléances, leur proposer, en cas, de meilleures offres adaptées à leurs besoins. Selon l’annonce, c’était un groupe en expansion qui venait s’implanter dans le département. J’avais tapé le nom de cette entreprise, j’étais tombée sur des sites en travaux, et celui qui semblait le mieux coller avec le portrait présentait une entreprise spécialisée dans des contrats autour des chaudières d’entreprises et de collectivités. Je m’étais dit “Pourquoi pas ?” Et puis je les avais oublié.
Lundi, je reçois un mail m’invitant à une session de recrutement dans les locaux de pôle emploi. Je confirme ma présence par retour de mail. Nous sommes quelques jours plus tard, juste avant que la session ne débute. Je suis nerveuse. Peut-être qu’enfin je vais sortir du chômage, j’essaye d’imaginer à quoi va ressembler le boulot. Un agent nous accompagne vers une des salles de réunion du bâtiment. Nous sommes rapidement une quarantaine et je me dis que ça ne sent pas bon. Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne sent pas bon du tout. C’est le moment que choisit la responsable de l’entreprise pour prendre la parole et présenter son projet.
Elle commence par expliquer qu’il n’y a en fait que des postes de “conseillers commerciaux auprès des particuliers”. Certes. Mais c’est pas du tout pour ça que j’ai postulé en fait. Je reste par curiosité, et apprend que le métier consiste en du porte à porte en tant que VRP. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, et je ne vais pas juger si c’est un bon métier ou pas, je sais juste que je ne veux pas faire ça. Je l’écoute faire l’historique de l’ouverture à la concurrence - sous l’impulsion de l’Union Européenne - des marchés du gaz et de l’électricité depuis 2004. “Notre rôle, explique t’elle, c’est de permettre au leader du marché du gaz de le rester et de fidéliser ses clients. Le problème c’est que 80% des abonnés du gaz sont déjà chez le leader. Mais ils sont au tarif réglementé et il faut les faire passer au tarif du marché. Alors on leur promet pendant 3 ans de bloquer les prix maintenant qu’ils sont bas.” Vous comprendrez à quel point ça m’a choqué. Dès lors qu’un usager sort du tarif réglementé - tarif fixé par la puissance publique pour théoriquement assurer que chacun puisse avoir accès à l’énergie sans se ruiner -, il ne peut plus y retourner. Et si tant est que sous le règne du marché, les prix sont bien bloqués les trois premières années, rien n’empêche justement qu’au moment de la renégociation les prix s’envolent au nom du marché, de l’économie, de la crise. Je veux dire, on voit déjà comment les sociétés d’autoroute se goinfrent tout en pleurnichant qu’elles ne gagnent pas assez, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que ça sera la même pour le gaz… Et c’est d’autant plus choquant qu’en France, en 2016, 11 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique…
Mais ce n’est pas tout. Est venue au cours de la présentation la question du contrat et de la rémunération. L’interlocutrice a rapidement évoqué la nature de celui-ci “un contrat de VRP salarié non-exclusif”, et puis elle a directement enchaîné sur les commissions pour les contrats signés, et le fait que dans son groupe, il y avait “plusieurs jeunes qui gagnaient très très bien leurs vies”. Il a fallu insister plusieurs fois, entendre plusieurs fois “ils gagnent très très bien leurs vies”, entendre vanter également “le super esprit d’équipe”; pour qu’elle finisse par cracher le morceau. Il n’y a pas de salaires fixes, la rémunération ne se fait qu’à la commission. Alors au moins la moitié de la salle s’est levée en protestant et s’est barrée. Un homme s’est approché de moi et m’a montré l’annonce qu’il avait imprimé “Regarde, c’est des menteurs, ils annonçaient CDI et minimum 1500 euros par mois.” Il était furieux et je n’ai pu qu’acquiescer. Tout autour de moi, ça parlait d’arnaque. J’ai repris le bus pour quitter la zone industrielle et retourner en ville, écœurée.
Écœurée parce que ce genre de tambouilles existent, écœurée parce que des personnes prêtes à tout pour sortir du chômage et pleines d’illusion vont accepter ces offres que des bonimenteurs auront su leur présenter sous un jour favorable. Écœurée parce que ce qui fera leur rémunération ce sera toutes ces commissions et que pour assurer ces contrats et ces commissions, il leur faudra abuser, flouer des personnes âgées, isolées, des personnes qui ne sont pas forcément au courant de leurs droits… Abuser ces personnes qui se retrouvent au final en surendettement, ruinées. Écœurée par ce système capitaliste de merde qui joue la misère des uns contre la misère des autres, la guerre du tous contre tous.