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    Quand la police refuse l’accouchement à une femme… migrante

    immigration

    Lien publiée le 13 mars 2018

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    https://reporterre.net/Quand-la-police-refuse-l-accouchement-a-une-femme-migrante

    Dans les Alpes, les réfugiés arrivant d’Italie bravent le froid et la neige. L’auteur de cette tribune raconte sa maraude de la soirée de samedi dernier. Venant en aide à une famille de migrants, il a vu sa voiture immobilisée par les douanes alors que la mère était sur le point d’accoucher.

    Benoit Ducos se présente comme « un maraudeur en infraction ». Chaque soir depuis le début de l’hiver, des maraudes se déroulent aux cols de Montgenèvre et de l’Échelle (elles sont à l’arrêt pour ce dernier col, les conditions de passage étant trop dangereuses), à la frontière italienne. Elles sont effectuées par des bénévoles des associations Tous migrants et Refuges solidaires, à Briançon. Selon l’état de santé des migrants qu’ils croisent, les bénévoles les accompagnent à Briançon où ils sont hébergés quelques jours avant de reprendre leur voyage.


    - Samedi 10 mars 2018, Montgenèvre (Hautes-Alpes), aux alentours de 21 h.

    Une maraude ordinaire comme il s’en passe tous les jours depuis le début de l’hiver. Au pied de l’obélisque Napoléon de Montgenèvre, une famille de réfugiés marche dans le froid. La mère est enceinte. Elle est accompagnée de son mari et de ses deux enfants (2 et 4 ans). Ils viennent tout juste de traverser la frontière, les valises dans une main, les enfants dans l’autre, à travers la tempête. Nous sommes deux maraudeurs à les trouver, à les trouver là, désemparés, frigorifiés. La mère est complètement sous le choc, épuisée, elle ne peut plus mettre un pied devant l’autre. Nos thermos de thé chaud et nos couvertures ne suffisent en rien à faire face à la situation de détresse dans laquelle ils se trouvent. En discutant, on apprend que la maman est enceinte de 8 mois et demi. C’est l’alarme, je décide de prendre notre véhicule pour l’emmener au plus vite à l’hôpital. Dans la voiture, tout se déclenche. À notre arrivée au niveau de la Vachette (à 4 km de Briançon), elle se tord dans tous les sens sur le siège avant. Les contractions sont bien là… c’est l’urgence. J’accélère à toute berzingue. C’est la panique à bord. Lancé à 90 km/h, j’arrive à l’entrée de Briançon… et là, barrage de douane.

    Il est 22 h. « Bon sang, c’est pas possible, merde, les flics ! » Herse au milieu de la route, ils sont une dizaine à nous arrêter. Commence alors un long contrôle de police. « Qu’est ce que vous faites là ? Qui sont les gens dans la voiture ? Présentez-nous vos papiers ? Où est-ce que vous avez trouvé ces migrants ? Vous savez qu’ils sont en situation irrégulière !? Vous êtes en infraction !!! »… Un truc devenu habituel dans le Briançonnais. Je les presse de me laisser l’emmener à l’hôpital dans l’urgence la plus totale. Refus ! Une douanière me lance tout d’abord : « Comment vous savez qu’elle est enceinte de 8 mois et demi ? » Puis, elle me stipule que je n’ai jamais accouché, et que par conséquent je suis incapable de juger de l’urgence ou non de la situation. Cela m’exaspère, je lui rétorque que je suis pisteur secouriste et que je suis à même d’évaluer une situation d’urgence. Rien à faire, la voiture ne redécollera pas. Ils finissent par appeler les pompiers. Ces derniers mettent plus d’une heure à arriver. On est à 500 mètres de l’hôpital. La maman continue de se tordre sur le siège passager, les enfants pleurent sur la banquette arrière. J’en peux plus. Une situation absurde de plus.

     Dans la nuit, la famille est à nouveau réunie

    Il est 23 h passés, les pompiers sont là… ils emmènent après plus d’une heure de supplice la maman à l’hosto. Les enfants, le père et moi-même sommes conduits au poste de police de Briançon à quelques centaines de mètres de là. Fouille du véhicule, de mes affaires personnelles, contrôle de mon identité, questions diverses et variées, on me remet une convocation pour mercredi prochain à la Police aux frontières (PAF) de Montgenèvre. C’est à ce moment qu’on m’explique que les douaniers étaient là pour arrêter des passeurs. Le père et les deux petits sont quant à eux expulsés vers l’Italie [1]. Pendant ce temps-là, le premier bébé des maraudes vient de naître à Briançon. C’est un petit garçon, né par césarienne. Il est séparé de son père et de ses frères ; l’hôpital somme la PAF de les faire revenir pour être aux côtés de la maman. Les flics finissent par obtempérer. Dans la nuit, la famille est à nouveau réunie.

    La capacité des douaniers à évaluer une situation de détresse nous laisse perplexes et confirme l’incapacité de l’État à comprendre le drame qui se trame à nos maudites frontières. Quant à nous, cela nous renforce dans la légitimité et la nécessité de continuer à marauder… toutes les nuits.

    Le col de l’Échelle mi-décembre 2017.


    • Rendez-vous est donné mercredi 14 mars, à 9 h, devant les locaux de la Police aux frontières de Montgenèvre pour soutenir Benoit Ducos lors de sa convocation.

    COMPLÉMENT D’INFO

    La « cordée solidaire », mi-décembre 2017.

    Écouter le reportage radio de Pierre Isnard-Dupuy « À Névache, “cordée solidaire” avec les migrants ». Organisée mi-décembre 2017, cette « cordée solidaire » avait pour objectif d’alerter sur les risques que prennent les migrants en franchissant la frontière alpine.

    [1] La préfecture a contesté cette expulsion.