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La double peine des jeunes issus de l’immigration
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Le Monde) L'absence de progression sociale de leurs parents et grands-parents s'ajoute aux discriminations dont sont victimes les descendants d'immigrés
sur la situation des descendants d'immigrés, le constat est maintenant bien établi : la génération issue de l'immigration de travail non européenne de l'après-guerre fait face à des difficultés d'insertion professionnelle bien supérieures à la moyenne de la population. Le taux de chômage des secondes générations de l'immigration du Maghreb se situe autour de 18 %, contre 9 % à 10 % pour l'ensemble de la population. Cela s'explique par plusieurs facteurs. Le premier, prouvé par de multiples " testings " depuis une dizaine d'années, est la discrimination à l'embauche. Par exemple, avant même la crise économique de 2008, pour des CV tout à fait identiques par ailleurs, un candidat masculin au nom et au prénom à consonance marocaine devait envoyer trois fois plus de candidatures pour être convié à un entretien pour un poste de comptable ou de serveur en Ile-de-France.
La discrimination n'explique cependant pas tout le surchômage des descendants d'immigrés : des facteurs structurels jouent aussi, et en premier lieu les inégalités scolaires. Les descendants d'immigrés non européens sont plus susceptibles que les autres d'être en échec scolaire : le risque de redoublement avant l'entrée en 6e est environ deux fois supérieur à la population majoritaire ; 18 % des enfants d'immigrés sont sans diplôme, contre 12 % pour le reste de la population.
Cette situation défavorable est à mettre en relation avec l'origine sociale combinée à la ségrégation territoriale : plus du tiers des parents venus des pays du Maghreb ou de Turquie sont des employés ou des ouvriers non qualifiés, contre 10 % pour les personnes non issues de l'immigration. Si l'on conjugue ce facteur structurel avec le fait que le système éducatif français est l'un de ceux pour lesquels la corrélation entre la performance scolaire et le milieu socio-économique est la plus élevée, comme l'ont démontré les enquêtes PISA de l'OCDE, il n'est pas étonnant que les élèves issus de l'immigration soient surreprésentés dans les groupes les plus faibles scolairement. Par exemple, ils forment presque la moitié (43 %) du groupe le plus faible en maths dans PISA 2012. Si on raisonne à caractéristiques socio-économiques identiques, les différences dans les succès scolaires selon l'origine s'estompent fortement.
Les facteurs favorisant l'intégration économique sont en premier lieu la maîtrise de la langue du pays hôte, le niveau de diplôme initial et, enfin, l'absence de barrières discriminatoires sur le marché du travail. Nous ne disposons en France que de peu de données statistiques permettant de reconstituer les salaires des migrants venus du Maghreb en France dans la période de l'après-guerre. Néanmoins, les rares bases de données existantes pointent toutes vers des carrières en moyenne " plates ", au contraire des travailleurs comparables du reste de la population qui ont majoritairement vécu une progression professionnelle pendant les Trente Glorieuses.
Difficultés scolaires
Les -vagues massives de main-d'œuvre venues des pays du Maghreb après-guerre n'ont pas connu, en moyenne, d'amélioration de leur qualification, faute de formation mais aussi, vraisemblablement, à cause de comportements discriminatoires sur le marché du -travail. En d'autres termes, il n'y a pas eu d'assimilation économique des migrants non européens en France. Par conséquent, les difficultés d'insertion professionnelle des descendants viennent en grande partie de leurs difficultés scolaires, elles-mêmes liées à l'héritage d'un statut social inférieur, provenant d'un échec de la société française vis-à-vis de leurs parents.
Du point de vue des politiques économiques, cela signifie que si la lutte contre les discriminations à l'embauche est absolument nécessaire, elle n'est pas suffisante pour assurer à chacun une égalité réelle des opportunités, à court et long termes. La France n'a pas conduit une politique active de formation et d'intégration professionnelles des migrants des années 1950 et 1960. Ce choix a un coût intergénérationnel par ses répercussions actuelles sur les descendants. Ce résultat devrait alerter sur la nécessité de mener des politiques actives d'intégration envers les migrants d'aujourd'hui, et au minimum à privilégier l'apprentissage du français pour ceux qui en ont besoin, à l'instar de la politique actuelle menée par l'Allemagne avec ses réfugiés, et à poser en pratique la question de la reconnaissance des diplômes étrangers pour les qualifiés.
par Dominique Meurs