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Le racisme est-il essentiellement d’origine coloniale ?

racisme

Lien publiée le 22 février 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.anti-k.org/2016/02/15/le-racisme-est-il-essentiellement-dorigine-coloniale/

Anne Marie Chartier le 14/02/201616

LE RACISME EST-IL ESSENTIELLEMENT D’ORIGINE COLONIALE ?

Il s’agit là d’une question tabou. En revenir à la traite des noirs, au code noir, au colonialisme, à la façon dont les indiens, les noirs, les arabes ont été perçus dans l’histoire occidentale, puis à la façon dont le capitalisme a intégré la supériorité de l’homme blanc à l’homme de couleur… tout cela est tabou. Ce sont de « vieilles lunes », disent certains intellectuels bien-pensants.

C’est pourtant une question essentielle, mais que la société française, toutes classes sociales confondues, ne tolère plus. A tel point que « les Indigènes  de la République » ont été analysés comme ressassant ces vieilles rengaines dépourvues de sens, et voulant la guerre civile.

Il faut un interview d’Angela Davis dans le Monde du 16-1-2016, pour remettre à l’ordre du jour ces « vieilles lunes ». Elle souligne le fait que la France était un des principaux pays d’esclavage, et que les vestiges de cela sont nombreux. Il ne suffit pas, dit-elle, d’abroger l’esclavage et l’ordre colonial pour permettre aux individus qui en étaient les victimes de s’intégrer. Et elle évoque précisément « les indigènes de la République ». Daniel Lindenberg (le Monde du 19-1-16) dit que l’islamophobie triomphe « dans une certaine France qui n’a toujours pas digéré la décolonisation ». Véritable opprobre !

Hanna Arendt lorsqu’elle avait écrit dans les années 50 « les origines du totalitarisme », elle avait eu l’intuition que le colonialisme européen du 19ème siècle avait gravé dans la démocratie un « ferment totalitaire », particulièrement en France et en Grande Bretagne.

Pour que cette digestion du colonialisme se fasse, il aurait fallu selon Angela Davis, aux USA comme en France, construire une nouvelle démocratie, ce qui ne s’est pas fait ni dans un cas ni dans l’autre. Elle explique comment l’islamophobie s’est articulée aux USA avec le racisme envers les noirs et les latinos. Il en est de même en France. L’islamophobie est un vestige du racisme colonial, c’est le sens de l’interview.

Dans le même journal, le même jour, une page est consacrée à un film de Nicolas Boukhrief qui ne sortira pas sur les écrans mais sera proposé en video « Made in France ». Pourquoi ? Boukhrief explique que son père, français-algérien, avait décidé de ne pas apprendre l’arabe à ses enfants en accord avec sa femme, et avait refusé d’en faire des musulmans (« Vous choisirez plus tard »). Mais un soir, il se fait ratonner et traiter de sale arabe. Son identité lui est renvoyé à la figure. Cela pouvait ouvrir la voie à la délinquance chez ses enfants. Profondément marqué, Boukhrief décide de faire un film lorsque Merah tue des enfants de 5 ans dans une école juive.. Il entend dans son entourage quelqu’un dire que c’est le résultat du conflit israélo-palestinien. Il s’insurge « ça n’a aucun rapport !». Mais il entend également un protagoniste dire « Tu crois que ça les (les israéliens) dérange de tuer des enfants en Palestine ? ». Et là, il est confondu.

De plus il se souvient d’une phrase de Merah aux hommes du RAID, avant l’assaut final à Toulouse :  « J’aime la mort comme vous aimez la vie ». Cette passion mortifère, maintes fois évoquée, est le résultat d’un désespoir total dans un monde qui n’offre plus aucune perspective aux jeunes. Si cette passion n’est pas surmontée, dit-il, elle peut déboucher sur « Viva la muerte » des franquistes, et l’assassinat d’innocents ou carrément l’assassinat antisémite.

Boukhrief complète ainsi les propos d’Angela Davis. Aujourd’hui la protestation contre le racisme anti-arabe, devenu l’islamophobie, peut dégénérer, suite aux razzias d’Israël sur Gaza (ratonnades au centuple) en antisémitisme, et virer au fascisme.

Mais qui attise le feu ? Claude Lanzmann, créateur du film la Shoah, bien connu depuis pour son arrogance, a publié un article Monde du 21-8-14, qui défie les principes d’honnêteté ! Il justifiait, en pleine guerre à Gaza en août 2014 le fait qu’un juif vaille 1000 arabes palestiniens, parce que, disait-il, « depuis la Shoah, les juifs ont appris la valeur d’une vie » !!! Il fallait oser l’écrire. Les russes, les chinois, les cambodgiens, les syriens, les irakiens, les libyens.. etc…. eux qui ont tous subi des centaines de milliers de morts, ne connaîtraient pas la valeur d’une vie ?!! Il n’y aurait vraiment que les juifs qui le sauraient !! A lui tout seul, Lanzmann fabrique des antisémites à tour de bras.

Dans la société française d’aujourd’hui, il est inacceptable d’écrire ce qui précède; c’est inaudible. Par contre on peut entendre un Finkelkraut s’étonner de l’antisémitisme qui émerge des banlieues et dire que cela paraît incompréhensible aux yeux même des lanceurs d’alerte contre l’islamophobie…Cela ne le gêne pas d’écrire cela, et il feint la naïveté. Oui les faits sont apparemment déroutants. Pourtant, si l’on veut bien réfléchir un peu, leur explication semble limpide. Mais expliquer n’est cependant pas justifier.

Face à cela, certains préfèrent disserter sur l’impossible intégration des musulmans, après avoir disserté sur celle des arabes. En France l’islam serait incompatible avec les lois de la République et la laïcité. En Israël les attentats palestiniens seraient la preuve de leur impossible intégration, et de la nécessité qu’Israël soit un Etat juif pur jus.

Et « d’habiles faussaires » (expression de Lindenberg) ont concocté une laïcité aux petits oignons, qui n’a rien à voir avec la loi de 1905, faite pour réfuter le droit à l’existence de l’islam (un concept de laïcité pour marginaliser les musulmans, dit Angela Davis). On comprendra l’engouement de certains pour les caricatures de Charlie Hebdo, journal classé à gauche, mais islamophobe et raciste, porteur d’une laïcité « anti-religion ».

Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, écrit dans le Monde du 21-1-16, ceci :  « Ceux qui dénaturent la laïcité sont ceux qui en font un outil antireligieux, antimusulman, (ils) prétendent que l’espace public est totalement neutre, comme si nous n’avions plus le droit d’avoir des opinions.. ». Il appelle cela la « laïcité intégriste ». Le journal Marianne se ferait le porteur de cette laïcité, selon lui.

C’est ainsi que dans la France d’aujourd’hui il n’y a pas que l’abandon des classes populaires qui est à l’ordre du jour, mais l’abandon massif des sans-papiers, des réfugiés en tous genres, de ces étrangers que les patrons allaient chercher au Maghreb avant et après la dernière guerre mondiale, des roms, que l’on parque dans des camps sans eau, sans électricité, sans WC, sans douches, à même la boue, et à qui l’on offre des poubelles, comme à Grenoble, pour qu’ils nettoient le terrain d’où ils se feront expulser. Et l’on dira d’eux tous qu’ils sont sales, méprisables et bien autre chose…

On en a fini avec les bidonvilles au début des années 60. Les voilà qui ressurgissent sous les pires formes dans un climat délétère : l’arrivée des réfugiés dans des conditions terribles va s’articuler avec un chômage de masse, et un racisme jamais éteint.

S’étonnerait-on de la « jungle » à Calais, 5000 migrants sans aide de l’Etat… Il y en a 3000 à Dunkerque, et l’on parle d’ouvrir un camp humanitaire à la Grande-Synthe.. Le gouvernement veut effacer la jungle, mais des petites jungles existent déjà à Paris, quai d’Austerlitz, porte de Saint-Ouen, Bois de Boulogne .. Et dans toutes les villes, comme à Grenoble, mais ça n’est pas recensé.

En Europe il existerait 393 camps fermés pour étrangers (site closethecamps.org mis en ligne en décembre 2015)

La misère sociale grandissante est en train de se combiner avec les conséquences des guerres de destruction massive au Moyen Orient, et avec les effets de la Françafrique, celle-ci n’étant que la résurgence du colonialisme sous d’autres formes. Nous revoilà à la case départ.

Mais comme personne ne veut discuter de la question du racisme en liaison avec notre histoire coloniale, certains causent laïcité.

L’inénarrable Caroline Fourest se fend d’un article dans le Monde du 22-1-16 dans lequel elle déverse son venin habituel et demande la démission de Jean-Louis Bianco.

En parallèle avec cet article, un historien de la laïcité, Jean Baubérot, intitule un article « Gare aux laïcards extrémistes » et indique que l’Etat n’a pas à contrôler les religions au nom de la laïcité. Et pour finir nous le citerons à propos des raccourcis d’Elizabeth Badinter et de l’intervention de Valls sur ce sujet :

« Si on examine un peu froidement les choses, la situation devrait paraître ridicule : la liberté d’expression serait quasi absolue quand il s’agit de Charlie Hebdo et autres, critiquer Mme Badinter reviendrait à blasphémer contre la République ! Mais quand il s’agit de laïcité certains deviennent fondamentalistes et défendent le premier degré contre toute démarche de connaissance. La position que vient de prendre Manuel Valls face à l’Observatoire est dans la logique de celle où, refusant toute démarche de sciences humaines et sociales, il s’est récemment livré, sans doute à son insu, à une apologie de l’obscurantisme ». On ne peut mieux dire.

Dans la situation où nous sommes actuellement où le sénat a voté à nouveau « l’état d‘urgence » le 9 février, et où cette possibilité a été inscrite dans la constitution, il y a bien plus qu’un « ferment de totalitarisme » dans la démocratie, il y a une passerelle ouverte pour sa suppression grâce à ce qui fut la gauche. Une gauche gangrenée.

AMC le 14-2-2016