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Pôle emploi, la face cachée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La Nouvelle Vie Ouvrière, 13 décembre 2019
A l’heure où les demandeurs d’emplois découvrent les ravages de la réforme de l’assurance chômage, trois journalistes décrivent le chaos interne à Pôle emploi. Politique du chiffre, déshumanisation par le numérique, management délétère, des personnels débordés affrontent une perte de sens du métier.
Il y a quelque chose de pourri chez Pôle emploi. L’histoire commence en 2009 avec le mariage forcé de l’ASSEDIC et de l’ANPE voulu par Nicolas Sarkozy. Une décennie n’a pas suffi pour homogénéiser la situation. Institution privée d’un côté, service public de l’autre : une culture, une éthique professionnelle, des métiers, des conceptions de carrière, des repères qualitatifs radicalement différents.
Alors que les personnels chargés de l’indemnisation ignorent tout de l’accompagnement, ceux chargés du placement sont noyés par la technicité de l’indemnisation. L’injonction à la double compétence est une gageure.
D’ailleurs, après l’avoir encouragée, Pôle Emploi va du jour au lendemain revenir à la spécialisation. En un mot donc, la fusion se passe mal, très mal. La plupart des personnels croulent littéralement sous la masse de travail avec des objectifs inatteignables, tandis que d’autres, placardisés, sombrent dans la dépression et la culpabilité, le sentiment d’inutilité en prime. Certains personnels ne s’en remettront jamais.
Syndrome de France Télécom
L’enquête démarre ainsi par la plainte pour harcèlement moral déposée en 2014 par les parents d’Aurore Moësan et initialement soutenue par la CFTC. Aurore, une jeune conseillère Pôle Emploi francilienne, s’est suicidée en 2012. Mais on s’aperçoit au fil des pages qu’elle n’est pas la seule à avoir commis l’irréparable chez Pôle Emploi, et à avoir subi un management délétère…
Bien que moins médiatisés que la vague de suicides qui a frappé France Télécom, les enquêtrices, trois journalistes, ont recueilli des témoignages qui attestent bel et bien de faits de harcèlement chez Pôle Emploi. Et au cœur de ce harcèlement, le lean management qui ressemble à s’y méprendre à celui de France Télécom…
Injonctions paradoxales
La nouvelle philosophie introduite par les dirigeants de Pôle Emploi s’inspire du new public management. C’est une politique du chiffre, une politique dite de l’efficacité en réalité une culture du reporting avec des indicateurs de placement et une informatisation à outrance.
Le tout avec une inflation de procédures et de logiciels non maîtrisés que les personnels peinent énormément à assimiler. A moins encore qu’ils ne les contournent pour répondre à des exigences statistiques de performances aberrantes et en total décalage avec les besoins humains.
Alors que nombre de demandeurs d’emplois sont peu familiers de l’informatique, tout, ou presque, se fait en ligne. On passe d’une politique de service public et d’aide au demandeur d’emploi à une philosophie de la suspicion, du contrôle et de la radiation… m
Comment être à la fois conseiller et dénonciateur ? Le demandeur d’emploi n’est pas le seul suspect pour le management. Les agents de Pôle Emploi sont aussi désormais soumis à des outils managériaux comme l’ORS (observation de la relation de service), autrement dit des moments où la hiérarchie observe les agents tel Big Brother. Des outils d’asservissement qui rendent littéralement fous.
Face à la réforme de l’assurance chômage
Depuis le 1er novembre 2019, la réforme de l’assurance chômage durcit de manière dramatique l’ouverture des droits aux allocations pour perte d’emploi. Ainsi, il faut avoir travaillé six mois sur les 24 derniers pour pouvoir y prétendre. Jusqu’alors, il suffisait de quatre mois sur les 28 derniers mois.
Face à ces mesures monstrueuses, les auteurs soulignent toutefois que le gouvernement a surpris en annonçant en même temps qu’il arrêtait la suppression programmée des postes chez Pôle Emploi, et même qu’il y aurait 1000 créations de postes. Important mais très insuffisant. Et Il ne précise pas qu’il s’agit de CDI ou de CDD, ce qui ne saurait suffire pour atténuer la souffrance présente des deux côtés du guichet.
Par Régis Frutier