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Rwanda : le viol des femmes tutsi par des soldats français
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La chaine de télévision Arte propose un documentaire que l’on peut voir en replay jusqu’au 25 mai prochain : Rwanda : le silence des mots, co-réalisé par l’auteur et musicien franco-rwandais Gaël Faye et le réalisateur Michael Sztanke. Il est consacré aux témoignages de quatre femmes tutsi victimes des génocidaires hutu, puis victimes de viols par les militaires français dans le cadre de l’opération Turquoise en 1994.
Le courage et la dignité de Marie-Jeanne, Concessa, Jacqueline et Prisca rendent ce documentaire remarquable même si les témoignages de leur calvaire infligé d’abord par les miliciens hutu Interahamwe puis ensuite par les soldats français sont éprouvants à écouter.
Les trois premières étaient réfugiées dans le camp de Nyarushishi, elles subiront chaque nuit les viols des légionnaires français supposés protéger les populations civiles. Elles racontent comment les soldats le jour faisaient le repérage des tentes où vivaient les jeunes filles pour, la nuit venue, les emmener de force. Marie-Jeanne raconte son agression par des soldats français alors qu’elle était en train de ramasser du bois avec son enfant sur le dos. Violée elle est abandonnée dans un fossé pendant trois jours.
Prisca, elle, est au camp de Murambi, les jeunes filles et femmes sont dans différents bâtiments selon leur âge. Elle sera comme d’autres, victime de viols. Les soldats venant chercher les jeunes filles pour abuser d’elles dans une salle attenante.
Justice lente et déni de l’armée
C’est grâce à la ténacité de la docteure Annie Faure que les premières plaintes vont être déposées en justice en 2004 pour les viols commis. Mais cinq ans après, rien n’avance. Annie Faure décide d’un changement d’avocat, la justice commence à enquêter. La juge d’instruction du Tribunal aux armées de Paris considère la plainte comme recevable, le Parquet qui dépend du ministère de la Justice fait appel. Il sera rejeté en 2010. L’affaire est confiée au pôle crimes contre l’humanité et crimes de guerre, et est toujours en cours. La lenteur avec laquelle cette plainte est traitée est révoltante. La justice rendue permet aux victimes le difficile travail de reconstruction. Pour l’instant la France leur dénie ce droit.
Ce n’est pas la première fois que des accusations sont portées contre les militaires français lors des OPEX (opérations extérieures). En Centrafrique, dans le cadre de l’opération Sangaris, des soldats français étaient accusés par des enfants d’agressions sexuelles en échange de nourriture. Les accusés ont été relaxés par manque de preuves formelles suite à une enquête, sujette à critiques, de la gendarmerie prévôtale (structure intégrée aux OPEX habilitée à mener des investigations à l’extérieur de la France).
Complicité avec les génocidaires
Lors de la guerre au Rwanda contre le Front patriotique rwandais en 1990 majoritairement tutsi, l’armée française a aidé et encadré les forces armées rwandaises et a été témoin de la préparation méthodique du génocide qui se déroule en 1994. Si les soldats français quittent le Rwanda quelques jours après le déclenchement du génocide, le soutien de la France aux extrémistes hutu sera total. Les soldats français vont revenir au Rwanda cette fois-ci sous le prétexte d’opération humanitaire avec Turquoise. Ils étaient supposés protéger les victimes de leurs frères d’armes des forces rwandaises. À défaut de défendre réellement les Tutsi, cette opération permettra surtout aux génocidaires de fuir vers le Zaïre (l’ancien nom de la République démocratique du Congo).
Si le rapport Duclert, commandé par Macron, sur l’implication de la France dans le génocide au Rwanda, documente la compromission des autorités françaises avec les génocidaires, il est en revanche quasiment muet sur la question des violences de genre dont se sont rendus coupables des membres des forces françaises. Pourtant les faits sont connus et déjà mentionnés dans le rapport rwandais Mucyo (du nom de son président). Comme l’indique la chercheuse Caroline Williamson Sinalo1 : « La réduction des crimes commis par des militaires français à des dommages collatéraux inévitables contribue à banaliser particulièrement les violences sexuelles françaises, exonérant les responsables et exaspérant les conséquences dévastatrices pour les victimes. »
En donnant la parole aux victimes des violences sexuelles, ce documentaire lutte contre cette banalisation. Espérons qu’il puisse contribuer à accélérer le traitement judiciaire des plaintes déposées.
- 1.Williamson Sinalo Caroline (2021), « Un génocide dé-genré ? Une analyse sexospécifique du rapport Duclert », Revue d’histoire contemporaine de l’Afrique, « Dossier : au-delà du rapport Duclert », pp. 41-51.