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Pouvons-nous encore nous dire communistes ?
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http://la-sociale.viabloga.com/news/pouvons-nous-encore-nous-dire-communistes
Bien que le mot ait maintenant une très mauvaise réputation et ait été largement discrédité par le « communisme historique du XXe siècle » (pour reprendre l’expression du regretté Costanzo Preve), il est difficile de ne pas définir notre objectif autrement que par le terme de « communisme ». La république sociale, « la sociale », c’est la forme politique du communisme. Ni plus, ni moins. Précisons ce que cela veut dire pour nous, être communistes.
Tout d’abord, le communisme n’est pas un projet, pas une utopie à réaliser sous la direction de géniaux ingénieurs sociaux. Le communisme, c’est le « mouvement réel » comme le disait Marx, le mouvement qui étend sans cesse la coopération entre les hommes et rend chaque jour un peu plus insupportables les carcans de la propriété privée des moyens de production.
Si le salariat est le système dans lequel les travailleurs se font concurrence pour vendre leur force de travail, le mouvement réel qui s’oppose à cette concurrence, qui impose des conventions collectives et des droits sociaux, c’est le communisme. Tout simplement. Le drapeau du communisme, disait Marx, est celui sur lequel est écrit : « de chacun selon ses capacités, à chacun ses besoins. La sécurité sociale, c’est exactement cela, tout comme la protection des plus faibles, le soutien aux handicapés, et à tous ceux qui sont dans le besoin. En rappelant ces revendications des plus démunis, les Gilets jaunes étaient sans le savoir de vrais communistes.
Le communisme, c’est l’idée que « la terre n’appartient qu’aux hommes » et que « l’oisif ira loger ailleurs » : les « tondeurs de coupons », agioteurs et spéculateurs, toute cette racaille bourgeoise n’a rien à faire dans une société communiste. Tout le monde, dans la mesure de ses moyens participe au travail commun. Le communisme, c’est la prééminence du bien commun. Contre l’individualisme égoïste, contre ceux qui affirment qu’il n’y a pas de société (Mrs Thatcher), le communisme défend l’idée que la communauté politique est le premier des biens et le lieu de la vie heureuse. Et de cette communauté dépend l’accès à tous les biens qui font des citoyens des égaux (santé, éducation, culture, sécurité).
Nous devons cependant préciser : pendant des décennies le communisme figurait un ordre si nouveau, une transformation si radicale de la société qu’il pouvait apparaître comme une véritable utopie, et la comparaison avec le « socialisme réellement existant » des pays d’Europe de l’Est, de l’URSS ou de la Chine était particulièrement ravageuse. Il faut résolument et sans regret tourner le dos à toute utopie. Comme les contradictions sociales ne disparaîtront pas demain matin et comme les hommes continueront d’être ce qu’ils sont, avec leurs vices et leurs vertus et comme nous n’avons aucune intention de faire accoucher au forceps d’un « homme nouveau », il faudra maintenir l’État et avec lui un appareil bureaucratique, des forces de répression et quelques autres menus désagréments… Mais l’État communiste doit être le garant des libertés, l’organisation de la protection contre toute domination. Ce devrait donc être une République au sens de la philosophie politique du républicanisme.
Si l’abondance pouvait régner, alors chacun pourrait jouir sans restriction des fruits de la terre et on n’aurait pas besoin d’une « théorie de la justice ». Mais cette abondance, fondée sur le « développement illimité des forces productives » est une pure utopie, produit de l’optimisme bourgeois des siècles précédents. Il faut au contraire admettre que nous vivons durablement dans des sociétés aux ressources et qu’il faudra donc les partager justement et en être économes. Républicain, le communisme devra aussi être soucieux d’écologie, en tant qu’elle définit les conditions qui permettent de garder vivable notre écoumène.
Nous avons également perdu la confiance aveugle dans les bénéfices de la technologie, censée résoudre tous les problèmes qui se poseront à l’humanité. Le développement illimité de la technologie est devenu aussi une menace terrifiante. « L’homme nouveau » pourrait d’incarner dans le post-humain qui n’est ni plus moins que l’extermination de l’humanité ou du moins de cette « humanité surnuméraire » aux yeux de ceux qui d’ores et déjà pensent comme des machines.
Au total, nous n’avons pas moins de raisons, mais plus de raisons qu’à l’époque de Marx d’être communistes, même si sur certains points nous ne pouvons plus l’être comme il l’était. Nous gardons cette inspiration face à une situation où l’alternative au communisme est tout simplement la barbarie, même si cette barbarie est pour l’heure la « barbarie douce » de la « high tech ».
Le 1 juillet 2019
Denis Collin