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"Martin Eden", lutte très classe
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https://next.liberation.fr/cinema/2019/10/15/martin-eden-lutte-tres-classe_1757802
Transposant le roman de Jack London dans l’effervescence sociale du XXe siècle à Naples, Pietro Marcello réussit une adaptation audacieuse autour de l’histoire d’un gâchis, celui d’un marin qui, s’acharnant à devenir écrivain, finit par trahir ses origines.
Quelle ambition, d’adapter Martin Eden au cinéma ! Le roman de Jack London, dont la brûlure s’avive encore, on le parierait, au cœur de chacun de ses lecteurs, est un splendide récit d’émancipation et de désillusion, le devenir écrivain d’un jeune matelot de San Francisco au début du XXe siècle. Paru en 1909, il est aussi un livre de combat, mal compris en son temps, qui met en scène une série d’affrontements au potentiel cinématographique assez incertain. Que faire par exemple des contradictions inhérentes au roman, notamment son face-à-face ambigu entre individualisme et socialisme, ambiguïté balayée par le souffle narratif du livre ? Et la lutte de son héros contre le monde, son dévorant désir de création, qui une fois assouvi le mène à l’autodestruction : ce cul-de-sac littéraire, comment le rendre ?
Or, justement, ce qu’il y a de plus beau dans le Martin Eden de Pietro Marcello, déjà auteur de La Bocca del Lupo et de Bella e Perduta, qui transpose l’intrigue de San Francisco à la baie de Naples lors d’une période incertaine (le film brouille les époques à dessein, mais court sur les trois premières décennies du XXe siècle), ce sont toutes les idées de cinéma qui accouchent d’une danse magnifique et ratée, d’une rencontre qui n’a pas eu lieu, celle de son héros avec le monde. Le film s’ouvre par ces mots qui serviront de programme, dits en ses derniers instants par Martin Eden (s’ensuivront une série de flash-back) : «Le monde est donc plus fort que moi. A son pouvoir je n’ai rien d’autre à opposer que moi-même, ce qui en réalité n’est pas rien.»
Le problème de l’écrivain Eden, ce n’est pas de s’être dressé contre un immense faisceau de forces contraires, ivre de ses pouvoirs mais finalement conscient de leur caractère lacunaire. C’est de ne jamais avoir cherché à agir sur elles, de ne jamais avoir voulu, pour emprunter la formule de Franz Kafka, «seconder le monde» - le mérite du film est de superbement le rappeler.
Entêtement passionné
Joué avec un maximum d’énergie virile et d’appétit par Luca Marinelli (prix d’interprétation à Venise), Martin Eden est un marin des classes populaires. Après avoir secouru un fils de famille, il fait son entrée dans le grand monde par la porte de service, et tombe amoureux fou d’une beauté cultivée, ici Elena Orsini (la très diaphane Jessica Cressy), qui vit entourée de livres et de tableaux. Eden se met aussitôt en tête de lui ressembler, de lire, d’apprendre, enfin de s’élever, et finalement d’écrire. C’est cet acharnement à devenir écrivain qui intéressait le livre de London ; il intéresse aussi le film, qui rend bien cet entêtement passionné en dépit des refus d’éditeurs, des renvois de manuscrit, de la dèche qui s’installe, obstination que ne comprennent ni sa famille, ni ses amis, ni Elena.
Mais ce qui passionne encore plus Pietro Marcello, ce sont les loyautés contrariées de Martin Eden, son parcours de transfuge de classe, la trahison malheureuse de ses origines, «une histoire éternelle», alors qu’autour de lui naissent et s’affirment les ferments de mouvements populaires. La narration embrasse les étapes de cette ascension et de cette trahison dans un mouvement ample, dont l’aspect de fresque évoque lointainement certaines épopées de formation hollywoodienne, et l’on observe Martin se mettre à singer les manières de la femme qu’il convoite, se détacher de son milieu, passer à côté du socialisme - «peut-être ton seul salut devant la déception qui s’approche», lui intime pourtant un ami - et ne pas se rendre compte, alors que nous-mêmes le faisons, que les moments les plus justes de son existence seront sans doute ces années de galère, non leur achèvement. La félicité prend les traits du visage de Carmen Pommella, qui joue sa logeuse rencontrée dans un train, et l’héberge pendant ses années de vaches maigres.
Récit d’apprentissage
Gorgé de la lumière de la baie de Naples, de ses rouges et bleus éclatants rendus en 16 mm, le film mêle à ses images des archives, réelles ou fabriquées, noir et blanc ou couleurs, illustrant notamment les combats sociaux de l’Italie du siècle passé. Cette texture particulière fait du film un cut-up nostalgique et pulsatile, dont les couches superposées brassent mémoire individuelle et collective, fiction et réel de 1900 à nos jours. L’intention était de rendre la qualité intemporelle du récit d’apprentissage, et de permettre à chacun de faire résonner l’intrigue aujourd’hui de multiples manières, notamment politique.
Mais ce que ce montage si gracieux de plans réels et imaginaires rend aussi possible, c’est par exemple le resurgissement poignant d’un Martin jeune, marchant avec allant sur les quais, plein de désir et d’espoir, sous les yeux d’un Martin vieillissant, dont le tragique de la situation est très sûrement qu’il ne désire plus rien. Et ce montage permet surtout l’évocation de la marche de l’histoire, du désastre à venir, de l’avancée d’un monde indifférent aux gesticulations de Martin aussi sûrement que Martin l’est des siennes. L’antihéros créé par London, inspiré de son parcours à une grande exception près - «Moi, je suis encore vivant !» - a la folie du poète s’escrimant sur le réel, de l’homme bataillant sans relâche contre l’existence, sans jamais parvenir à l’embrasser pleinement.
Martin Eden de Pietro Marcello avec Luca Marinelli, Jessica Cressy, Carlo Cecchi… 2 h 08.