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    Au Mirail, affrontements sur l’éducation prioritaire

    Lien publiée le 20 juin 2015

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Le Monde) Après plusieurs mois de conflit sur le manque de moyens de leur collège, cinq enseignants sont mutés

    A deux semaines des congés d'été, rien ne va plus au collège Bellefontaine de Toulouse. l'un des établissements choisis pour "  préfigurer  " les nouveaux réseaux d'éducation prioritaire (REP) entrant en vigueur à la rentrée. Depuis des mois, cet établissement du quartier sensible du Mirail est le théâtre d'un affrontement entre le principal et une poignée d'enseignants qui dénoncent l'absence de véritables moyens supplémentaires.

    Jeudi 18  juin, après une série d'arrêts-maladie, de plaintes et de tensions entre enseignants, parents, direction et rectorat, une nouvelle étape a été franchie  : quatre professeurs ont eu confirmation de leur mutation "  dans l'intérêt du service  ", une cinquième, passée en commission disciplinaire, s'est vu signifier une mesure de "  déplacement  " considérée comme une sanction. Le principal du collège, Pascal Roques, sera lui aussi muté dans un nouvel établissement. Du jamais-vu dans l'éducation nationale.

    Les enseignants se disent victimes du mouvement de grève lancé le 27  novembre 2014 par une trentaine d'entre eux lors du passage de l'établissement en REP+, des réseaux scolaires censés bénéficier de moyens accrus, même par rapport aux anciennes zones d'éducation prioritaire (ZEP). Bénéficiant déjà des mesures appliquées aux ZEP –- classes moins nombreuses, primes, moyens humains et financiers supplémentaires… –-, le collège Bellefontaine est classé comme "  préfigurateur  " de la future réforme voulue par la ministre de l'éducation, Najat Vallaud-Belkacem. Une sorte de test grandeur nature.

    Rapidement, les enseignants dénoncent une réforme en trompe-l'œil et réclament un accompagnement spécifique pour les élèves de sixième, un temps de présence en classe abaissé de 10  % – 16  heures 30 au lieu de 18  heures hebdomadaires –, ainsi qu'une prime de risque pour les assistants d'éducation et des moyens médico-sociaux supplémentaires. Le mouvement se poursuit jusqu'au 18  décembre, mais, selon un des enseignants, "  des tensions sont apparues avec le chef d'établissement, qui a tout de suite fermé la porte au dialogue  ".

    La représentante des parents d'élèves au conseil d'administration, Malika Baadoud, également médiatrice scolaire et membre de l'association de quartier L'école et nous, estime pour sa part que "  les revendications de départ n'avaient rien à voir avec le classement REP+  : les enseignants se croyaient dans une zone de non--droit, alors que leurs conditions de travail sont très bonnes. On a eu l'impression qu'un virus se propageait dans le collège  ".

    Notations gelées

    La situation s'envenime rapidement malgré les tentatives de médiation. Des notations administratives sont gelées, un enseignant voit même sa note baissée, chose rarissime. La rectrice reçoit une délégation le 18  décembre, puis les échanges cessent.

    C'est un mail, envoyé par une des enseignantes à ses collègues, qui va mettre un peu plus le feu aux poudres. Intervenante en milieu carcéral, elle y écrit  : "  S'il le faut, j'ai des hommes de main avec moi et on va s'occuper du cas du principal…  " Des menaces prises très au sérieux, qui débouchent sur une plainte au pénal pour menace de mort. Pour Emmanuel Courrèges, du syndicat Sud-Education, "  ce n'était qu'une mauvaise blague qui a été utilisée pour enfoncer un peu plus les collègues  ".

    La députée socialiste de la circonscription, Martine Martinel, sollicitée pour la médiation, jette l'éponge en début d'année, refusant de soutenir plus loin le mouvement. Ce n'est que le 22  mai que les cinq enseignants se voient notifier par huissier, à leur domicile, leur mutation d'office et l'ouverture pour chacun d'une procédure disciplinaire.

    Dans ces courriers, le rectorat leur reproche un "  manquement à l'obligation d'exercer leurs missions  ", un "  manquement à l'obligation de courtoisie et de respect de leurs supérieurs hiérarchiques  ", un "  manquement à l'obligation de loyauté  ". Ils sont surtout accusés de perturber "  gravement le bon fonctionnement du service public d'éducation  ". Des conclusions jugées totalement invraisemblables par l'un des enseignants mis en cause, qui souligne que "  les inspecteurs académiques n'ont auditionné que le principal, son équipe et des profs non -grévistes  ".

    " Totalement injustes "

    Ces mesures ont donc été confirmées jeudi 18  juin. Des décisions "  totalement injustes  "selon Régis Boselli, l'un des cinq professeurs concernés, jusqu'alors extrêmement bien noté par sa hiérarchie. "  Maintenant, nous n'avons plus rien à perdre, ajoute-t-il. Nous n'avons même pas pu être auditionnés pour nous défendre. Désormais, c'est devant la justice et le tribunal administratif que l'affaire va se poursuivre.  " L'une des enseignantes annonce vouloir entamer dès le début de la semaine une grève de la faim, soutenue par l'intersyndicale qui s'est formée.

    M.  Roques n'a pas souhaité s'exprimer. Jointe par Le Monde, la rectrice d'académie, Hélène Bernard, a expliqué que "  cette situation incroyablement tendue et douloureuse devait trouver une issue pour toutes les parties, et surtout les 400 élèves du collège. La spirale de contestation des grévistes, les rapports entre enseignants, parents d'élève et avec le chef d'établissement devenaient intenables. Je n'avais pas d'autre solution que de changer les équipes et procéder à ces mutations, qui ne sont pas des mesures disciplinaires  ".

    Les enseignants concernés devraient donc être mutés à Toulouse ou en banlieue proche, sans perdre leurs points d'ancienneté comme ils le craignaient. Le vendredi 19  juin au matin, un seul d'entre eux était présent au collège. Les autres sont tous en arrêt-maladie.

    Philippe Gagnebet

    LE CONTEXTE

    La refondation de l'éducation prioritaire, lancée par l'ancien ministre de l'éducation nationale Vincent Peillon, entrera officiellement en vigueur à la rentrée 2015. Elle acte la disparition des zones d'éducation prioritaire (ZEP) au profit des réseaux d'éducation prioritaire (REP), au nombre de 1 081, chaque " réseau " correspondant à un collège avec les écoles alentour.

    Parmi eux, 350 sont classés REP+. Ce sont ceux qui connaissent " les plus grandes concentrations de difficultés sociales ayant des incidences fortes sur la réussite scolaire ",selon les mots du ministère.

    Logiquement, ces REP + doivent bénéficier encore de plus de moyens : allégement d'heures et indemnités supplémentaires pour les enseignants, formation continue, etc. A la rentrée 2014 une centaine de REP+ " préfigurateurs " ont été lancés.