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A la clinique Cahuzac, le bal des espèces
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Sans doute est-il plus facile d’avouer cette fraude-là que de lister les subsides obtenus de tel ou tel laboratoire pharmaceutique, mais de fait : la « clinique », ouverte en 1991 avec son épouse dermatologue, a fonctionné comme une machine à « cash ».
Plusieurs témoins retrouvés par Mediapart se souviennent avoir entendu le Dr Jérôme Cahuzac, dans son petit cabinet parisien, leur proposer une ristourne sur des implants capillaires en échange d’un paiement au « black ».
Opéré à la fin des années 1990 dans la « clinique » du très chic VIIIe arrondissement de Paris, Boris (vingt ans à l’époque) se rappelle le « deal » suggéré à ses parents : « Il nous a proposé tel prix en chèque, puis un prix inférieur si on payait en espèces. Lui préférait clairement du liquide… » La famille a donc réglé en « cash » pour deux opérations successives. « Je me souviens très bien du Dr Cahuzac, insiste Boris, finalement très déçu des résultats de ses greffes. Pour me convaincre, il m’avait montré ses propres implants ! »
À 64 ans, Raymond se rappelle aussi parfaitement sa consultation au cabinet Cahuzac, aux alentours de 1998 : « Il insistait pour que je paye en liquide, en échange d’un dégrèvement… Il y en avait à peu près pour 40 000 francs. Comme je ne suis pas un saint, j’aurais pu accepter, précise cet ancien cadre du sud de la France. Sauf que Cahuzac m’a fait un très mauvais effet : trop sûr de lui, expéditif. Je suis reparti avec un devis mais j’ai finalement choisi un autre chirurgien. »
Et d’ajouter : « Il se trouve que j’ai subi d’autres interventions de chirurgie esthétique, en particulier un lifting ; vous n’imaginez pas le nombre de praticiens qui suggèrent de payer en espèces ! Les implants, c’est le pire : c’est souvent en ambulatoire, dans des cabinets en appartement, où les secrets sont bien gardés… » D'après nos informations, le couple Cahuzac travaillait avec une infirmière et deux assistantes, en tout cas au milieu des années 2000.
« Il m’a proposé de payer de la main à la main, quelque 18 000 francs je crois », confirme encore Vincent (lui-même docteur), qui a consulté Jérôme Cahuzac à la fin des années 1990. « Il m’a expliqué que les médecins payaient trop de charges à son goût… » Vincent, gêné, est finalement allé voir ailleurs.
Sollicitée par Mediapart, le Dr Patricia Cahuzac n'a pas souhaité réagir, en pleine procédure de divorce, et alors qu'elle gère désormais seule la « clinique », récemment déménagée dans l'appartement du couple avenue de Breteuil.
Combien d’espèces, tirées de ce commerce lucratif, Jérôme Cahuzac a-t-il réellement expédiées en Suisse ? Cette piste soufflée par son avocat à la justice n'est-elle pas un écran de fumée, pour mieux dissimuler l'ampleur des versements effectués par des laboratoires pharmaceutiques, d'une nature bien plus compromettante ?
Certains billets, en tout cas, ont directement été « blanchis » en France, sans jamais traverser la frontière : en novembre 2007, Jérôme Cahuzac a en effet été condamné pour « travail dissimulé » après avoir employé une femme de ménage philippine et sans papiers dans sa clinique. « J’ai rémunéré Madame X... 250 euros par mois en espèces, avait-il reconnu devant la police judiciaire de Paris, d'après le procès-verbal que Mediapart a consulté. Je laissais une enveloppe sur le bureau qu’elle récupérait en fin de mois. » Huit euros de l’heure, de juillet 2003 à novembre 2004.
Jérôme Cahuzac ayant remboursé l’Urssaf, réglé une pénalité de retard, et finalement aidé sa femme de ménage à régulariser sa situation en France, il s’est vu dispenser de peine. La décision du tribunal n’a même jamais été inscrite à son casier judiciaire.
Chef de clinique aux hôpitaux de Paris depuis 1984, le socialiste s'était lancé dans les implants en 1991, à sa sortie du cabinet du ministre de la Santé Claude Evin (où il était chargé des négociations avec les labos). En 2003, après sa défaite aux législatives de juin 2002, il avait tenté de faire reconnaître une compétence en « chirurgie plastique » auprès de l’Ordre des médecins, beaucoup plus valorisante que la seule « capilliculture ».
Pour faire bonne figure, Jérôme Cahuzac avait cette année-là pris son adhésion à l’« International Society of Hair Restoration Surgery » (alors que sa femme Patricia y pointait depuis dix ans déjà) – sans toutefois prendre la peine de participer à un seul congrès annuel. Le conseil national de l'Ordre avait finalement balayé sa requête en 2006, pour insuffisance de formation dans la discipline.