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Thomas de Ricolfis : «En cinq ans, la criminalité financière a augmenté de 20%»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Commissaire divisionnaire, Thomas de Ricolfis prend la tête ce lundi d'une nouvelle sous-direction de la police judiciaire exclusivement consacrée à la lutte contre la criminalité financière (SLDCF). L'entité regroupe notamment les enquêteurs de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) et de l'Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). Cette force de frappe doit permettre de développer un suivi unique dans le traitement des dossiers sur l'ensemble du territoire.
Pourquoi créer une sous-direction spécifique au sein de la direction centrale de la PJ ?
THOMAS DE RICOLFIS. Il faut revenir aux origines, c'est-à-dire au choc qu'a constitué en 2013 l'affaire Cahuzac (NDLR : du nom de l'ex ministre du Budget condamné pour fraude fiscale). Dès lors, l'arsenal répressif se renforce. Le Parquet national financier est créé l'année suivante. Cela a formé un cercle vertueux mais aussi une inflation d'affaires. Aujourd'hui les dossiers s'accumulent dans les offices spécialisés et atteignent près de 300 à ce jour pour le seul Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Entre 2013 et 2018, la criminalité financière a augmenté de 20 % pour atteindre près de 409 000 faits. De plus, lors de l'affaire Fillon et celle des assistants parlementaires du Front national, le service a été attaqué. Cela a créé un vrai malaise en interne et une prise de conscience des autorités. Il fallait une meilleure reconnaissance de notre spécialité. Cette nouvelle sous-direction illustre la détermination de l'Etat en la matière.
Quels seront les avantages d'une telle structure ?
Raccourcir les délais de traitement des dossiers financiers, souvent critiqués pour leur lenteur. Il s'agit aussi de créer une filière d'excellence pour l'investigation financière, dont les enquêteurs sont répartis sur tout le territoire. Nous devons devenir un référent national en la matière. À terme, les effectifs atteindront de 250 à 260 personnes. L'année prochaine, la sous-direction sera organisée selon quatre grandes thématiques : fraude fiscale, lutte anticorruption, lutte contre le blanchiment et la plateforme de saisie des avoirs criminels.
Quel profil allez-vous recruter ?
Disposer d'une formation juridique ou de comptabilité constitue évidemment un plus. Mais il faut avant tout avoir l'esprit policier, c'est-à-dire l'envie d'aller au-delà des apparences. Ces dossiers hors normes, qui se gèrent comme des parties d'échecs, nous confèrent de grandes responsabilités. Par notre travail, nous sommes au cœur du fonctionnement de l'Etat.
Comment résister aux pressions ?
Quelle que soit l'option choisie, elle prêtera à la critique. D'ailleurs chaque choix est critiquable et, dans une démocratie, il est légitime qu'il le soit. Pour se détacher de la pression, il faut se concentrer sur la technicité des dossiers. Rester aussi calme et serein que le légiste examinant un corps. Surtout ne partir d'aucun jugement préconçu. Nous ne sommes pas des chevaliers blancs, pas des redresseurs de torts non plus. La stratégie s'élabore de conserve avec l'autorité judiciaire.
Les dossiers semblent plus techniques aujourd'hui que dans les années 1990…
Le recours à des montages complexes n'est pas nouveau. Dans l'affaire Elf, qui remonte aux années 1990-2000, nous avions déjà affaire à de tels schémas, impliquant le recours à des sociétés off-shore. La nouveauté de ces dernières années est l'éloignement. La coopération européenne s'améliorant, les délinquants en col blanc misent en effet sur des paradis fiscaux situés en Asie du Sud Est et dans le Golfe persique notamment. Les affaires ne sont pas forcément plus complexes. Mais elles sont assurément plus retentissantes. Pour les mener à bien, la loi nous donne l'autorisation de recourir à des techniques d'enquête offensives, qu'il s'agisse de perquisitions simultanées, de sonorisations, voire d'infiltration.
Bercy a créé sa propre police fiscale ? Comment gérer cette concurrence ?
En la matière, il ne saurait y avoir de concurrence. Bercy aura son service fiscal judiciaire. Mais les deux ministères vont rechercher la complémentarité. Si les compétences sont identiques, la direction centrale de la police judiciaire va se spécialiser dans la lutte contre la fraude fiscale complexe.