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Quel avenir pour La France insoumise ?

France-Insoumise

Lien publiée le 27 juin 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/06/26/31001-20170626ARTFIG00188-legislatives-quel-avenir-pour-la-france-insoumise.php

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le parti de Jean-Luc Mélenchon a obtenu 17 sièges à l'Assemblée nationale. Pour Thomas Guénolé, malgré ce faible score, « La France insoumise est la première force politique de gauche aujourd'hui en France ».


Thomas Guénolé est politologue, maître de conférences à Sciences Po et docteur en Science politique (CEVIPOF). Il est l'auteur de Les jeunes de banlieue mangent-ils les enfants? (éd. Le bord de l'eau, 2015) et La mondialisation malheureuse (éd. First, 2016).


FIGAROVOX.- Entre la présidentielle et les législatives, le pourcentage de voix de La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon a fondu de 20% à 11%. Son refus d'appeler à voter Macron au second tour de la présidentielle, et sa polémique avec Bernard Cazeneuve sur l'homicide du manifestant Rémi Fraisse, expliquent-ils cette baisse?

Thomas GUÉNOLÉ.- Un certain nombre d'analystes et de journalistes politiques soutiennent cette thèse. Mais c'est un cas typique de surinterprétation des faits: car ceux qui donnent cette explication n'ont rien d'autre à avancer que leur intime conviction. En réalité, par rapport à la présidentielle, tous les blocs politiques ont perdu des voix aux législatives. Mais certains ont baissé encore plus fortement que d'autres, parmi lesquels La France insoumise. Pour autant, en réalité les Insoumis ne sont pas passés de 20 à 11% des suffrages exprimés: Jean-Luc Mélenchon ayant été soutenu à la présidentielle à la fois par LFI et par le PCF, il faut additionner leurs suffrages aux législatives pour comparer ce qui est comparable. On obtient alors une baisse de 20 à 14% des voix, et non pas de 20 à 11.

Or, les enquêtes post-électorales indiquent qu'un quart des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle n'ont pas voté pour lui par adhésion: c'était un «vote utile» de gauche, après avoir vu Benoît Hamon s'écrouler dans les sondages. La présidentielle une fois passée, La France insoumise a donc perdu immédiatement ce quart de voix. Ajoutez à cela que les jeunes et les plus pauvres, qui étaient surreprésentés dans le vote Mélenchon au premier tour de la présidentielle, ont tendance à s'abstenir davantage que la moyenne aux élections législatives. Vous obtenez ainsi des causes tangibles, étayées, et sans surinterprétation infondée, pour expliquer l'hémorragie électorale du bloc mélenchoniste.

La France insoumise obtient à peine plus de députés que le PCF: 17 contre 10. Et beaucoup moins que le PS, qui en a 46. Jean-Luc Mélenchon n'a-t-il pas échoué à s'imposer comme la grande force de gauche à l'Assemblée?

Non, car La France insoumise est objectivement devenue la principale force de gauche en France: aux législatives, elle a battu une nouvelle fois le PS en total des suffrages exprimés. Seul le mode de scrutin, qui produit une répartition des sièges déconnectée du rapport de force réel entre les offres politiques, explique que le PS ait davantage de députés que LFI.

Par ailleurs, l'écartèlement du PS n'est pas encore terminé. Ce parti va avoir immédiatement un problème profond de positionnement idéologique. Deux questions fondamentales structurent en effet la vie politique française: d'une part le rapport à la mondialisation ; d'autre part le rapport aux minorités, LGBT et maghrébine notamment. Entre le bloc macroniste, le PS et LFI, il n'y a pas de différences sur la seconde question: ces trois forces sont anti-discriminations et anti-xénophobie. En revanche, sur la première question, le groupe des députés PS sera très vite fracturé entre les élus pro-mondialisation, qui vont être de facto sur la ligne Macron, et les élus altermondialistes, qui vont être de facto sur la ligne Mélenchon.

Concernant le PCF, il faut garder à l'esprit que cette formation réclamait à La France insoumise un accord d'alliance avec une répartition à 50/50 des circonscriptions gagnables. Dans l'Assemblée finalement élue, sur leur total de 27 députés, les Insoumis sont 17 et les communistes sont 10: c'est donc une répartition «deux tiers / un tiers», au lieu de 50/50. Autrement dit, même si la division de leur offre a vraisemblablement coûté un certain nombre de sièges aux forces de la gauche antisystème, La France insoumise a gagné son rapport de force avec le PCF. Elle a également gagné son rapport de force avec les Verts, puisqu'ils réclamaient eux aussi à La France insoumise un accord d'alliance généreux envers eux, mais ont fini avec un seul député.

De surcroît LFI obtient un groupe parlementaire à l'Assemblée, ce qui lui donne accès à un certain nombre de moyens institutionnels d'opposition au gouvernement. Et surtout, surtout, puisque les voix obtenues aux deux tours des élections législatives servent de base de calcul aux subventions publiques annuelles touchées par les partis politiques, La France insoumise obtient des moyens financiers significativement plus élevés que le budget de sa campagne présidentielle.

Quelle va être à présent la stratégie de La France insoumise?

L'axe de combat politique le plus évident, et qui a déjà été annoncé par Jean-Luc Mélenchon au soir du second tour des législatives, c'est le «front social»: c'est-à-dire organiser, sur le terrain et dans le débat public, la résistance de forces politiques et syndicales face à la grande réforme du Code du travail annoncée par Emmanuel Macron. Si La France insoumise parvient à exprimer cette résistance sur le terrain politique et à lui consacrer sa force de frappe sur les réseaux sociaux, et si en parallèle des grands syndicats réussissent la mobilisation manifestante à partir de premiers blocages déclenchés sur le terrain par des avant-gardes bien syndiquées, alors trois scénarios sont envisageables.

Dans le scénario bas, la mobilisation ne parvient pas à déclencher un front social massif: La France insoumise devra digérer un échec politique cuisant. Dans le scénario médian, la mobilisation politico-syndicale accouchera, comme pour la Loi Travail, de grandes manifestations et de premiers mouvements durs de grèves et de blocages, mais le gouvernement et la police réagissant eux aussi de façon dure, le mouvement s'essoufflera au bout de quelques semaines: ce sera donc un semi-échec, car d'un côté le front social aura perdu mais de l'autre côté, LFI aura pris de facto le leadership complet de l'opposition de gauche à Emmanuel Macron. Enfin, dans le scénario maximal, la mobilisation ira jusqu'à provoquer la redite de la configuration de 1995: à l'époque l'ampleur des grèves, des pénuries et des blocages avait paralysé progressivement le fonctionnement du pays jusqu'à conduire le gouvernement Juppé à céder.

Les rapports entre Jean-Luc Mélenchon et les médias sont devenus de plus en plus orageux ces dernières semaines. Comment cette situation peut-elle évoluer?

D'un côté, la campagne des élections législatives a vu la montée en flèche du taux de contenus médiatiques négatifs consacrés à Jean-Luc Mélenchon: plus de 40% durant le mois de mai, au lieu de grosso modo 30 dans les derniers mois de la campagne présidentielle ; et même plus de 60% à la toute fin du mois de mai. De l'autre côté, la chaîne YouTube de Jean-Luc Mélenchon a répétitivement atteint des audiences comparables à celles de grandes chaînes télévisées d'information. Et sur la façon de filmer, de monter et de mettre en scène les contenus, elle a rejoint le niveau de qualité d'une chaîne TV. Il serait donc logique que La France insoumise aille au bout de sa stratégie de contournement des médias mainstream, en créant sur Internet un vrai grand média de gauche antisystème.