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Interpellations à Mantes-la-Jolie : «Jamais on n’aurait fait ça dans le VIIIe arrondissement de Paris»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La scène montrant des dizaines de lycéens à genoux, les mains derrière la tête, continue à susciter émoi et colère dans la ville des Yvelines
C’est une petite cour banale derrière un pavillon de banlieue aux volets tirés. A quelques mètres seulement de la maison des associations et du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie (Yvelines), où étudient quelque 1 400 élèves. Qui pourrait deviner, sous cette pluie battante, la scène glaçante qui s’est jouée là hier ? Sur la terre imbibée d’eau, seuls quelques débris de bombes lacrymogènes font office d’indices, entre un tuyau d’arrosage et des chaises de jardin renversées. Jeudi à la mi-journée, c’est ici que 151 jeunes, âgés de 12 à 20 ans, ont été interpellés en marge de nouveaux incidents survenus aux abords des lycées Saint-Exupéry et Jean-Rostand. En attendant de les conduire dans divers commissariats du département, les forces de l'ordre en tenue anti-émeutes ont contraint les élèves à se mettre à genoux, les mains derrière la tête ou entravées dans le dos avec des rilsans. Certains le visage face au mur, dans un silence absolu. Seule une voix, probablement celle d’un policier, se fait entendre : «Voilà, une classe qui se tient sage !»
La scène, filmée et amplement relayée sur les réseaux sociaux, fait depuis scandale. A gauche, de nombreux politiques se sont indignés de ce traitement jugé humiliant. Un des principaux syndicats lycéens, l’UNL, a annoncé déposer plainte, tandis que le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a annoncé ouvrir une enquête pour déterminer «les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces interpellations de lycéens». Reconnaissant que ces images puissent être «choquantes», le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a néanmoins invoqué «un climat de violence exceptionnel», quand le ministre de l’Intérieur, lui, a justifié ces interpellations massives par la nature de ces «véritables violences urbaines».
Vendredi à Mantes-la-Jolie. Photo Corentin Fohlen
«La position dans laquelle ils les ont mis, on dirait Daech»
«Je sais même pas pourquoi ils nous ont arrêtés. Ils nous ont traité comme des chiens», lâche Ayoub, 15 ans, à l’abri dans la voiture de son frère sur le parking face à «Saint-Ex». C’est la première fois que cet élève en «Dima» (dispositif d’initiation aux métiers en alternance) à Jean-Rostand a maille avec la police. Il dit être resté les mains derrière la nuque, environ «une demi-heure, 45 minutes». «Quand on les baissait, ils nous mettaient un petit coup derrière la tête. Certains à côté de moi pleuraient», assure le jeune garçon en jogging gris clair. Comme beaucoup de ses camarades, ce mineur est sorti du commissariat de Versailles, jeudi soir, avec un rappel à la loi. C’est sa mère qui est venue le récupérer : «Je suis puni de sortie, lâche-t-il dépité. Elle a cru les forces de l’ordre. Aujourd’hui, j’ai la haine contre eux.» «Franchement, la position dans laquelle ils les ont mis, on dirait Daech», lâche son pote à l’arrière de la voiture.
Nadir, 36 ans, a tout vu depuis son snack. Les lycéens, il les connaît bien : ils viennent manger chez lui tous les jours. « C’est normal qu’il y ait des interpellations, mais… il y a des façons de faire. Ce n'est pas normal», estime celui qui était intervenu quelques heures plus tôt pour éteindre le début d’incendie d’une voiture. «Ça fait trois jours que ça montait, j’espère que ça va se calmer», dit-il. A quelques centaines de mètres de son fast-food, on aperçoit la carcasse d’un véhicule carbonisé.
Croisée sur le parking face au lycée, une mère dont le fils de 16 ans est scolarisé à Jean-Rostand était présente, ce vendredi matin, pour le rassemblement organisé entre parents d’élèves interpellés, professeurs et responsables associatifs. «Il fallait faire un exemple. La violence que ces mômes se prennent… jamais on n’aurait fait ça dans le VIIIe arrondissement de Paris», estime Yessa, qui ne décolère pas. «En tant qu’habitants des quartiers populaires, on sait que la police réprime de manière différente. Ces gamins on été traités de cette manière parce que nous sommes à Mantes-la-Jolie.» Vendredi en fin de journée, le parquet de Versailles a indiqué que toutes les gardes-à-vue avaient été levées, mais que certains lycéens avaient été déferrés.
Photo Corentin Fohlen