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Aucun fiché d’ultradroite ou d’ultragauche chez les manifestants gardés à vue
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Les interpellés de samedi ont entre 20 et 30 ans, sont des ouvriers, mécaniciens, cuisiniers, courtier en assurances ou conseiller financier. Mais aucun d'eux ne fait partie de mouvements extrémistes, de droite comme de gauche.
Aucun des gardés à vue arrêtés ce week-end à Paris lors de la fronde des «gilets jaunes» n'était fiché, que ce soit à l'ultragauche ou à l'ultradroite. L'ordre public décidément n'est pas une partie de poker. Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, avait cru voir la main de l'extrême droite derrière ce mouvement. Son collègue Gérald Darmanin avait même parlé de «peste brune».
Des images ont bien montré des drapeaux aux insignes royalistes durant la manifestation. Et certains groupes d'extrême droite avaient effectivement appelé à manifester, comme Génération identitaire. Mais il faut croire que la police n'a pas arrêté les bons. Car le profil qui émerge de ces journées parisiennes très agitées, à la suite des interpellations, navigue aux antipodes des assertions de l'exécutif.
Les 101 gardes à vue réalisées juste après l'événement concernent une large majorité de suiveurs, souvent des provinciaux sans antécédents judiciaires. Une vingtaine d'entre eux a défilé, lundi, en comparution immédiate, devant plusieurs chambres correctionnelles mobilisées à cet effet au TGI de Paris. Leurs parcours sont divers: Anthony C., 25 ans, ressemble au comédien Pierre Niney et apprend à conduire des autobus ; Loïc A., 40 ans, habite à Fresnes, ce qui est commode car il est surveillant de prison et voulait «manifester contre la dégradation du service public», curieusement muni d'un marteau.
Tony C., 29 ans, suit une formation pour ouvrir son cabinet de courtier en assurances, paisible activité pour laquelle il n'aura plus besoin de bombe lacrymogène ni de poing américain. «C'était pour me défendre des casseurs», justifie-t-il. Peu ou pas de mentions aux casiers judiciaires, sinon pour des délits mineurs. Ainsi Y., 27 ans, qui élève seule son petit garçon de 4 ans, fut-elle jadis condamnée à 15 jours de prison avec sursis pour conduite sans permis. Elle aurait notamment jeté de la peinture noire sur les forces de l'ordre. La plupart demandent un renvoi de leur dossier, qui reviendra en janvier. Ils sont placés sous contrôle judiciaire.
Un prévenu tranche dans cette galerie de gens modestes. Appelons-le Théo. Né en 1992, ce Haut-Savoyard est père de famille, titulaire d'un brevet des collèges et possède un Opinel dont il ne se sépare jamais - mauvaise idée quand on enfile un gilet jaune. Il est aujourd'hui «conseiller financier en Suisse» et touche environ 8000 euros par mois. «Je n'étais pas là pour casser du policier, je voulais simplement manifester mon mécontentement», explique-t-il à la présidente. Il a été condamné lundi soir à trois mois de prison avec sursis pour détention d'arme.
Les quelques meneurs interpellés ont plutôt le profil de ces gauchistes qui écument les rassemblements parisiens pour en découdre avec la police. Plusieurs tags et slogans laissés le long du parcours font d'ailleurs référence à l'ultragauche, notamment des logos anarchistes. Il faut cependant se rendre à l'évidence: la plupart de ces casseurs d'un jour sont en fait des coléreux ordinaires enhardis par l'anonymat de l'action collective.
Ils sont ouvriers, mécaniciens, cuisiniers, charpentiers, maraîchers, plombiers, âgés pour beaucoup entre 20 et 30 ans. Seulement sept mineurs ont été placés en garde à vue samedi. Trois interpellations de porteurs de gilets fluo ont également eu lieu dimanche en lien avec le mouvement de protestation. Parmi ces trois suspects placés en garde à vue figurent deux mineurs isolés marocains.
Que les trublions de samedi soient des novices n'enlève rien à la gravité des faits commis ce jour-là: 31 blessés dont sept parmi les forces de l'ordre. Et les dégâts causés par les casseurs se chiffrent en millions d'euros, avec une voiture, sept grues et chariots élévateurs incendiés, mais aussi 30 scooters, vélos et trottinettes en libre-service détruits. On ne compte pas non plus le mobilier urbain et les caméras de rue dégradées, sans parler des magasins. Une bijouterie Dior du VIIIe arrondissement déclare un demi-million d'euros de vols de bijoux et un million d'euros supplémentaires pour la casse.