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Après un an de Tsípras, la Grèce dans l’impasse
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Libération) Le Premier ministre, naguère porté aux nues, découvre brutalement les affres de l’impopularité.
Un drapeau orné du sigle du parti au pouvoir déchiré et brûlé en pleine rue dans le nord de la Grèce. Un ministre cloîtré mercredi dans un bureau préfectoral pendant douze heures, empêché de sortir par une foule déchaînée. Et des députés coincés à leur arrivée à l’aéroport de Kastoria sommés de se justifier sur des mesures qu’ils vont examiner la semaine prochaine. Ce lundi, Aléxis Tsípras souffle, dans une ambiance relativement explosive, sa première bougie depuis sa victoire électorale du 25 janvier 2015. Car de manière inattendue après des mois d’apathie, le vent de la colère s’est soudain levé la semaine dernière, suscitant une vague de contestations inédites pour son gouvernement qui découvre brutalement la violence de l’impopularité, celle qui avait déjà frappé la classe politique dite «traditionnelle». Qu’il semble loin le temps où le jeune héros de la gauche grecque promettait de «renouer avec l’espoir» !
Fronde.Malgré sept mois de négociations difficiles avec les créanciers, en dépit également de sa capitulation face à Bruxelles le 13 juillet, Tsípras a longtemps réussi à préserver l’image du «bon garçon» qui «fait ce qu’il peut». Plébiscité lors du référendum du 5 juillet, vainqueur une fois de plus des élections anticipées de septembre, Tsípras bénéficiait - et bénéficie encore en partie - d’apparaître comme «le moindre mal» dans un pays où droite et centre gauche s’étaient disqualifiés par leur gestion du pouvoir. Mais il aura suffi d’un projet de loi sur la réforme du système des retraites et de l’assurance sociale pour déclencher une fronde tous azimuts face à cette «forokatagida» : néologisme qu’on pourrait traduire par «avalanche d’impôts», qui s’accompagne d’une forte hausse de cotisations sociales.
Les agriculteurs qui ont sorti leurs tracteurs dans la rue et agressent les députés ou les permanences de Syriza ne sont pas les seuls à manifester leur colère. Avocats, médecins, artistes, commerçants, retraités et même handicapés sont tous descendus dans la rue depuis une semaine. Et même si la mobilisation n’atteint pas (encore) les niveaux de 2012-2013, les avocats en colère ont su jouer du symbole, en accrochant jeudi leurs cravates aux bosquets qui ornent les abords du Parlement à Athènes, pour marquer la naissance du «mouvement des cravates». Comme un clin d’œil douloureux à ce qui fut l’une des marques de fabrique du premier gouvernement Tsípras il y a tout juste un an : des ministres sans cravates, justement, incarnant autant une autre façon de gouverner que la fin de l’austérité.
«Nous avons peut-être fait trop de promesses», reconnaissait vendredi un député de Syriza, alors qu’un ministre expliquait qu’il ne faut pas juger le gouvernement «sur les promesses de janvier 2015, mais plutôt avec les contraintes imposées par l’accord avec les créanciers» que le second gouvernement Tsípras, celui issu des urnes en septembre, doit désormais appliquer.
Foules.Tsípras lui-même a-t-il changé ? Ou bien n’est-il que le général vaincu d’un pays à la souveraineté limitée ? En apparence, le Premier ministre quadragénaire conserve son aisance en public. Répondant avec humour, jeudi à Davos, au ministre des Finances allemand, Wolfgang Schäuble, qui affirmait qu’exclure le FMI des négociations d’aide à la Grèce,«c’était comme entrer avec une bougie dans une pièce pleine de dynamite», Tsípras a rétorqué en substance : «On ne doit pas pour autant rester dans l’obscurité et l’essentiel est peut-être d’éloigner la dynamite avant d’allumer la bougie.»
Le Premier ministre grec continue à plaider pour un allégement de la dette, en échange de réformes. Lesquelles ne satisfont toujours pas les créanciers qui exigent toujours plus d’efforts et de résultats chiffrés.«Tsípras a échoué à mettre un terme à l’austérité mais se présente toujours en Grèce comme le défenseur des plus faibles. Le problème, c’est que son dernier projet de loi écrase d’impôts et de hausses de cotisations sociales les petits entrepreneurs et les agriculteurs, qui forment le cœur de l’économie grecque. La réalité de la Grèce, ce ne sont pas seulement les indigents, c’est surtout cette petite classe moyenne qui a l’impression de trinquer une fois de plus», souligne l’analyste politique Georges Sefertzis. «Mais où trouver l’argent ? Il faut bien que quelqu’un paye ! Nous préférons épargner les plus faibles et faire payer ceux qui en ont encore les moyens», plaide Giorgos Katrougalos, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, dans son vaste bureau, au cinquième étage d’un immeuble du centre d’Athènes désormais régulièrement assiégé par les manifestants.
«La Grèce va créer la surprise en 2016», a martelé Tsípras à Davos, conforté par le relèvement de la note de l’agence Standard and Poor’s vendredi. Mais à Athènes, l’optimisme du Premier ministre n’enthousiasme plus les foules. Selon un sondage publié vendredi, 85 % des Grecs sont mécontents de l’action du gouvernement. Après avoir perdu une partie de sa garde rapprochée suite à la scission de son parti cet été, sans avoir changé ni la Grèce ni l’Europe (comme en témoigne l’éloignement des Espagnols de Podemos qui avaient pourtant célébré à Athènes la victoire), Tsípras peut-il encore rebondir ? En tout cas, la bougie qu’il souffle n’est peut-être plus si loin de la dynamite.