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L’Obs: après l’affaire Aude Lancelin, l’affaire Cécile Amar

Lien publiée le 25 mars 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

(Mediapart) Pour avoir écrit un livre d’entretien avec Jean-Luc Mélenchon, la journaliste de L’Obs, Cécile Amar, est sanctionnée. L’affaire plonge de nouveau le magazine dans les turbulences.

L’Obs vit décidément des jours détestables. Alors que la rédaction est visée par le plan social le plus violent de son histoire, avec à la clef près de 40 suppressions d’emplois, et qu’elle est encore sous le choc du licenciement pour un motif notoirement politique, au printemps dernier, de la directrice adjointe de la rédaction, Aude Lancelin, voici que l’hebdomadaire entre dans de nouvelles turbulences, à cause d’une autre affaire : une sanction que la journaliste Cécile Amar vient de se voir notifier pour avoir écrit un livre d’entretien avec Jean-Luc Mélenchon.

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Au sein de l’hebdo, il n’est certes guère facile de trouver des journalistes qui souhaitent parler à visage découvert, ce qui est évidemment révélateur du climat d’inquiétude, sinon de peur qui prévaut dans la rédaction. Et Cécile Amar est elle-même injoignable. Voici pourtant l’histoire de cette nouvelle crise, telle que nous sommes parvenus à la reconstituer.

Le 1er février dernier, Cécile Amar prévient le directeur de la rédaction, Matthieu Croissandeau, qu’elle projette de faire un livre d’entretien avec la figure de proue de la France insoumise. Le directeur de la rédaction n’y voit pas, à l’époque, d’objection, ce qui est normal puisque la journaliste a précisément pour charge au sein de l’hebdomadaire de suivre, seule, la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, en même temps que celle de Benoît Hamon, en association avec un autre confrère.

Mercredi 22 mars, le livre sort donc en librairie. Intitulé De la vertu (éditions de l’Observatoire, 96 pages, 5 euros), il fait l’objet de nombreuses recensions dans la presse, y compris sur le site Internet de L’Obs. Mais le lendemain matin, 23 mars, un « confidentiel » publié par La lettre A, fait l’effet d’une douche froide dans la rédaction de l’hebdo.

Sans que personne ne sache qui est à la source de la brève de la lettre confidentielle, on peut y lire ceci : « Les ambitions de Cécile Amar à L’Obs pourraient bien faire les frais de son prochain opus De la vertu (Éditions de l’observatoire). La parution imminente de ce livre coécrit avec le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, en pleine présidentielle – et alors que la journaliste est au service politique de l’hebdomadaire depuis septembre –, a crispé sa hiérarchie, qui n’avait pas été mise au courant du projet. »

Et, de fait, dans les heures qui suivent, la journaliste est informée par Matthieu Croissandeau qu’il a décidé de lui interdire désormais de suivre pour le compte du magazine la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Le même Matthieu Croissandeau confirme par ailleurs par écrit à la Société des rédacteurs de L’Obs, qui est alertée de l’affaire, qu’il a décidé de sanctionner la journaliste, mais il doit convenir, toujours par écrit, qu’elle l’avait bel et bien informé de ce projet.

Le "confidentiel" publié par la Lettre A Le "confidentiel" publié par la Lettre A

Alors pourquoi donc cette sanction ? L’affaire est incompréhensible pour beaucoup de journalistes de L’Obs. Beaucoup rappellent que de nombreux hiérarques de l’hebdo ont, dans le passé, contribué à de tels livres d’entretien, sans qu’on leur en fasse grief, bien au contraire. Quand ces livres ont eu du succès et qu'ils ont contribué à chanté les louanges d'un Parti socialiste de plus en plus sur le déclin, la direction de L’Obs s’en est toujours réjouie. Le contre-exemple est le livre d’entretien que le journaliste Claude Askolovitch, à l’époque grand reporter au Nouvel Observateur, avait écrit avec Éric Besson, sous le titre Qui connaît Madame Royal ? (éditions Grasset), au plus fort de la campagne présidentielle de 2007. Les hiérarques du magazine soutenaient alors autant qu'ils le pouvaient la campagne de Ségolène Royal et n'avaient guère apprécié la sortie de l'ouvrage, et l'avaient vivement fait savoir au journaliste.

L’affaire Cécile Amar tombe au plus mal pour l’hebdomadaire, car il n’a effectivement toujours pas tourné la page de la violente éviction d’Aude Lancelin, licenciée pour un motif notoirement politique : les nouveaux actionnaires de l’hebdomadaire, qui sont aussi ceux du Monde, craignaient visiblement que la journaliste, chargée à l’époque des pages débats et idées de L’Obs, ne donne trop de place à des intellectuels ne s’appliquant pas à chanter les louanges de François Hollande et de son quinquennat. Et l’éviction, ternissant gravement l’image de L’Obs, a eu d’autant plus de retentissement que la journaliste a par la suite raconté la vie intérieure du magazine dans un essai cruel et incisif Le monde libre (éditions Les liens qui libèrent), qui a été récompensé par le prix Renaudot Essai.

Sans doute Cécile Amar est-elle donc à son tour victime de la même fatwa : malheur à ceux qui ne sont pas des zélotes du hollandisme ! En tout cas, voici une inquiétante nouvelle, qui risque de faire le tour du groupe Le Monde-L’Obs : ici aussi, les actionnaires et les hiérarques zélés qu’ils promeuvent aux postes clefs ne se gênent plus guère pour user de pratiques liberticides, dont quelques rares journaux, comme Le Figaro, avaient autrefois le monopole.

A la suite de la mise en ligne de notre article, Matthieu Croissandeau, que nous avions préalablement sollicité, nous a dit son désaccord avec notre récit : « Contrairement à ce que vous indiquez, aucune "sanction" n'a été imposée à Cécile Amar. Cécile Amar est une journaliste de talent que nous nous réjouissons de compter parmi nous. Simplement il ne nous paraît pas possible qu'une même personne  puisse dans le même temps publier un livre avec un candidat à la présidentielle en pleine période électorale et continuer à suivre sa campagne pour notre journal. Pour des raisons évidentes de clarté vis-à-vis de nos lecteurs et de crédibilité journalistique, nous avons donc décidé de confier à l'avenir la couverture de la campagne de Jean-Luc Mélenchon à d'autres journalistes du service politique. Cécile Amar continuera bien sûr à suivre l'élection présidentielle, mais en se concentrant sur les autres candidats. »