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    Foie gras : le gavage industriel et les conditions d'élevage fragilisent le marché

    Lien publiée le 24 décembre 2012

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Le Monde) Les producteurs français de foie gras retiennent leur souffle. Les deux dernières semaines de l'année sont les plus cruciales pour leur activité. Le foie gras sera-t-il au menu des réveillons en 2012 ? Les professionnels tablent sur une stabilité des ventes, mais le contexte économique est aujourd'hui leur principale source de préoccupation. Bien plus que l'action des organisations de défense du bien-être animal, qui ne manquent pourtant pas ce rendez-vous des fêtes pour monter au créneau.

    Pour la deuxième semaine consécutive, l'association L214, spécialisée dans l'amélioration des conditions d'élevage, sera, samedi 22 décembre, sur les Champs-Elysées pour appeler les Parisiens à passer "des fêtes de fin d'année sans cruauté".

    Interdite dans de nombreux pays d'Europe, la pratique du gavage reste effective dans cinq d'entre eux. A commencer par la France, qui représente 73 % de la production mondiale de foie gras (19 000 tonnes en 2011), suivie de la Hongrie, la Bulgarie, l'Espagne et la Belgique. C'est dire combien l'entrée en vigueur en Californie depuis le 1er juillet, d'une loi interdisant la production et la commercialisation de foie gras, a fait l'effet d'une douche froide sur la filière française.

    TUYAU DE LA GORGE À L'ESTOMAC ET POMPE HYDRAULIQUE

    L'Etat le plus riche d'Amérique prohibant ce mets de choix pour cause de mauvais traitements ? Le Comité interprofessionnel du foie gras (CIFOG) a préféré minimiser la portée de l'événement. L'impact économique sera faible, affirme-t-il (environ 100 000 euros). Il est vrai que les portes du marché américain s'étaient déjà fermées une première fois en 1999 lorsque, par mesure de rétorsion à l'interdiction européenne d'importer le bœuf aux hormones élevé outre-Atlantique, les Etats-Unis avaient doublé les droits de douane pour des produits agricoles, parmi lesquels le foie gras.

    Même si, depuis, cette barrière tarifaire a été partiellement levée, les Etats-Unis sont un marché marginal pour le foie gras.

    "La question californienne serait anecdotique si cette interdiction ne menaçait pas de faire tâche d'huile dans d'autres pays", affirme Jean Schwebel, patron de la société alsacienne Feyel Artzner. Pour cette entreprise de transformation, l'export représente 30 % de son chiffre d'affaires. Vers les pays limitrophes de la France, mais aussi en Asie (Hongkong, Singapour, Thaïlande). Elle espère développer de nouveaux marchés : Russie, Brésil, Emirats arabes.

    Car la pression des associations prônant le respect du bien-être animal monte également en Europe. Notamment en France. Pour obtenir du foie gras, et malgré les recherches menées, il n'y a pas d'autre moyen que l'engraissage forcé, à l'aide d'un tuyau enfoncé de la gorge à l'estomac des animaux. Effectuée deux fois par jour pendant douze jours, l'opération ne prend que quelques secondes à la pompe hydraulique ou pneumatique, largement prédominante aujourd'hui.

    "La production de foie gras est devenue, comme pour l'élevage de porcs en Bretagne, une production hyper industrialisée et absolument indifférente au sort des animaux", affirme Brigitte Gothière, porte-parole de L214.

    "DÉFENSE DES VALEURS DE LA GASTRONOMIE À LA FRANÇAISE"

    Au-delà du gavage lui-même, la plus grosse pomme de discorde entre producteurs et pourfendeurs du foie gras reste les conditions d'élevage des animaux. Une recommandation du Conseil de l'Europe, adoptée en 1999, oblige à changer le logement des canards lors de la période de gavage. Ceux-ci ne doivent plus être placés, pour des conditions de commodité, dans des cages individuelles dans lesquelles ils ne peuvent ni se tourner ni battre des ailes, mais dans des logements d'une capacité de 4 à 10 animaux.

    Cette nouvelle réglementation devait s'appliquer à tous les élevages européens au 1er janvier 2011. Mais le ministère de l'agriculture, en 2005, a octroyé à la filière française un délai supplémentaire de cinq ans pour la mise aux normes de ses cages, repoussant ainsi la date butoir au 1er janvier 2016.

    "Un millier d'éleveurs sur 5 000 à 6 000 ont installé les nouvelles cages. Ce qui correspond en tonnage au quart de la production", affirme Marie-Pierre Pé, secrétaire général du CIFOG. Une proportion dérisoire aux yeux de L214, qui conteste la validité juridique du délai accordé par les pouvoirs publics. Le 18 octobre, elle a déposé auprès du Parlement européen, avec quatre associations internationales, une plainte contre la France et la Hongrie pour non-respect de la réglementation protégeant les canards en élevage.

    Ce même jour, un groupe de huit parlementaires européens, dont l'élu Vert français Yves Cochet, demandait l'interdiction de la production et de la vente de foie gras dans l'Union européenne. Face à cette nouvelle offensive, les pays européens producteurs ont fait bloc. Guillaume Garot, ministre délégué à l'agroalimentaire, s'est rendu à Bruxelles pour soutenir le foie gras, évoquant "la défense des valeurs du repas gastronomique à la française" et "l'enjeu économique d'une filière qui représente 35 000 emplois". Mais la tension entre "pro" et "anti" devient plus difficile à gérer d'année en année.

    Laurence Girard et Catherine Vincent

    Des taux de mortalité supérieurs lors du gavage

    Les 700 000 oies et les 40 millions de canards gavés chaque année en France ne sont pas abattus en bonne santé. "Le foie gras n'est pas un foie normal, et le gavage constitue une phase préparatoire à la cirrhose", affirme le docteur Jean-Claude Nouët, président de la fondation Droit animal, éthique et sciences (LFDA).

    En 1998, un rapport du Comité scientifique européen sur la protection et la santé des animaux décrivait le gavage, dans son ensemble, comme un procédé "préjudiciable au bien-être des oiseaux". Constatant que la quantité importante d'aliments intubés à grande vitesse "provoque immédiatement une distension de l'oesophage, une augmentation de la production thermique et du halètement et l'excrétion de matières fécales semi-liquides", ces experts ajoutaient que le taux de mortalité des oiseaux pendant la période de gavage se situe entre 2 % et 4 %, soit 10 à 20 fois plus que chez les oiseaux non gavés (0,2 %).