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    Davet et Lhomme : "Nous avons cherché à démasquer Macron"

    Lien publiée le 16 octobre 2021

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    ENTRETIEN. Gérard Davet et Fabrice Lhomme : « Nous avons cherché à démasquer Emmanuel Macron » (ouest-france.fr)

    Les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme publient, cette semaine, « Le traître et le néant » aux éditions Fayard. Une enquête de 630 pages sur l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron et son quinquennat. « Certains trouveront que l’image renvoyée du Président n’est pas si mauvaise, d’autres qu’elle est accablante », expliquent-ils.

    « La plupart des membres de la classe politique, de droite comme de gauche, sont passés à côté d’Emmanuel Macron. Très jeune, inexpérimenté, jamais élu, il se lance au dernier moment. Aucun n’a imaginé qu’il deviendrait Président, » expliquent Gérard Davet et Fabrice Lhomme. « Des consignes ont été données par l’Élysée pour ne pas nous rencontrer. On est dans un système quasi monarchique faisant que le Président, quel qu’il soit, inquiète. Cette inquiétude est, aujourd’hui, poussée à l’extrême. C’est ce qui nous a convaincus encore plus de poursuivre notre enquête », expliquent Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Ouest-France a rencontré les deux journalistes à l’occasion de la sortie de leur livre Le traître et le néant, aux éditions Fayard.

    Quelles différences voyez-vous entre les trois derniers présidents, auxquels vous avez consacré un livre ?

    Tous trois ont une soif inextinguible de pouvoir, même si Emmanuel Macron la dissimule plus que les autres. Nicolas Sarkozy est facile à cerner. On l’aime ou on ne l’aime pas, mais sa personnalité est claire. François Hollande, plus difficile d’accès, a une politique sociale-démocrate bien identifiée. Emmanuel Macron, lui, n’est identifiable ni humainement, ni politiquement. C’est le sujet de notre livre. Nous avons cherché à le démasquer. À montrer que derrière sa personnalité apparemment insaisissable et une politique faite de zigzags, il y a en fait une cohérence.

    Quelle est-elle ? Qui est vraiment Emmanuel Macron ?

    Son côté dissimulateur, manipulateur, revient régulièrement. C’est quelqu’un qui se cache et cache ses objectifs. Nous les mettons au clair. Il est libéral en politique et, sur le plan personnel, il avait un plan prémédité pour accéder au pouvoir. Quitte à trahir François Hollande et le parti socialiste.

    À quand remonte cette préméditation ?

    Depuis ses débuts comme inspecteur des finances, si l’on en croit Alain Minc. Il annonce vouloir devenir président de la République très tôt. Il bénéficie d’ailleurs d’un réseau extraordinaire. Des hommes d’affaires de poids ont tout mis en œuvre pour l’installer, avec un financement de sa campagne par des personnages ayant touché des commissions sur des cessions d’entreprises que lui-même avait validées en tant que ministre de l’Économie. Ce qui pose évidemment question.

    Des signalements ont d’ailleurs été faits au procureur de Paris sur ce point…

    Oui, mais le dossier n’avance pas. C’est une constante. Bien des affaires visant la Macronie sont au point mort. Celle concernant Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée ; l’affaire Alstom ; le cas Ferrand… Cela ne veut pas dire que la justice ne fait pas son travail, mais nous pensons qu’une méthode est à l’œuvre pour « calmer » tout ça. La nomination d’Éric Dupond-Moretti, à cet égard, est très importante. Pas un seul gouvernement, depuis le début de la Ve République, n’aurait conservé un garde des Sceaux mis en examen pour prise illégale d’intérêts. Emmanuel Macron, lui, ne fait que peu de cas de cela. C’est assez fascinant. La morale, l’éthique ne sont manifestement pas essentielles pour lui.

    Emmanuel Macron est un tacticien hors pair, maître dans l’art de brouiller les pistes

    Personne n’a vu venir la volonté d’Emmanuel Macron d’accéder au pouvoir ?

    La plupart des membres de la classe politique, de droite comme de gauche, sont passés à côté. Très jeune, inexpérimenté, jamais élu, il se lance au dernier moment. Aucun n’a imaginé qu’il deviendrait Président. C’est un tacticien hors pair, maître dans l’art de brouiller les pistes. Il a ensorcelé la plupart de ses interlocuteurs, en disant à chacun ce qu’il avait envie d’entendre.

    En commençant par François Hollande, particulièrement naïf dans cette histoire ?

    Nous avons revu l’ancien chef de l’État à ce sujet. Il ne s’explique toujours pas sa propre cécité à l’égard d’Emmanuel Macron.

    Gérard Davet, journaliste au « Monde ». | YANN CASTANIER / OUEST FRANCE

    Vous écrivez à plusieurs reprises qu’il a un pouvoir extraordinaire pour « fasciner les vieux hommes de pouvoir » ?

    Ils sont effectivement quelques-uns à le dire. Le « truc » d’Emmanuel Macron est qu’il est séducteur, charismatique, malin, faisant croire à la personne qu’il a en face de lui qu’elle est la plus importante du monde. Il renvoie à ses interlocuteurs plus âgés l’image de ce qu’ils ont été ou de ce qu’ils auraient voulu être. Et Brigitte Macron joue un rôle majeur dans cette mécanique. Elle est présente à chaque moment important.

    Vous constatez également qu’Emmanuel Macron ne « renvoie jamais l’ascenseur » à ceux qui l’ont aidé ?

    C’est ce que nous ont dit une grande partie des personnes qui lui ont permis de grimper des échelons sociaux ou professionnels. Il a une cohorte de déçus derrière lui, ce qui finira par lui poser problème. Il ne le dira jamais publiquement, mais Jacques Attali est l’un des grands déçus. Il a trouvé plus fort que lui en termes d’ingratitude, d’orgueil et d’ego. François Hollande a déçu beaucoup de monde, lui aussi. Mais Emmanuel Macron se situe à un niveau au-dessus dans ce registre.

    Comment pensez-vous que votre livre sera accueilli ?

    On ne le sait jamais. Quand nous avons publié le livre sur le quinquennat de François Hollande, nous n’étions pas sûrs qu’il intéresse les Français. Non seulement, il a été un best-seller, en plus il a eu des conséquences politiques. Y a-t-il dans Le traître et le néant les ingrédients pour bousculer et déranger Emmanuel Macron ? Nous pensons que oui. On a le sentiment d’avoir réussi à mettre des mots sur des sensations que peuvent éprouver les Français à l’égard du Président depuis quatre ou cinq ans, mais sans bien les comprendre.

    Le traître et le néant peut-il le « bousculer » autant qu’Un président ne devrait pas dire ça avait bousculé François Hollande ?

    Ce nouveau livre n’a pas le même potentiel déflagratoire. Il ne contient pas de phrases à l’emporte-pièce du Président ou de révélations invraisemblables de sa part, mais il dessine une personnalité qu’Emmanuel Macron n’avait sûrement pas envie de voir dévoilée. Sa crainte, et celle de son entourage, alors qu’il a une bonne cote de popularité, c’est que les gens ressortent de cette lecture en ayant une très mauvaise image de lui. Qu’elle s’imprime dans l’esprit des Français et fasse bouger les choses.

    Il a la crainte de s’entourer de personnalités qui pourraient lui faire de l’ombre. Qui a trahi a peur d’être trahi.

    Le portrait d’ensemble est tout de même très « à charge »…

    On a déjà entendu ce type de critiques pour nos précédents livres, sur Nicolas Sarkozy et François Hollande, mais ce n’est absolument pas le cas. On ne peut pas résumer un Président à ses écarts de comportements, de langage, ou même à sa politique. Emmanuel Macron a fait des choses très bien, tout comme ses prédécesseurs. Mais il a aussi des zones d’ombre dans l’exercice du pouvoir. C’est en levant le voile sur ces zones d’ombre que l’on éclaire une démocratie. Certains trouveront que l’image renvoyée n’est pas si mauvaise, d’autres qu’elle est accablante, au contraire. Mais ce n’est pas à nous de conclure. Nous sommes journalistes. Juste journalistes.

    À la fin du livre, vous dressez la longue liste de tous ceux qui n’ont pas voulu répondre à vos sollicitations. Emmanuel Macron fait-il si peur ?

    Des consignes ont été données par l’Élysée pour ne pas nous rencontrer. On est dans un système quasi monarchique faisant que le Président, quel qu’il soit, inquiète. Cette inquiétude est, aujourd’hui, poussée à l’extrême. C’est ce qui nous a convaincus encore plus de poursuivre notre enquête. Heureusement, nous avons pu rencontrer pas mal de témoins, y compris dans l’entourage du Président : Marlène SchiappaChristophe CastanerBenjamin Griveaux, Sibeth Ndiaye… Beaucoup ont un langage de vérité sur Emmanuel Macron. Daniel Cohn-Bendit dit qu’il n’a pas été un bon Président. Alain Minc dit qu’il ne connaît pas les Français.

    Emmanuel Macron est entouré de gens qui sortent des meilleures écoles, mais qui ne connaissent pas le pays.

    Il ne connaît pas les Français, vraiment ?

    Il est entouré de gens qui sortent des meilleures écoles, mais qui ne connaissent pas le pays. C’est le problème majeur de cet exécutif, et d’Emmanuel Macron lui-même. Lui aussi connaît très peu le pays. Un de nos témoins dit qu’il est « le premier Président confiné de la Ve République ». Il a rencontré sa future femme dès l’âge de 15 ans, a enchaîné sur des études dans de grandes écoles, puis l’ENA, la banque Rothschild, l’Élysée… À quel moment est-il sorti ? Quand a-t-il vu les gens, la vie ? Ce n’est absolument pas honteux, mais pour être Président, c’est quand même un manque. C’est aussi un très mauvais DRH.

    C’est-à-dire ?

    Il ne sait pas gérer les gens. Il a clairement un problème de personnel politique. Beaucoup ne sont pas au niveau dans son entourage, composé de renégats du socialisme bien peu compétents et de gens de droite venus à lui par pur opportunisme. Benjamin Griveaux, Agnès BuzynNathalie Loiseau : les exemples de mauvais casting sont extrêmement nombreux. Et il a la crainte de s’entourer de personnalités qui pourraient lui faire de l’ombre. Qui a trahi a peur d’être trahi. Il a remplacé Édouard Philippe au moment où la cote de popularité de ce dernier était très élevée. Il n’avait aucune raison objective de le faire, si ce n’est que ce Premier ministre prenait trop d’envergure.

    Fabrice Lhomme, journaliste au « Monde ». | YANN CASTANIER / OUEST FRANCE

    Ces « mauvais castings » expliquent les échecs de LREM aux élections locales ?

    Emmanuel Macron n’a pas essayé de structurer son propre mouvement, dont il se fiche complètement. En Marche a monté une majorité hétéroclite sur la base de tableurs informatiques, ce que les Macronistes disent eux-mêmes. Ils ne sont pas partis du peuple, n’ont aucun référents régionaux réels, ne forment qu’une armée de cliqueurs. Est-ce que ça peut marcher ? La preuve que non.

    La Macronie est volontairement indéfinissable. Un coup à gauche, un coup à droite…

    Vous qualifiez de « néant » l’idéologie portée par son mouvement. Vraiment ?

    La Macronie est volontairement indéfinissable. Un coup à gauche, un coup à droite… Cela renvoie une impression de vide politique. Cela contamine également les oppositions qui ne savent plus comment se positionner. On voit bien l’embarras de la droite républicaine. Quelle différence entre Xavier Bertrand et Édouard Philippe ? Le phénomène était déjà à l’œuvre avant Emmanuel Macron, avec un PS et des Républicains en très mauvais état, mais il n’a pas remis de la clarté dans le paysage politique. Il l’a délibérément rendu encore plus confus. Sa stratégie se résume à : « C’est moi ou le chaos. Vous ne pouvez plus que voter pour moi, sinon c’est l’extrême droite. »

    Ce qui peut le faire gagner en 2022 ?

    Attention, en jouant aux apprentis sorciers, on peut brûler le pays. L’union de l’extrême droite et sa victoire ne sont plus une hypothèse d’école. Du néant peut surgir le chaos. Et déboucher sur un Eric Zemmour à 17 %.


    Le traître et le néant, aux éditions Fayard, 630 pages, 24,50 €.