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Pegasus : pourquoi l’État français ne condamne pas le régime marocain
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Pegasus : pourquoi l'État français ne condamne pas le régime marocain (revolutionpermanente.fr)
Les premiers résultats de l’enquête sur Pegasus confirment que le logiciel de surveillance a bien été utilisé par le Maroc pour espionner des journalistes français. Le royaume aurait également ciblé des membres du gouvernement et même Emmanuel Macron en personne ; pourtant, l'Elysée se mure dans le silence.
Il y a quelques jours, des révélations sur le logiciel de surveillance Pegasus, développé par l’entreprise israélienne NSO Group, ont montré comment les États s’équipent pour contrôler et réprimer l’opposition politique, sous couvert de lutte contre le terrorisme. Une enquête menée par plus de 80 journalistes issus de 17 médias et 11 pays différents et coordonnée par Forbidden Stories avec le soutien technique d’Amnesty International a mis en lumière un système de surveillance qui cible notamment des journalistes et des militants ou opposants politiques, mais aussi des représentants politiques. Pourtant, NSO Group certifie que l’utilisation du logiciel se limite à la lutte antiterroriste et anti criminalité.
En Inde, Narendra Modi a utilisé le logiciel pour consolider son pouvoir en sélectionnant 2000 numéros d’opposants politiques, de militants des droits humains et de journalistes pour une surveillance potentielle. En Hongrie, parmi les 300 numéros ciblés figurent ceux de journalistes indépendants ayant révélé des scandales sur l’enrichissement de proches du premier ministre Viktor Orban. D’autres Etats comme l’Azerbaïdjan, ou encore le Mexique, sont également mis en cause.
Mais en France, l’affaire se concentre sur les services de renseignement du royaume marocain. En effet, selon Le Monde, la quasi intégralité des patrons des journaux indépendants du pays étaient sous surveillance, ainsi qu’une trentaine de journalistes français dans des rédactions du Monde, du Canard Enchaîné, de France Télévision ou encore du Figaro.
Pire, plusieurs membres du gouvernement français, dont Emmanuel Macron en personne, auraient été espionnés par les services de la couronne. Une telle révélation sur les services secrets d’une puissance « adverse » de la France, comme la Russie ou la Chine, aurait provoqué une crise diplomatique majeure, rien que sur la question de l’espionnage des journalistes. Pourtant, alors même qu’il s’agit également de représentants de l’État, l’Élysée reste très discret sur l’affaire, et se contente de parler de faits « extrêmement graves, s’ils sont avérés ». « Il serait un peu irresponsable de notre part de dire des choses tant que nous ne savons pas exactement ce qu’il en est, et les mesures éventuelles que cette situation pourrait appeler de notre part », développe à peine Jean Castex.
D’une part, ce silence relatif s’explique par l’embarras de voir les failles de sécurité au sommet de l’État révélées au grand public. Mais, surtout, si l’affaire Pegasus a jeté un froid entre la France et le Maroc, le pays n’en reste pas moins un allié majeur de l’impérialisme français en Afrique du Nord, et une crise diplomatique majeure n’est pas souhaitable pour Paris. À l’Élysée, on préfère donc que cette affaire se tasse, et ne surtout pas l’alimenter en faisant des déclarations publiques.
L’État français a toujours entretenu des liens privilégiés avec le régime marocain, hérités de la colonisation française. C’est d’ailleurs le Maroc qui est choisi comme première visite hors Europe de Macron après son élection, et le roi Mohammed VI est le premier chef d’État étranger à être reçu à l’Élysée par le fraichement élu Président Hollande. C’est un partenaire commercial majeur, avec plus de 750 filiales françaises implantées au Maroc, et un accès privilégié pour la France au marché africain. Parmi les États du Maghreb considérés comme instables depuis les Printemps arabes, le Maroc est un appui important dans la région, de part la stabilité de son régime (qui repose en partie sur une répression sans merci des opposants politiques au régime). Enfin, le Maroc collabore étroitement avec l’Union Européenne dans la lutte contre l’immigration, de par sa position géographique qui en fait un point de passage vers l’Espagne.
En somme, le Maroc reste un allié stratégique et économique majeur pour l’impérialisme français, qui ne peut pas se permettre de déclencher une crise diplomatique avec un de ses appuis principaux dans le Nord de l’Afrique.