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Qui meurt au Travail ?
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://www.anti-k.org/2019/04/29/qui-meurt-au-travail-aujourdhui/
L’Humanité, 29 avril 2019
Routiers, électriciens, intérimaires, ouvriers du bâtiment et des travaux publics restent les plus touchés par des accidents mortels.
L’Assurance-maladie affiche un nombre de 550 décès liés au travail en 2017, derniers chiffres en date. Mais en y ajoutant les accidents de trajet – considérés comme accidents de travail – et les morts de maladies professionnelles, on arrive à un total de 1 100 décès. Un chiffre très probablement sous-estimé, quand on sait que nombre de ces drames, notamment des suicides professionnels, passent sous les radars (lire notre article page 4). Toujours en tête des secteurs les plus mortels, les transports et acheminement de l’eau, du gaz et de l’électricité ont enregistré 121 accidents fatals, quasiment à égalité avec le bâtiment et les travaux publics (BTP) (120). Plus surprenant au premier abord, c’est la catégorie services 2, qui arrive en troisième position avec 80 décès, loin devant la métallurgie (48). Mais en y regardant de plus près, on se rend compte que cette catégorie services 2 englobe le travail intérimaire avec le secteur médico-social et le nettoyage. Dans le détail, les activités des agences de travail temporaire ont compté 45 décès en 2017. Parmi ces 45 décès, on peut imaginer que certains ont eu lieu dans des industries rattachées à d’autres catégories, comme la métallurgie ou le BTP. En outre, c’est la catégorie services 2 qui compte le plus grand nombre d’accidents de trajet mortels : 58, dont 25 pour les seuls intérimaires.
« Un patron avait codé un suicide en chute de hauteur »
Les statistiques fournies par la Sécurité sociale sont bien plus lacunaires sur les situations de travail ayant amené à ces décès. Les manutentions manuelles sont en tête des causes létales (26 %), devant les risques routiers (24 %), un agglomérat flou d’« autres risques » (20 %) – dont une porte-parole de l’Assurance-maladie elle-même admet ne pas connaître le contenu – et les chutes de hauteur (16 %). Nulle part n’apparaissent les suicides, ni des éléments structurels tels que le sous-effectif ou l’organisation du travail. « Les statistiques sont faites exclusivement à partir des déclarations des patrons et ne ciblent que les éléments matériels. C’est donc le potentiellement coupable qui déclare, ne remplit pas les cases car il n’y a pas de sanction, interprète comme il veut. Il n’y a aucune forme de correction, même de la part des Carsat, qui ont un pouvoir d’enquête qu’ils utilisent de moins en moins. Le ministère du Travail, lui, n’a pas vocation à centraliser et à tirer des enseignements généraux », regrette Philippe Saunier, membre CGT d’un comité technique de la Sécurité sociale. Les causes profondes ayant amené à ces accidents de travail que peuvent ainsi révéler les agents de la Carsat, de l’inspection du travail, des enquêtes CHSCT ou des commissions SSCT qui les remplacent ne sont pas prises en compte. Pour le syndicaliste, les formulaires Cerfa, remplis par les employeurs en cas d’accidents mortels, sont clairement incomplets…, voire mensongers : « On a eu l’exemple d’un patron qui avait codé un suicide en chute de hauteur », cite-t-il, à titre d’exemple.
Pour ce qui est des décès liés aux maladies professionnelles, si la plupart de ces phénomènes (195 sur 336) ont été imputés au « compte spécial » de la branche AT/MP de la Sécurité sociale – donc pas attribués à un employeur en particulier, c’est la métallurgie qui pointe à la première place avec 54 décès. Le BTP se classe deuxième avec 37 morts, devant la chimie/caoutchouc/plasturgie (17). En grande partie responsables de ces décès, les cancers professionnels reconnus étaient liés, en 2017, à 77 %, à l’exposition à l’amiante.
Mais, dans le cas des maladies professionnelles également, les syndicats dénoncent une sous-estimation massive, liée à la difficulté de faire reconnaître de nombreuses affections comme telles. En 2017, seules 40 % environ des demandes de classement hors tableaux de pathologies en maladies professionnelles ont été acceptées par l’ensemble des experts des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles.