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Portugal: Le Bloc de Gauche 20 ans plus tard

Portugal

Lien publiée le 28 juillet 2019

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.inprecor.fr/article-Portugal-Le%20Bloc%20de%20Gauche%2020%20ans%20plus%20tard?id=2263

Manuel Garí et Josu Egireun*

Cette année, au Portugal, le Bloc de Gauche célèbre le 20eanniversaire de sa fondation : il est né d’une manière singulière comme mouvement politique et non comme parti politique unifié ou comme coalition. Sa constitution et son évolution pour ceux qui ont suivi cette expérience avec intérêt, passion et proximité à partir d’autres contextes politiques sont paradigmatiques. Une expérience singulière non exempte de paradoxes, de défis et de risques à laquelle nous croyons que la gauche révolutionnaire – qui ne veut pas se limiter à une pratique de témoignage et d’auto-affirmation – est obligée de réfléchir.

Vingt ans après sa fondation, le premier point qui retient l’attention, c’est l’espace restreint qu’a occupé le Bloc dans la réflexion de notre courant. Néanmoins, il y a eu à certaines occasions des critiques ponctuelles impitoyables face certaines initiatives ou positions du Bloc de Gauche, sans attendre de connaître les raisons et les termes concrets de la position adoptée par celui-ci. Par exemple, pour prendre un cas concret, l’accord du Bloc avec le Parti socialiste en 2015

L’une des raisons de cet « oubli » peut être la dimension du pays en termes de population (10,3 millions de personnes) et le poids de son produit intérieur brut (PIB) par rapport à l’Union européenne ; mais même ainsi, vu la structure militante et la dimension politique et sociale acquise par le Bloc sur la scène politique portugaise, il est difficile de le comprendre, y compris dans les milieux les plus proches. Raison pour laquelle nous profitons du 20e anniversaire de sa fondation pour revisiter l’histoire du Bloc et souligner les aspects qui nous paraissent les plus intéressants de cette expérience.

En empruntant – et en le transposant avec pas mal de précaution au champ socio-politique – le concept de paradigme de Thomas Kuhn, le Bloc l’incarne comme organisation, vu qu’il a obtenu plus de succès que d’autres propositions différentes et alternatives pour construire une force anticapitaliste de masse, avec un poids électoral et social dans son pays. Tout au long de ces 20 années, il a su résoudre quelques-uns des principaux problèmes auxquels sont confrontés les groupes de gauche dans leur chemin pour passer du groupe de propagande au parti avec une influence de masse. Cela se vérifie au Portugal, où aucune des formations situées dans le même champ à la fin du XIXe et au début du XXe n’a survécu, pas plus que les différentes scissions qu’a connues le Bloc sur sa gauche (une bonne partie de celles-ci représentant des variantes sectaires et doctrinaires) ou sur sa droite (à la recherche d’un arrangement et d’une homologation par le parti socialiste) : celles-ci ont fini dans la marginalité ou ont disparu. Mais aussi dans d’autres pays européens où, tout au long de ces 20 années, nous avons vécu l’implosion d’expériences aussi importantes que celle du Parti de la Refondation communiste (Italie) ou l’émergence fulgurante du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), lequel connaît néanmoins une période d’importantes difficultés, ou la montée et le déclin du Front de gauche en France.

Raison pour laquelle ce 20e anniversaire est une bonne occasion pour nous interroger sur les caractéristiques de cette expérience qui, avec ses hauts et ses bas (car il y en a eu) présente des éléments intéressants pour celles et ceux qui, à partir de la marginalité où se trouvent aujourd’hui les alternatives révolutionnaires, cherchent à se transformer en forces politiques capables d’agir dans le cadre social et électoral et devenir pour leurs militant·e·s, mais surtout pour de larges secteurs sociaux, une alternative aux partis existants.

Cette dimension d’alternative crédible a constitué la force propulsive d’expériences comme Podemos (État espagnol) ou La France insoumise. En ce moment, ces expériences se trouvent freinées tant par le modèle d’organisation qu’elles ont impulsé que par leur erratique déambulation politique et leur absence de lien avec le mouvement social.

Raison pour laquelle la première caractéristique du Bloc, c’est sa résilience, comprise comme la capacité de surmonter les moments critiques et de s’adapter à des situations inattendues et inhabituelles, qui a permis sa continuité et son développement durant les vingt ans de son existence. Et cela explique, dans les temps actuels, que la Geringonça – c’est-à-dire le « bidule », expression méprisante avec laquelle fut qualifié, en 2016, l’accord entre le Parti socialiste portugais, le Parti communiste, le Bloc et les Verts – dure depuis trois ans, malgré les attaques de l’oligarchie, mais aussi les « rêves humides » du président du gouvernement.

Mais, tout comme dans la science, le fait qu’un paradigme ait plus de succès ne signifie pas qu’il puisse obtenir des résultats satisfaisants pour tous les problèmes ou obtenir un succès complet, ni qu’il conserve ce statut de manière indéfinie.

Contre tout pronostic

La fondation du Bloc s’est produite en 1999, après une défaite imprévue l’année antérieure du mouvement de masse lors du référendum sur l’avortement, précisément quand on pouvait constater la fin du long cycle politique ouvert le 25 avril 1974 (1). Il n’est pas habituel de voir se fonder de nouveaux partis dans les moments de recul et de défaite. Normalement, ceux-ci émergent au moment des avances et avec l’idée de possibles victoires. La constitution du Bloc se fit par un accord entre trois organisations aux racines idéologiques distinctes et avec une faible expérience pratique en commun : le Parti socialiste révolutionnaire (2), l’Union démocratique populaire (3) et Politica XXI (4), une scission du Parti communiste portugais (PCP). Elle a eu lieu dans un pays avec une grande tradition de politisation et de militantisme partidaire, mais avec une faiblesse et une fragilité notables (en termes de comparaison avec la France, l’Italie ou l’État espagnol) des mouvements sociaux et des organisations qui leur donnent forme. Y compris dans le cadre syndical, très important, où le syndicalisme portugais n’a pas la capacité d’affiliation et d’autonomie politique existant dans d’autres pays.

Ainsi, en 1999, la situation politique portugaise n’avait aucun parallèle avec les conditions qui, en 2014, par exemple, ont permis l’émergence de Podemos dans l’État espagnol, avec la fenêtre d’opportunité ouverte par la mobilisation des indignés, dite 15-M (5). Et néanmoins l’accord de ces trois forces rendit possible l’émergence du Bloc.

Quel fut l’élément ayant permis à trois forces politiques, aux origines idéologiques éloignées et avec très peu d’expérience commune, de franchir ce pas ?

Pour reprendre les explications de Francisco Louça (6) dans un entretien avec Miguel Romero (7), après la défaite du référendum sur l’avortement, il y avait une perception très générale de la fin d’une époque. C’est alors que surgit une proposition audacieuse : créer un mouvement politique dont la force et l’unité s’établiraient par-delà l’idéologie.

Il est intéressant de s’arrêter sur cette explication, parce qu’elle constitue la clé de voûte du projet. La question centrale n’était pas de se mettre d’accord sur des questions idéologiques ou sur l’interprétation de l’histoire du mouvement ouvrier (les révolutions russe ou chinoise). Fondamentalement, selon Louça, il fallait se concentrer sur la définition des tâches politiques et sur la constitution de la culture politique du mouvement. Une proposition qui connut des résistances internes dans les forces qui intégrèrent le Bloc, mais qui gagna du terrain et arriva à bon port.

Deuxièmement, on ne comprendrait pas la résilience du Bloc sans partir d’un élément clé dans la construction d’un mouvement politique : une direction capable d’articuler le processus, de comprendre la conjoncture et de donner le ton de l’action politique.

Il n’échappe à personne que la construction d’un nouveau mouvement politique dans une phase de recul est une tâche pleine de risques. Et, en 1999, au Portugal, il n’était pas facile de créer un cinquième parti dans une structure consolidée de quatre partis existants. Le résultat n’était pas garanti d’avance. Et, en peu de temps, l’initiative réussit à attirer environ 1 300 membres (qui, en 2019, sont 8 000), ce qui pour un pays de la dimension du Portugal est un capital politique estimable et qui, selon Louça, donnait au Bloc une force suffisante pour agir et la confirmation qu’il existait un nouvel espace politique et électoral pour les élections législatives postérieures, où le Bloc obtint deux sièges au Parlement.

Malgré cela, comme nous l’avons indiqué plus haut, le Bloc naviguait au milieu de mouvements sociaux faibles et dans un contexte de défaite politique. L’audace fut de comprendre la nécessité de construire ce que Pierre Rousset définit comme le « parti nécessaire » ou qui, dans d’autres contextes, se définit comme un « parti utile » à la classe ouvrière, aux femmes, à la paysannerie et à la jeunesse.

Selon Pierre Rousset, « dans de nombreux pays, il n’y a pas un niveau, une qualité des luttes sociales qui permettent de donner chair à une organisation révolutionnaire. La perspective d’une confrontation majeure de classes s’est embrumée dans un horizon lointain. (…) Les conceptions militantes dominantes ne sont pas forcément en adéquation avec certaines des tâches de l’heure ou avec la nature des épreuves à venir. Or, l’action politique se conduit à partir des consciences “réellement existantes” et non pas à partir d’impératifs catégoriques. Ainsi, même quand le “désir de parti” existe, il peut y avoir un fossé entre le parti possible (compte tenu des circonstances) et le parti nécessaire (compte tenu des tâches) » (8).

Comment le Bloc aborda-t-il ce défi ? Avec une idée simple, mais puissante – comme le rappelle Louça dans l’entretien mentionné : l’idée basique, c’était le rejet du Bloc comme un simple aggiornamento de la gauche. On ne pouvait gagner des forces qu’en recherchant une recomposition globale de la gauche.

Jorge Costa (9) définit bien l’objet dans un article de Viento Sur : « La lutte du Bloc vise à détruire la carte politique traditionnelle du pays » pour commencer le travail permettant de l’emporter sur le parti socialiste. Ils ont bien signalé l’objectif et n’ont pas perdu leur temps dans une compétition avec d’autres partis. L’axe de la constitution du Bloc fut de baser la fusion et le fonctionnement postérieur des organes dirigeants dans un accord sur les tâches, sans faire passer en premier lieu le débat idéologique, ni en imposant le discours identitaire. Il faut lire le texte de fondation, Começar de novo (10), pour le comprendre.

Et, pour cela, il était nécessaire de construire un Bloc avec une influence de masse qui, selon Louça, représentera une force sociale importante avec une conscience anticapitaliste et une politique socialiste, en accordant une attention centrale à son intervention tactique – où se démontre l’utilité du projet – et en fuyant les affirmations identitaires (plus préoccupées d’avoir raison sur tout que d’étendre leur influence). Ceci pour étendre l’influence du Bloc en impulsant des dynamiques convergentes et en devenant une référence nécessaire dans les débats politiques qui se développeront au Portugal.

Comme l’a signalé en son temps Daniel Bensaïd (11), un parti a une influence politique quand il devient une référence obligatoire dans tous les débats nationaux. Quelque chose qui va bien plus loin que l’affirmation programmatique ou identitaire et qui exige une attention spéciale à la tactique politique et à la manière de communiquer cette politique. D’où le fait que la politique de communication constitue une préoccupation centrale dans la vie quotidienne du Bloc.

Maintenant, un parti basé davantage sur le développement d’une tactique précise sur les tâches que sur son auto-affirmation ne peut aller loin sans compter sur une direction solide. Un parti sans une direction crédible est un parti voué à l’échec. D’où l’importance de construire collectivement cet « état-major » qui donne confiance à ses militant·e·s, tant par la politique qu’il développe que par la dynamique interne qu’il impulse. Dans le cas du Bloc, cette ligne était nécessairement orientée vers la création d’une culture commune et d’un corpus d’idées partagées grâce à l’expérience, l’intervention politique et le débat programmatique compris comme réalisation de la proposition socialiste dans les conditions réelles des besoins des classes subalternes et des secteurs opprimés.

L’objectif déclaré : convertir le Bloc en un acteur central

Vu les opportunités démocratiques (accès aux médias, système électoral proportionnel, etc.) léguées par la Révolution d’Avril et tenant compte du fait que la confrontation parlementaire est très importante dans la lutte entre les classes sociales portugaises, le Bloc a su développer à partir des postes de représentation obtenus une intervention ayant des formes intéressantes : haute capacité d’initiative tactique dans une sorte de guerre de mouvements dans les institutions, autonomie politique par rapport aux autres forces en présence, flexibilité tactique et rôle de perturbateur de la logique capitaliste et de l’oligarchie politique.

Pour mettre le Bloc au centre du débat national, sa direction a développé une méthodologie basée sur :

1) Profiter des postes institutionnels, des initiatives législatives et des motions de censure pour porter dans le Parlement et les structures municipales les demandes populaires et, en même temps, créer, consolider et élargir l’organisation et la force des mouvements. D’une certaine manière, le Bloc a généré le social à partir du politique, sachant que l’avance politique vers un gouvernement de gauche ayant un projet de société socialiste a besoin d’un mouvement social fort, d’une classe travailleuse active comme condition sine qua non. Des campagnes extrêmement intéressantes en ce sens furent impulsées contre la précarisation du travail et de la vie (mars 2011), contre la Troïka (Que se lixe a troika, mars 2013) ou en appui aux luttes syndicales, par exemple dans l’enseignement, qui expriment la préoccupation du Bloc de générer un mouvement social ;

2) Réfléchir à tous les problèmes de la société portugaise et offrir des réponses claires et crédibles selon une clé anti-néolibérale et démocratique. Et le faire en tenant compte au XXIe siècle de la formule de Karl Marx (1852) dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte : « La révolution sociale du XIXe siècle ne peut pas tirer sa poésie du passé, mais seulement de l’avenir. Elle ne peut commencer sa propre tâche avant d’avoir liquidé complètement toute superstition à l’égard du passé » (12). Cela a impliqué de développer des propositions innovantes sur la dette, les finances, les services sociaux ou le traitement des personnes licenciées par les entreprises faisant des bénéfices – processus propres à la phase actuelle du capitalisme globalisé –, et de trouver des formes d’intervention et de communication adaptées aux nouvelles réalités culturelles et technologiques, en transformant la communication en arme de guerre contre l’oligarchie, propriétaire des médias ;

3) Apparaître comme une force non subalterne, disputant l’hégémonie et la direction dans la gauche, parce qu’elle aspire à représenter/organiser le peuple de gauche avec une logique qui va bien au-delà. Et le faire, comme l’affirme Alda Sousa (13), grâce à l’audace et l’initiative politique pour convertir le Bloc en un parti influent parce que son opinion se trouve au centre de l’agenda et du débat politiques et que cette opinion ne peut être écartée, que ce soit pour la réfuter, la combattre ou la calomnier. Tout cela guidé par deux prémisses :

• Premièrement (pour citer à nouveau Marx) faire du Bloc l’axe central dans le conflit social, en actualisant les vieilles paroles de l’Idéologie allemande, lorsque celles-ci se réfèrent à la classe ouvrière « comme représentation de toute la société, comme toute la masse de la société, face à la classe unique, la classe dominante ».

• Deuxièmement, en rompant les consensus du système politique sur des thèmes fondamentaux comme la discipline austéritaire des traités de l’Union européenne et en dénonçant les conditions léonines de la discipline euro démolissant la souveraineté populaire. Justement parce que le guide du Bloc n’était pas simplement de faire de la propagande, mais de lier les propositions positives pour la classe travailleuse à la récupération et à l’amélioration des conditions de lutte et, en même temps, de transformer la dette et l’austérité en un problème démocratique. Pour reprendre l’expression de Marisa Matias (14) dans son discours à la 11e convention du Bloc de Gauche, « nous défendons la récupération des instruments de politique économique pour le champ de la souveraineté démocratique ».

Pour y parvenir, Francisco Louça estime qu’une stratégie alternative de lutte sociale sans représentation institutionnelle ne serait qu’une justification pour l’isolement. Selon le dirigeant du Bloc de gauche, un parti de gauche socialiste lutte pour conquérir la majorité et ne se laisse pas vaincre par le complexe d’être une minorité, ou par la vision autonome ou anarchiste d’un présumé monde social au-delà de la confrontation électorale, où il devrait s’exiler. À maintes reprises, Louça a répété que le Bloc est arrivé pour vaincre et pour changer.

Ces considérations sont très intéressantes non seulement dans le cas portugais, mais aussi sous d’autres latitudes, comme le cas de l’État espagnol, où il existe d’importants mouvements de masses avec une grande présence politique, mais sans expression dans l’espace de la représentation. Et il est essentiel d’apprendre de cela, surtout quand nous nous trouvons face à la nécessité de coordonner et de mener des initiatives socio-politiques à l’échelle européenne. Comme cela est devenu clair avec l’expérience grecque de 2015, la remise en cause des politiques néolibérales en Europe nous place dans un rapport de forces difficile, que l’on ne peut contrecarrer qu’en construisant la convergence d’initiatives au niveau européen. Une tâche qui s’annonce toujours plus urgente et sur laquelle les forces anticapitalistes, non seulement le Bloc, ont un énorme retard.

Un chemin avec des risques et des défis

Le modèle de parti représenté par le Bloc a une base électorale ferme malgré les fluctuations, mais son implantation municipale et sa présence dans les associations sont inférieures à son niveau national ; ses liens avec la classe ouvrière organisée se trouvent également au-dessous du nécessaire, ce qui peut amenuiser ses possibilités d’avancer, bien que le Bloc ait eu une présence importante dans les mobilisations contre le changement climatique et dans l’impulsion des rencontres écosocialistes, dont la dernière session s’est déroulée à Lisbonne.

Mais si cette question est importante, le risque du pari central l’est bien davantage : le travail électoral et institutionnel. Le pari est fondé, mais les conditions où il se développe impliquent qu’une grande partie de l’énergie militante et de la capacité politique doit se consacrer à la présence institutionnelle et qu’un parti avec de telles responsabilités doit répondre à toute vitesse aux variations politiques quotidiennes. Pour conjurer tant les pressions de l’adaptation à l’institution – et, en définitive, au système – que la dilution du projet dans les méandres de la tactique politique, les partis ayant remporté des succès électoraux doivent développer leurs muscles sur divers aspects : maintenir collectivement la feuille de route politique, impulser la culture et les mesures pour rénover et contrôler les dirigeants et les mandats politiques, et planifier la croissance de la présence dans les organisations sociales.

Comme manière d’éviter la bureaucratisation et la routine au sein de la direction d’un parti, l’un des instruments les plus importants est la rotation de ses dirigeants. Nous pensons que la rénovation des cadres du Bloc de gauche a joué un rôle très important dans la résilience de celui-ci. Nous pouvons voir ensemble les vétérans fondateurs du Bloc – Luis Fazenda (15), Francisco Louça et Fernando Rosas (16) – et de jeunes dirigeants comme Jorge Costa, Pedro Filipe Soares (17), Joao Camargo (18) et José Soeiro (19). À noter l’importance particulièrement significative du rôle joué par le trio de femmes exerçant de très importantes responsabilités : Marina Martagua (20), Marisa Matias et Catarina Martins (21). Un changement générationnel, accompagné de l’arrivée des femmes aux positions dirigeantes. Il y a plusieurs années, pour prendre un exemple politique pratique, Francisco Louça cessa d’exercer les fonctions de coordinateur du Bloc pour impulser ce processus de rénovation. En même temps, il assura qu’il allait continuer de militer comme depuis le premier jour, ce qu’il a fait et qui continue de lui conférer une autorité importante au sein de l’organisation.

Au-delà de la rotation au sein de la direction, davantage d’éléments doivent concourir à assurer le rôle d’une organisation révolutionnaire. Catarina Martins, porte-parole de la Commission coordinatrice, la situe dans la texture interne du parti et dans la relation avec sa base sociale. Lors de la dernière convention du Bloc, Catarina Martins a affirmé qu’« un parti de combat (…) dépend de cette énergie que sont ses hommes et ses femmes ». Et elle a raison. Ce sont des éléments imprescriptibles pour éviter l’assimilation et la captation par le système ou la reddition aux avantages du pouvoir. Mais elle situe la clé dans les liens entre le parti et le peuple : dans le parlement et les institutions parce que le Bloc représente le peuple, hors de celles-ci parce que le mouvement et la lutte donnent de la force au Bloc. Bien plus, affirme Catarina Martins, « nous existons parce que nous sommes nécessaires, parce que nous sommes ce peuple qui lutte ».

Manuel Gari Ramos est membre de Anticapitalistas (section de la IVe Internationale dans l’État espagnol) et de la rédaction de la revue Viento SurJosu Egireun est militant du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA, France) et de la rédaction de la revue Viento Sur. Traduit du castillan par Hans-Peter Renk.

Notes

1. 25 avril 1974 : renversement de la dictature post-salazariste de Marcelo Caetano par le Mouvement des forces armées (MFA), qui ouvrit la voie au processus révolutionnaire des années 1974-1975.

2. Partido socialista revolucionario (PSR), section portugaise de la IVe Internationale.

3. União Democrática Popular (UDP), d’origine marxiste-léniniste, créée en décembre 1974, transformée en association en 2005.

4. Politica XXI, fondée en 1994, transformée en association en 2005.

5. 15 de Mayo (15-M) : manifestation des Indignés, à la Puerta del Sol, Madrid, le 15 mai 2011.

6. Francisco Louça (né en 1956), a rejoint le petit groupe portugais de la IVe Internationale en 1972. Économiste, il a été coordinateur national du Bloc de gauche, son candidat à la présidentielle et député.

7. Miguel Romero, Conversaciones con la izquierda anticapitalista europea. Madrid, La Oveja Rosa, 2011 (Los libros de Viento Sur).

8. Pierre Rousset, « Réflexions sur la ‘question du parti’ : un tour d’horizon », Inprecor, n° 639-640 (mai-juin 2017), pp. 3-10.

9. Jorge Costa a rejoint le PSR à l’âge de 15 ans. Il est actuellement membre de la Commission politique du Bloc de gauche et député.

10. Começar de novo (Repartir de zéro ou Tout recommencer), document fondateur du Bloco de Esquerda, disponible en portugais :

11. Daniel Bensaïd (1946-2010), théoricien marxiste, a été un dirigeant de la IVe Internationale et de sa section française ainsi qu’un des fondateurs du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).

12. Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte :

13. Alda Sousa, chercheuse biomédicale, dirigeante du PSR et de la IVe Internationale, est membre de la direction nationale du Bloco de Esquerda et a été sa députée et députée européenne.

14. Marisa Matias, sociologue, dirigeante du Bloco de Esquerda a été députée européenne et candidate à la présidentielle.

15. Luis Fazenda, enseignant et dirigeant de l’UDP, a été un des fondateurs du Bloco de Esquerda et son député.

16. Fernando Rosas, historien et journaliste, a rejoint le PCP clandestin en 1961, puis fondé le Mouvement réorganisateur du parti du prolétariat (MRPP, maoïste) en 1970. À partir de 1985 s’est approché du PSR et a été un des dirigeants du Bloco de esquerda depuis sa fondation.

17. Pedro Filipe Soares (né en 1979), mathématicien, est membre de la Commission politique du Bloco de Esquerda et député.

18. João Camargo, militant du Bloco de Esquerda, a été un des animateurs des mouvements sociaux contre la précarisation du travail et de la vie (mars 2011) et contre la Troïka (Que se lixe a troika, mars 2013).

19. José Soeiro, sociologue, fondateur du groupe Teatro do Oprimido (Théâtre de l’opprimé), député du Bloco de Esquerda, est un des animateurs du mouvement des précaires.

20. Marina Mortagua, économiste, a été élue députée du Bloco de Esquerda à l’âge de 27 ans.

21. Catarina Martins, linguiste, militante des mouvements sociaux, a d’abord été élue députée indépendante sur la liste du Bloco de Esquerda en 2009. Elle est actuellement coordinatrice nationale du Bloco.