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    Hollande joue gros sur la négociation sociale

    Lien publiée le 10 janvier 2013

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) François Hollande ne sera pas dans la salle, ni même à Paris. Il sera à Bordeaux pour parler d’investissements d’avenir et de bataille pour l’emploi, les deux priorités qu’il a affichées en ce début d’année. Mais il guettera avec impatience l’issue de l’ultime séance de négociations entre les partenaires sociaux, prévue jeudi. Elle promet d’être houleuse tant le sujet, la sécurisation des parcours professionnels, divise les syndicats et le patronat. Elle est aussi cruciale pour le nouveau pouvoir qui a fait de la démocratie sociale une des pierres angulaires de sa politique.

    « Le dialogue social, ce n’est pas une contrainte. C’est une condition pour atteindre nos objectifs », expliquait François Hollande début juillet lors de l’ouverture de la grande conférence sociale convoquée juste après son élection. Le chef de l’État est convaincu que le modèle français est en bout de course et que, pour parvenir à des changements en profondeur de la société, alliant croissance économique et droits sociaux, salariés et patrons doivent parvenir à un compromis au-delà de la seule loi.

    « Présider, pour François Hollande, c’est utiliser les corps intermédiaires. On a besoin de dialogue, de fond, pour structurer nos réponses, nous expliquait pendant la campagne un de ses très proches, devenu ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll. Le principe de base, c’est que le Président doit donner des impulsions et des orientations. Mais pour qu’elles soient effectives, il doit avoir des relais dans la société. » « Le dialogue social est à la base de la pensée politique de François Hollande et c’est une conception et du gouvernement et de la société », abonde Jean Grosset, numéro 2 de l’Unsa (union nationale des syndicats autonomes) et fidèle du Président.

    Par le passé, Hollande a toujours revendiqué son ancrage social-démocrate, quitte à rompre avec une tradition plus conflictuelle du PS. Ses proches se disent même « traumatisés » par la gestion des 35 heures sous Lionel Jospin, finalement réglées par la loi aux dépens de la négociation collective. « Privilégier le contrat par rapport à la loi, c’est plutôt original en France ! C’est une autre conception, sociale-démocrate, que ce qu’a fait le PS historiquement », rappelle Jean Grosset.

    De ce point de vue, Jean-Marc Ayrault est son jumeau : il l’a à nouveau expliqué dans sa tribune publiée début janvier dans Le Monde détaillant son « nouveau modèle français ». « Nous n'y réussirons qu'en rassemblant nos forces, et c'est pourquoi le gouvernement a fait le choix d'une méthode : le dialogue et la coopération entre l'État, la société civile – partenaires sociaux, associations et citoyens – et les collectivités territoriales. La concertation et la négociation peuvent susciter des impatiences, elles sont moins médiatiques qu'une série d'annonces précipitées et sans lendemain ; mais cette méthode est la condition de réformes intelligentes et durables », écrit le premier ministre.

    « Le dialogue social est un élément constitutif du nouveau modèle français. Car au-delà de la méthode, cela correspond à une conception de l’action politique. Le Président et le premier ministre pensent qu’on ne transforme pas la société par la loi ou par décret mais quand les acteurs du mouvement social s’approprient les réformes et les mettent en pratique », explique un conseiller du gouvernement. Avant d’ajouter : « C’est une des conditions du changement et de sa durabilité. »

    Avec l’ultime séance de négociation prévue jeudi, et qui pourrait se poursuivre vendredi, c’est toute la dynamique inaugurée avec la conférence sociale de juillet qui est dans la balance. En cas d’échec, la méthode voulue par François Hollande et son premier ministre serait sérieusement écornée. « C’est aussi pour cela qu’il y a autant de tensions autour de cette négociation. Les enjeux vont au-delà des thématiques abordées, et qui sont déjà délicates. C’est tout le processus imaginé pendant la campagne et mis en place depuis juillet qui est en jeu », admet un proche du chef de l’État.

    « Tout dépend de comment ils ne vont pas signer »

    Pour l’instant, rien n’est joué : la CGT a déjà annoncé qu’elle ne signerait pas l’accord qui devrait prévoir davantage de droits pour les salariés (notamment des représentants au conseil d’administration des entreprises et une taxation des contrats courts) en échange d’une plus grande flexibilité pour les patrons (notamment en matière de licenciements). FO devrait suivre le même chemin, « sauf miracle », a dit mercredi Jean-Claude Mailly. À l’inverse, la CFE-CGC et la CFTC devraient signer. Et comme il faut le paraphe de trois syndicats de salariés sur cinq pour qu’un accord soit valide, la CFDT est, une nouvelle fois, en position pivot. Contrairement à la CGT, elle n’est pas opposée par principe à la “flexisécurité” mais sous certaines conditions qui placent sous pression son nouveau secrétaire général Laurent Berger.

    Mais même si l’accord est finalement validé par le patronat et trois syndicats, il sera loin du « compromis historique entre la CGT et le Medef » promis par l’Élysée il y a plusieurs mois. L’été dernier, certains conseillers évoquaient même l’espoir d’un texte aussi important que les négociations de 1936 sous le Front populaire. Pour mémoire, le dernier grand accord interprofessionnel signé en France le fut en 2008. À l’époque, Nicolas Sarkozy était parvenu à obtenir la signature de quatre centrales syndicales, la CFTC, la CFDT, la CFE-CGC et FO. Toutes avaient par exemple validé l’instauration de la rupture conventionnelle du contrat de travail (lire notre enquête).

    Hollande, chantre du dialogue social, ferait donc moins bien que Nicolas Sarkozy, converti à la fin de son quinquennat en fossoyeur des corps intermédiaires ? Les conseillers du pouvoir socialiste ne veulent pas y penser. Et minorent l’importance de la liste des signataires. Ils jurent n’avoir jamais cru à la signature de la CGT et avoir toujours pensé que FO était imprévisible. « Tout dépend de comment ils ne vont pas signer », explique un proche de Jean-Marc Ayrault. En termes clairs : même avec trois signataires, si la CGT et FO ne claquent pas la porte en appelant deux mois plus tard à une grande manifestation nationale à Paris, tout ira bien. Et comme les deux centrales ne s’entendent pas du tout, l’Élysée se dit serein. « On doute d’une mobilisation de millions de personnes par la CGT », explique un conseiller.

    « C’est sûr qu’on préférerait qu’il y ait un accord. Un échec serait un accroc assez profond à la méthode choisie et ralentirait la course du dialogue social, ce qui ne serait une bonne chose ni pour le gouvernement ni pour les partenaires sociaux », admet un observateur. Mais, estime un proche du premier ministre, « dans tous les cas, ce ne sera pas la fin d’un modèle, ce ne sera qu’une étape. Hollande et Ayrault ne varieront pas là-dessus, c’est une conviction très profonde ».

    Un échec ou un accord bancal risque pourtant de renforcer le sentiment d’une rupture entre l’exécutif et une partie de l’électorat de gauche, qui s’est déjà manifestée au sujet de Florange et du débat entre le ministre délégué au budget Jérôme Cahuzac et l’ancien candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon. Car l’équilibre politique revendiqué par François Hollande, qui récuse l’étiquette de social-libéral, repose d’un côté sur la reconnaissance de l’importance des entreprises – c’est, entre autres, le sens des 20 milliards d’euros de cadeau fiscal faits dans le cadre du pacte de compétitivité (Cice) – et, de l’autre, sur de nouveaux droits pour les salariés.

    Le gouvernement a d'ores et déjà promis d'en passer par une loi en cas d'échec. Elle serait examinée dès février.