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Au revoir Bebel
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Au revoir Bebel. – Arguments pour la lutte sociale (aplutsoc.org)
La mort de Jean-Paul Belmondo, ce 6 septembre 2021 à l’âge de 88 ans, a une résonance rare et significative dans le cœur d’une grande masse d’hommes et de femmes, bien souvent de condition modeste, pour qui Bebel, c’était, c’est le cinéma, avec un grand C : un cinéma dont le caractère populaire n’est jamais synonyme de médiocrité.
Chacun se remémore des souvenirs d’enfance ou de jeunesse, des séances de cinéma, des couvertures de magazines, des affiches de films ou des soirées télévisées en famille. C’est cette mémoire commune et partagée qui produit aujourd’hui un concert de réactions d’inconnus bien plus touchantes que celles d’opportunité de personnalités politiques et médiatiques, de Marine le Pen à Emmanuel Macron, vis à vis desquelles Belmondo n’était pas avare d’un mépris insolent.
Nombreux sont ceux qui se sont reconnus, projetés ou évadés devant le jeu d’acteur de Belmondo, cette « gueule » taillée à la serpe, à la réplique tranchante et facétieuse : de la Nouvelle Vague qu’il a contribué à populariser, aux comédies grand public, Bebel, c’était l’irrévérence, l’impertinence et l’autodérision, qui lui donnaient panache et élégance : une sorte de fierté ridicule qui traduisait une certaine humilité, et beaucoup d’humanité. Rien d’étonnant dès lors que cette attitude, dans les films comme dans la vie publique, face à n’importe quel interlocuteur, particulièrement les plus « importants », ait pu avoir un fort écho dans les milieux populaires.
Belmondo, c’est aussi la transmission : celle d’une culture cinématographique donnée en partage par des parents ou des grands parents aux jeunes générations.
Bien qu’il ne se soit pas caractérisé par son engagement social, nombre de militants ouvriers rappellent aujourd’hui qu’il fut le président du Syndicat Français des Acteurs, affilié à la CGT, de 1963 à 1966. Disons-le : sans cet engagement, qui est cependant le fruit du contexte politique et social de l’époque, Bebel resterait, pour ce qu’il a représenté par sa filmographie, sa manière d’être et le phénomène culturel qu’il a incarné, une référence commune d’appartenance qui en elle-même mérite un hommage.
Mais nous ne pouvons nous empêcher de relayer ce qu’il disait dans le journal de la CGT, La vie ouvrière, en 1964, parlant de son syndicat :
« C’est un syndicat comme les autres. Je sais que vous allez penser aux vedettes, aux gros cachets… Nous sommes quoi, une dizaine peut-être ? N’en parlons pas, car là il ne s’agit plus à proprement parler de notre métier d’acteur. Nous sommes traités à ce niveau non pas comme des comédiens, mais comme des marques de pâte dentifrice. Ce n’est pas ça le spectacle. Le spectacle, ce sont les quelque vingt mille comédiens, acteurs de cinéma, de théâtre, de télé, qui travaillent quand on veut bien leur en donner l’occasion et dont beaucoup ont bien du mal à vivre de leur métier, ce métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Et ceux-là, je vous assure, ils ont besoin d’être syndiqués et de se battre pour la vie. J’ai des tas d’amis qui travaillent trois mois par an et moins parfois. Mais il faut manger pendant douze mois. Les sources d’emploi, voilà le problème. »
Et en 1965, alors réélu à la tête du syndicat, il affirma :
« Si nous faisons tous partie de la CGT, c’est parce que c’est le seul syndicat qui nous soutienne. »
Voilà sans doute une belle leçon pour ceux qui aujourd’hui sont trop occupés par la préservation des intérêts d’appareil plutôt que par la défense des intérêts de notre camp et l’unité d’action. Un dernier mot :
« Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville… allez vous faire foutre ! ».
Salut l’artiste !
Alexis Mayet.