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Annie Ernaux, la force de l’écriture féministe
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Annie Ernaux, la force de l’écriture féministe | L’Anticapitaliste (lanticapitaliste.org)
Le prix Nobel de littérature vient de lui être attribué. Annie Ernaux est la 17e femme récompensée (sur 115 lauréats). À cette occasion, une de nos camarades revient, à la première personne bien sûr, sur sa découverte de l’autrice qui a si bien décrit la vie, les émotions et les combats des femmes.
J’étais adolescente, vivant dans un petit village. J’étais habituée aux livres de poche, aux livres d’hommes, morts de préférence, ayant peu accès aux auteurEs contemporains. On m’offrit la Place. Je fus si éblouie par ce magnifique grand livre couleur crème que je m’acharnais à le lire et le relire. Ce n’était pas simple, si différent de mes lectures habituelles. L’écriture à l’os, cette « écriture blanche », peu séduisante, demandait une vraie implication de la lectrice que j’étais.
C’était le début des années 1980, le combat féministe était entre deux vagues. Un secrétariat d’État était là, croyait-on, pour s’occuper des droits des femmes. On pouvait encore un peu croire aux promesses du gouvernement socialiste. On commençait à être bousculé par le sida.
La Place fut pour moi un pivot, un moment de rupture. Lecture après lecture, ce récit me ramenait non à ma vie — j’étais bien trop jeune pour cela — mais à ce qu’était la vie des femmes qui m’entouraient. L’écriture d’Annie Ernaux me permit d’entrer dans le cercle sororal des femmes. Son « je », parce qu’il est universel, devint mon « je ».
Lire ce qu’est notre vie, notre histoire personnelle, nos expériences intimes, est essentiel pour prendre conscience qu’elles sont universelles.
On sait, depuis, la place qu’Annie Ernaux a pris dans la littérature et combien elle a été précurseuse. On sait aussi la part qu’elle a pris dans le combat féministe et dans le combat social.
Annie Ernaux s’est engagée contre l’interdiction de manifester en 2015 après les attentats et ensuite pour soutenir les Gilets jaunes. Elle a écrit pendant le premier confinement : « Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde dont l’épidémie révèle les inégalités criantes ».
Au-delà de la littérature, grâce à la littérature, lire Annie Ernaux donne aux femmes la force d’entrer dans la lutte féministe et sociale qui est aujourd’hui essentielle.