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Amrani face à Valls : récit d’une folle soirée électorale

Lien publiée le 19 juin 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.bondyblog.fr/201706191236/manuel-valls-face-a-farida-amrani-recit-dune-folle-soiree-electorale/#.WUfhOevyi71

[#LÉGISLATIVES2017] L’ancien Premier ministre est proclamé vainqueur l’élection législative dans sa circonscription avec une très courte avance : 139 voix (50,3 %) face à Farida Amrani. La concurrente soupçonne l’élection d’irrégularités dans les bureaux d’Evry, notamment ceux où elle n’avait pas d’assesseurs. Elle annonce déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Récit de cette folle soirée. 

“Fait chier !” Dans la voiture, Ulysse Rabaté contrôle ses nerfs, mais il est tendu. À la radio, Manuel Valls tente de prononcer un discours pour revendiquer sa victoire au second tour des élections législatives, dans la première circonscription de l’Essonne (91) .”Tricheur ! Tricheur!” entend-on sortir de la foule derrière lui.

La nouvelle est tombée peu après 22 heures ce dimanche. L’ancien Premier ministre remporte l’élection avec une avance de 139 voix seulement sur sa concurrente. Quelques minutes plus tard, Farida Amrani, soutenue par la France Insoumise, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, arrive à la mairie d’Evry : elle conteste le résultat et dénonce des “irrégularités“.

Farida Amrani l’emporte au bureau de la mairie d’Evry et largement en tête à Corbeil-Essonnes

Tout a commencé moins de vingt minutes plus tôt, sur la place du Comte Haymon, à Corbeil-Essonnes. Farida Amrani et son équipe attendent les résultats avec l’anxiété des premières fois. Ils sont installés à la terrasse d’un bar moderne, à deux pas de l’Essonne qui coule paisiblement à travers la ville dans la chaleur tombante de la nuit qui se lève. Le duel est extrêmement serré. Les résultats sont commentés en direct dans les médias pour cette circonscription scrutée par la presse en raison de la stature de son adversaire : Manuel Valls, ancien Premier ministre, ancien ministre de l’Intérieur, ancien maire d’Evry et député sortant de la circonscription.

Inconnue du public il y a encore quelques semaines, Farida Amrani, conseillère d’opposition à la mairie d’Evry, a réussi à mettre Manuel Valls en difficulté. Il faut dire qu’au premier tour de la présidentielle, Evry avait placé Jean-Luc Mélenchon en tête avec 34,69 % des suffrages exprimés. Il avait également recueilli 31,05 % des voix à Corbeil-Essonnes où il était également arrivé premier. Au premier tour dimanche dernier, Manuel Valls était arrivé en tête sur la circonscription avec moins 2 165 voix d’avance face à son adversaire insoumise. Au bureau de la mairie d’Evry, Manuel Valls est battu de quelques voix : 214 voix contre 226 pour Farida Amrani. Quelques voix seulement d’avance mais un énorme symbole pour celui qui a dirigé la mairie d’Evry pendant 11 ans. Un peu après 22 heures, une autre bonne nouvelle illumine l’expression tendue du visage de la candidate. Elle est arrivée largement en tête à Corbeil-Essonne qui comptabilise 26 des 78 bureaux de vote de la circo  : 2 649 voix pour l’ancien Premier ministre contre 3 733 voix pour Farida Amrani.

À la mairie d’Evry, des soutiens d’Amrani crient à la fraude pendant le discours de Manuel Valls, la police municipale intervient

Mais le choc est rude quand les résultats tombent sur l’ensemble de la ville d’Evry : Manuel Valls l’emporte dans la commune avec 300 voix d’avance. Avec les autres résultats, notamment Courcouronnes et Bondufle, il remporte la circo. Mais l’équipe de la candidate doute. “Des gens dans les bureaux nous envoient chaque résultat”, explique Elsa Touré, chargée de communication de Farida Amrani. “Tous les bureaux qu’on avait sur Evry, on était soit un tout petit peu en dessous, de quelques voix seulement, soit largement au-dessus”. Le directeur de campagne de Farida Amrani, Bruno Piriou se lève de la table où il est alors assis. “Nous n’avons aucune confiance en ce candidat. Nous allons tous à la mairie d’Evry !” Le mouvement est soudain. La candidate saute dans une voiture et démarre. Ulysse Rabaté, son candidat suppléant, la suite dans une autre quelques minutes plus tard. Assis sur le siège passager, il passe coup de fil sur coup de fil et allume la radio pour suivre la situation en direct.

Au même moment, dans le hall de la mairie d’Evry, un groupe de soutiens de Farida Amrani crie à la fraude alors que l’ancien ministre de l’Intérieur proclame sa victoire devant une nuée de caméras et appareils photos. La police municipale débarque et vire sans ménagement un premier militant. Puis un vif mouvement éclate dans la foule. Quatre agents en ressortent avec un homme qu’ils ont empoigné par un membre chacun et jeté brutalement dehors.

Je suis Ulysse Rabaté, élu à Corbeil-Essonnes et candidat suppléant, laissez-moi entrer”

Dans la voiture qui arrive à Evry, le conducteur s’inquiète. “Qu’il y ait de la frustration et de la colère, c’est normal mais faut faire attention”. Un camion de police passe à toute vitesse, tous gyrophares allumés. “Ils ont envoyé la police. C’est pour nous”, se crispe Ulysse Rabaté. Son chauffeur improvisé le dépose sur la grande place devant la mairie. Le suppléant avance d’un pas décidé et finit de traverser l’esplanade au pas de course en entendant l’agitation, devant le bâtiment.

C’est ça la démocratie ?”, s’indigne l’homme qui vient d’être éjecté, bloqué devant le bâtiment par un cordon de policiers municipaux. La situation est tendue et quelque peu confuse. “Je suis Ulysse Rabaté, élu à Corbeil et candidat suppléant, vous me laissez entrer !” s’indigne le binôme de Farida Amrani lorsqu’il est lui aussi refoulé. Lui et la directrice de campagne devront négocier longuement pour pénétrer dans la mairie.

“Il va être difficile de constater la victoire de l’ex ministre. Nous, on revendique la victoire, ce soir”, Farida Amrani

“Un 49-3 électoral, ce n’est pas possible“, déclare Farida Amrani, vingt minutes plus tard, devant la presse massée dans le hall. Elle a la voix posée et presque difficile à entendre au milieu du brouhaha. “Dans les bureaux où il n’y avait pas d’assesseurs, parce que nous n’avions pas assez de militants, comme par hasard, il y a une marge énorme. (…) Il va être difficile de constater la victoire de l’ex-ministre. Nous, on revendique la victoire, ce soir. On déposera un recours dès demain matin à la première heure”.

À l’extérieur de la mairie, le directeur de la communication de Farida Amrani, Mohamed El Yattioui, enfonce le clou. “À la mairie, on nous a dit “les bulletins ont été déchirés, c’est la procédure”. ” On” c’est M. Pradier, responsable des élections à Evry, précise Elsa Touré. Une procédure légale une fois les bulletins comptés mais qui pose question ici : l’équipe de Farida Amrani a indiqué n’avoir signé aucun des procès-verbaux de la ville d’Evry.

Sur les quatre bureaux où nous n’avions pas d’assesseur à Evry, Manuel Valls fait une grosse différence de voix, alors que sur tout le reste de la ville, non”, indique Elsa Touré. “Nous avons eu du mal à trouver des assesseurs, nous ne sommes pas des professionnels de la politique comme l’est Manuel Valls, explique le directeur de la communication de Farida Amrani, Mohamed El Yattioui. Nous ne sommes pas les seuls, des bureaux de vote n’ont pas pu ouvrir comme à Bondy faute d’assesseurs. Certains se sont manifestés vendredi mais c’était trop tard, les listes étaient déjà faites”. Et de poursuivre : “Nous avons remarqué que des proches de Manuel Valls collaient des affiches à Corbeil samedi matin pendant la période de réserve électorale. Nous avons pris des photos. Nos suspicions étaient fondées et c’est pour cela que nous avons cherché à nous rapprocher d’Amnesty vendredi pour observer le vote. On ne savait pas vers qui se tourner, mais c’était trop tard”, poursuit le directeur de la communication.

“L’ambiance dans le bureau numéro 6 d’Evry était suspicieuse”

Au bureau de vote numéro 6 à Evry, par exemple, un monsieur qui a fait toute la campagne de Manuel Valls, se trouvait là alors qu’il n’avait rien à y faire. Quand je lui ai demandé pour quelles raisons il se trouvait ici, il est parti se réfugier au fond du bureau de vote avec la présidente du bureau. Quand j’ai voulu regarder le cahier d’émergement, la femme qui le tenait l’a refermé brusquement. Nous avons également demandé qui était le suppléant assesseur, personne n’a su répondre. L’ambiance dans ce bureau était suspicieuse”, rapporte Mohamed El Yattioui. S’agissant du comptage des voix de ce bureau numéro 6, “il y a eu 453 votants. Sur les 4 tables de 100 bulletins dépouillés, le ratio était identique au reste des bureaux. Mais sur la cinquantaine de bulletins restants, le ratio devient favorable à Manuel Valls de beaucoup, un ratio 65/35. 

De son côté, l’équipe de campagne de Manuel Valls balaye ces accusations d’un revers de la main. “Il y a des voies légales de contestation si [Farida Amrani] estime qu’il y a eu des irrégularités. Nous sommes tranquilles là-dessus”, affirme Mehdi Zeghouf. Nous avons justement pris le temps de vérifier bureau par bureau avant d’annoncer le résultat. Nous la mettons au défi d’apporter la moindre preuve d’un seul problème entachant la régularité du scrutin. La préfecture a revérifié les voix une par une sur chacun des bureaux. Nous la laissons donc à ses affirmations fantaisistes et dangereuses pour la démocratie”.

“On vérifie les procès-verbaux et les cahiers d’émargement de l’ensemble des bureaux de vote de la ville d’Evry”

Ce lundi matin, Farida Amrani et son équipe se sont rendus en préfecture. “Nous n’avons aucune confiance dans les résultats du comptage à Evry hier. On vérifie en ce moment les procès-verbaux et les cahiers d’émargement de l’ensemble des bureaux de vote de la ville d’Evry”, nous indique ce lundi matin Mohamed El Yattioui. “On a de la matière, on est serein”. Mohamed El Yattioui annonce qu’ils feront un recours devant le Conseil constitutionnel pour demander l’annulation de l’élection. En 2012, le Conseil constitutionnel avait été saisi de 108 requêtes. Il avait au final annulé sept élections.

En attendant les suites de la contestation, le recours n’étant pas suspensif, Manuel Valls, proclamé élu par le ministère de l’Intérieur, siégera bien à l’Assemblée nationale le 27 juin.

Alban ELKAÏM