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Résultats du bac : «Après coup, je me suis dit : ce n’est pas vrai, on n’a pas fait ça»
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Un chef d'établissement dans l'académie de Créteil raconte son état de stress, jeudi, et cette prise de conscience, «après coup», d'avoir obéi à un ordre peut-être illégal.
Un proviseur, en poste dans l’académie de Créteil, raconte à Libération sa folle journée de jeudi pour être en mesure de publier les résultats du bac ce vendredi. Tenu au devoir de réserve, il s’exprime sous anonymat… et s’interroge.
«Depuis le premier jour des épreuves, je suis dans un état d’hyperstress. Mon travail, c’est de tout faire pour que mon établissement fonctionne. De rassurer les élèves, leurs parents. Je dois tout faire pour que ça tourne, quoi que je puisse penser de la réforme et des revendications des professeurs.
«Cet état de stress a atteint son paroxysme jeudi. La situation était extrêmement compliquée. On a appris par la presse que le ministre nous demandait d’utiliser la moyenne de l’année pour les copies sans note. Dans mon lycée, j’avais quatre jurys, tous ont accepté de délibérer dans ces conditions, c’était déjà ça… Mais encore fallait-il qu’ils aient les notes du contrôle continu ! Or une partie des professeurs grévistes n’avaient pas rempli les livrets scolaires… On s’est retrouvé à devoir appeler un à un les lycées d’où venaient les candidats pour récupérer les bulletins des trois trimestres et calculer les moyennes. Je vous laisse imaginer le travail… D’autant que ce n’était pas limité à un ou deux élèves ! En réalité, le problème concernait beaucoup plus que les seules copies manquantes. C’est un peu technique : sur chaque bordereau figurent les notes de plusieurs correcteurs. Si l’un d’eux est gréviste, c’est tout le paquet correspondant au bordereau qui se retrouve sans note.
«J’ai donc passé ma journée à chercher des notes. Je ne sais pas comment, mais on a réussi. Dans mon lycée, les jurys ont pu délibérer. J’ai tout donné, sans réfléchir. "Sans réfléchir", c’est vraiment ça. Ce n’est que le soir, en rentrant chez moi que j’ai commencé à réaliser ce que je venais de faire. Depuis, je me refais le film de la journée, je prends conscience. On est face à un réel problème démocratique : un ministre, sans aucune concertation, a décidé seul de changer les règles. En tant que fonctionnaire, je dois obéir aux ordres, sauf quand l’ordre est manifestement illégal. Or la question se pose : changer le fonctionnement du bac en cours de route, et appliquer des règles différentes selon les élèves… Est-ce légal ?
«Il était 19h30 quand j’ai réalisé. Je me dis : "Ce n’est pas possible. On n’a pas fait ça." Et en fait, si, on l’a fait. J’étais tellement dans l’action, tellement sous pression. Elle venait de partout : des inspecteurs, des familles, des médias aussi, qui voulaient savoir comment cela se passait dans les lycées… J’ai agi et je n’ai réfléchi qu’après, que maintenant. Je ne sais même pas si tous les autres proviseurs ont eu cette prise de conscience à l’heure qu’il est.
«Je n’ai pas fait n’importe quoi mais pas loin. Le rectorat vient de m’appeler ce vendredi matin, en me demandant d’urgence la liste des candidats recalés qui ont des notes provisoires. Ils peuvent très bien avoir en réalité leur bac la semaine prochaine quand on connaîtra les notes d’examens… Sauf que se pose le problème de Parcoursup : il faut éviter qu’ils soient radiés trop vite ! Cette liste urgente, je ne l’ai pas, c’est un énorme travail. Je ne sais pas comment faire. On va craquer.»