Agenda militant
Ailleurs sur le Web
- Contre les procédures-bâillon envers les délégués syndicaux : solidarité avec Siham Touazi (08/05)
- Clémence Guetté ce jeudi matin sur France Inter (08/05)
- Artus : Pourquoi nous ne croyons pas à un recul de l’inflation dans la zone euro (08/05)
- Taxer les loyers imputés : vers l’équité fiscale ? (08/05)
- EN FRANCE, LA MISE À MORT DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION (08/05)
- Marx et la question des machines (07/05)
- Podcast : L’hégémonie et la révolution, Gramsci penseur du politique (07/05)
- Gaza : du déni à l’occultation. Retour sur un entretien du Monde avec Eva Illouz et Derek Penslar (07/05)
- Etre juif et de gauche dans la France d’aujourd’hui (07/05)
- NPA - L’Anticapitaliste : votons pour la liste de l’Union populaire conduite par Manon Aubry (07/05)
- “Le moindre mal, c’est toujours le mal” : Mélenchon répond à “Philosophie magazine” sur Arendt (06/05)
- Des droits de l’homme aux prud’hommes - La chanson de GieDré (06/05)
- Dérive antisémite sur les campus, ou malaise sioniste face à la solidarité avec la Palestine ? (05/05)
- Rima Hassan face au chien de garde Duhamel sur BFM (05/05)
- Djamil Le Shlag démissionne en direct de France Inter (05/05)
- Claude Serfati : "L’impérialisme, c’est l’interaction du Capital et de l’Etat !" (05/05)
- Assemblée du Parti Ouvrier Indépendant - 5 mai 2024 (05/05)
- PODCAST: Xi Jinping, le prince rouge (05/05)
- De Science-Po à Columbia, le mouvement étudiant pro-palestinien résiste aux matraques et aux pressions (05/05)
- "Tant qu’il n’y aura pas de sanctions, ni de cessation de livraison d’armes à Israël, les responsables israéliens continueront" (05/05)
- Raphaël Glucksmann expulsé du 1er mai : et la violence du PS on en parle ? (05/05)
- Procès médiatique en antisémitisme de LFI (05/05)
- Attention danger populisme (05/05)
- Alain Minc et Jacques Attali, l’éternel retour des duettistes médiatiques (05/05)
- Soutien Gaza: Un point sur la mobilisation étudiante et lycéenne (04/05)
Liens
- Notre page FaceBook
- Site du NPA
- Démosphère (Paris, IdF)
- Site anti-k.org
- Le blog de Jean-marc B
- CGT Goodyear
- Démocratie Révolutionnaire
- Fraction l'Étincelle
- Anticapitalisme & Révolution
- Révolution Permanente (courant CCR)
- Alternative Communiste Révolutionnaire (site gelé)
- Ex-Groupe CRI
- Librairie «la Brèche»
- Secteur jeune du NPA
- Marxiste.org
- Wiki Rouge, pour la formation communiste révolutionnaire
La chasse aux jaunes, une tradition centenaire des grévistes parisiens
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://paris-luttes.info/la-chasse-aux-jaunes-une-tradition-13203
Alors que la bourgeoisie fait mine de s’offusquer des images montrant les travailleurs grévistes de la RATP interpeller leurs collègues non-grévistes, retour sur le traitement fait aux « jaunes » pendant la grève des taxis parisiens de 1911-1912 [1]. Extrait tiré du roman d’Aragon Les cloches de Bâle [2].
Sur le boulevard, un groupe discutait ferme avec un chauffeur, un grand diable, qui voulait à tout prix passer, qui se fâchait. Déjà les flics de l’autre côté commençaient à s’agiter. On lui disait : « Tu n’as pas honte ? Tu vas appeler les flics contre des camarades ? — Laissez moi passer, je vous dis, je m’en fous, moi, de votre grève. Il faut que je becte, moi. »
Il fallut lui expliquer que ce n’était encore rien de rentrer au garage ; il aurait à en sortir, on ne pouvait rien lui garantir de ce qui lui arriverait.
« On avait dû le corriger, il se frottait doucement la gueule »
D’ailleurs, s’il y avait des jaunes à l’intérieur, il était de fait qu’ils ne sortaient guère. Vers huit heures, brusquement la porte s’ouvrit et deux voitures s’échappèrent. On vit alors qu’il y avait bien trois cents grévistes sur le boulevard de Charonne. Les deux taxis avaient l’air de rats qui ont abandonné leur tanière et qui se trouvent tout à coup en plein jour au milieu d’une pièce pleine de gens. Ils hésitèrent, tournèrent, puis partirent dans deux directions opposées.
Les sifflets de police crevèrent l’air du matin. Presque au même moment, tandis que les flics chargeaient vers les grévistes, il y eut un grand bruit de vitres brisées, l’un des taxis avait eu la malencontreuse idée de quitter le boulevard, et au coin de la rue des pierres avaient volé.
La police, comme un essaim de mouches bleues, tournoya sur elle-même. Elle avait l’air de chercher son cadavre. Mais le renard avait filé sans demander son reste [3]. Et, comme Catherine regardait à travers les vitres du café, les agents qui inspectaient les alentours, ne sachant pas qui ils devaient appréhender des nombreux passants, reconnaissables à leurs vareuses professionnelles, la jeune femme soudain s’aperçut que Victor et Bachereau n’étaient plus à côté d’elle. Et puis, tout d’un coup, voilà les flics qui virevoltent encore. Ils prennent leurs jambes à leur cou, ils courent sur le boulevard. Catherine sortit pour voir.
Grève des taxis-autos : les services d’ordre. A droite, le préfet Lépine.
À deux cents mètres plus loin, au milieu de la chaussée, le second taxi renversé piteusement sur le côté commençait à flamber avec une fumée blanche. Une cinquantaine de grévistes détalaient dans la perspective du boulevard, se rabattant à droite et à gauche. À côté de la voiture, stupide, le jaune qu’on avait jeté à bas de son siège regardait le désastre. Les agents autour de lui gesticulèrent. Il répondait difficilement, levant les bras au ciel. De sa place, Catherine le voyait mal, mais on avait dû le corriger, il se frottait doucement la gueule.
C’est alors qu’elle aperçut Bachereau. Sur le mur du garage, à cheval, le poing levé, la casquette en bataille, il parlait à ceux qui étaient à l’intérieur. À travers les boulevards on l’entendait crier. Il avait profité du désarroi de la police qui n’avait laissé personne à la porte du garage. Victor était en bas du mur, il avait dû lui faire la courte échelle. Le poing, en haut, brandi, scandait les phrases : ça ne dura pas longtemps. La police revenait. Bachereau que Victor tirait par un pied sauta à bas. Les deux hommes détalèrent comme des dératés. Les flics se jetaient sur eux ; mais à ce moment tout un groupe de chauffeurs, comme par hasard, traversait la chaussée. Peut-être bien qu’ils allaient sagement au garage... Cela ralentit l’élan de la police.
Catherine retrouva Victor à Levallois. Le lendemain, les chauffeurs iraient en délégation aux obsèques des époux Lafargue [4]. Viendrait-elle ? Ils prirent rendez-vous.
« Les incidents de rue se multipliaient »
[...] Les compagnies faisaient des efforts têtus pour briser la grève. Elles organisaient chaque jour une espèce de défilé de voitures, qui ne pouvaient guère qu’aller d’un garage à un autre, et sur le siège, elles asseyaient des jeunes pris à la Préfecture, où Lépine n’avait rien à refuser au Consortium, ou amenés à grands frais du fond des provinces, des gars que n’avait pas touchés la propagande rouge, frais émoulus de patronages et de préparations militaires.
Les incidents de rue se multipliaient : vitres brisées, voitures flambées, etc. À tel point que pour protéger leurs chauffeurs, coûteuse armée de briseurs de grève, qui ne servait guère qu’à la parade, les compagnies demandèrent des gardes municipaux, qui les accompagnèrent, assis à côté d’eux. Pour la galerie, un prétexte : les gardes étaient en réalité des guides pour les chauffeurs novices, à peine débarqués à Paris, et qui égaraient leurs clients dans la capitale.
L’unanimité ne régnait pas parmi les grévistes sur les méthodes à suivre avec les renards. On était au lendemain des débats parlementaires sur le droit de grève. Le parti radical-socialiste avait pris position contre le sabotage, la chasse aux renards. Il y avait dans le syndicat même des cochers-chauffeurs une vive opposition à ce qu’on appelait des actes de terreur. Mais ce légalisme était en général très mal vu des chauffeurs.
Notes
[1] La grève des taxis durera du 28 novembre 1911 au 18 avril 1912. Elle a pour origine l’augmentation du prix de l’essence.
[2] Roman publié en 1934.
[3] Le terme « renard », synonyme du mot « jaune », désigne un briseur de grève.
[4] Laura Marx et Paul Lafargue se suicident le 25 novembre 1911.