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    Habitants fichés, armes illégales, chef policier exhibitionniste : Wissous, un Far-West francilien

    Lien publiée le 29 juin 2023

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Habitants fichés, armes illégales, chef policier exhibitionniste : Wissous, un Far-West francilien (blast-info.fr)

    En juillet 2022, la découverte du fichage illégal d’une partie de la population de la commune de l’Essonne avait suscité l’émoi. Saisie, la CNIL avance : ses agents ont visité l’hôtel de ville et les locaux de la police municipale, dont le chef a été recasé par le maire... bien que suspendu par le préfet. Parallèlement, une enquête a été ouverte par le parquet et une double inspection diligentée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de l’administration (IGA). Nouvelles révélations sur des dérives en cascade.

    Un tiers des administrés fichés, des armes illégales retrouvées au poste de police municipale (PM), son chef interdit d'exercice mais réembauché en catimini (à un autre poste), un maire qui s'augmente seul et sans concertation (lire en encadré)... Ces événements ne se déroulent pas dans un lointain royaume d'opérette sous des cieux exotiques, à des heures de vol de là. Nou sommes en région parisienne : bienvenue à Wissous, petite enclave bananière sise à 11 kilomètres de la capitale française.

    Scandales sur un plateau

    Rien ne va plus à Wissous, 7 063 habitants, Essonne, depuis le 19 avril dernier. Ce jour-là, les fonctionnaires de la Commission nationale informatique et Libertés (CNILsont en ville pour un contrôle à la mairie et au siège de la police municipale. En cause, la découverte d’un fichier recensant des informations sur 1 240 administrés, un tiers de la population adulte de la commune. Heureusement, ce type de fichage est inédit en France. Il est parfaitement illégal.

    La façade de l’hôtel de ville de Wissous, visitée par la CNIL le 19 avril 2023.
     

    Avec son église romane du XIIème siècle, ses rues peu fréquentées et ses zones pavillonnaires, Wissous a les airs d’une commune sans histoires. Une bourgade presque rurale, d’ailleurs bordée de terres agricoles. Les apparences sont trompeuses.

    Depuis plus de dix ans, les Wissoussiens n’ont pas le temps de s'ennuyer tellement les scandales se multiplient sur le plateau de Longboyau. Aux saillies islamophobes de Richard Trinquier (maire UMP, LR puis Debout la République de la commune entre 1995 et 2008, puis de 2014 à 2021) ont succédé les révélations sur les dysfonctionnements de la PM et les découvertes sur la gestion aussi opaque que solitaire de son successeur divers droite Florian Gallant - passé lui aussi par le parti de Nicolas Dupont-Aignan.

    A la Une du journal municipal de juillet/août 2021, la passation de pouvoir entre Richard Trinquier et son héritier Florian Gallant.
     

    Le 19 avril dernier, ce qui devait arriver est arrivé avec la descente de la délégation de la CNIL à l’hôtel de ville et dans les locaux de la police municipale. Cette visite fait suite à l’enquête ouverte après la découverte dans ces mêmes locaux d’un fichier contenant les noms de 1 240 administrés. Ces révélations, faites par un agent, avaient fuité en juillet 2022 dans un blog.

    Si le contenu des fiches a été effacé, le nettoyage a néanmoins laissé des traces : un tableau Excel recensant le nom des citoyens fichés, oublié dans ces travaux de printemps. De cette liste, à ce jour, un seul patronyme est sorti publiquement : celui de Philippe de Fruyt. « J'ai porté plainte », raconte à Blast cet industriel, qui se dit abasourdi par cette affaire. Conseiller municipal LR, de Fruyt est aussi l'un des principaux opposants au maire en place. « Le vrai scandale, c'est le nombre de gens fichés et la durée : des éléments montrent qu'il a été mis en place dans les années 90 ! ».

    Adjoint aux finances, Florian Gallant a été réélu au conseil municipal en 2020 sur la liste Tout pour Wissous menée par Richard Trinquier, à qui il a succédé en juin 2021. Il est aux abonnés absents pour commenter l’affaire du fichage de sa population.
     

    Le chef et ses casseroles

    Mais qui est à l'origine de ce listing et des données qu’il rassemble ? A Wissous, personne n'en reconnaît la paternité : ni l'ancien maire Richard Trinquier, ni l'actuel Florian Galland, ni le chef de la police municipale. Les deux premiers affirment n'en avoir jamais rien su.

    Réélu en juin 2020, Richard Trinquier démissionne un an plus tard de son fauteuil de maire. Il se dit totalement étranger au fichage massif des habitants de la commune qu’il a dirigée.
     

    Romuald Platat, lui, se mure dans le silence. Seul agent y exerçant depuis sa création en 1995, le chef de la police municipale de Wissous ne s'est jamais expliqué sur ces faits. Il est au centre de la tourmente. Ce n’est pas la seule casserole qu’il traîne. Platat, 58 ans, les accumule : en plus de l'affaire du fichage, l’homme est visé par plusieurs plaintes déposées auprès du procureur d’Évry. Leurs auteurs sont des policiers ou ex-policiers municipaux. Pêle-mêle, ses subordonnés actuels et passés reprochent à leur chef de service ses injures et ses menaces, des humiliations, du harcèlement ainsi que la détention illégale d’armes (des tasers). Et, tant qu’on y est, même une exhibition : sur le réseau interne de la municipalité, des policiers ont découvert deux photos… de son sexe ! « Ce simple fait aurait dû lui valoir un licenciement », juge Cédric Michel, président du syndicat des policiers municipaux (SDPM).

    D’après nos informations, le procureur d’Évry a ouvert en décembre dernier une enquête préliminaire pour harcèlement moral, menaces avec armes, exhibition sexuelle et menaces par personnes dépositaires de l’autorité publique. Contacté par Blast, le parquet n’a pas donné suite.

    Romuald Platat, l’homme par qui les scandales explosent.
     

    Selon des témoignages recueillis par le syndicat, le très impulsif Romuald Platat a en particulier menacé un de ses hommes avec son arme de service. Alerté par un adhérent, Cédric Michel a adressé une plainte à la CNIL, qui a débouché sur la visite du 19 avril. Le 7 avril 2022, ce syndicaliste chevronné a demandé au procureur de la République la suspension de l'agrément de Platat. En clair, l’interdiction d'exercer le temps que la justice suive son cours. Le 6 mars 2023, le préfet de l’Essonne lui a retiré son agrément.

    Interdit par le préfet, réembauché en catimini

    Romuald Platat n'a pas souhaité répondre à nos questions, pas plus que le maire de la commune, également sollicité. Dommage. Car ce qui sidère le plus dans ce dossier, c'est le soutien indéfectible de l’édile au « premier flic » de la ville : en effet, c’est une info Blast, il l'a réembauché en catimini à un poste administratif, sans délibération du conseil municipal - ce qui est légalement très limite. Au fait, quel travail effectue le patron des policiers municipaux empêché ? « A une question en conseil municipal, le maire nous a répondu qu'il était chargé de la sécurité des manifestations et d'un futur collège, qui doit être construit », raconte le conseiller régional écologiste Jean-Luc Touly, adjoint (jusqu’en mars dernier) aujourd'hui en disgrâce.

    Nous l’avons vérifié, Platat est bien répertorié au standard de la mairie, ce qui prouve qu'il y a un bureau. Pour le reste, en attendant que le collège espéré existe (il est annoncé pour 2025), nous n’en saurons pas plus.

    Lors des législatives de 2022, Florian Gallant avait soutenu la candidature d’Amélie de Montchalin, faisant le grand saut des rangs souverainistes à ceux de la macronie.
     

    Plus sidérant encore, pendant qu’il soutient contre vents et marées le chef de sa police municipale embarqué dans de drôles d’histoires, Florian Gallant affiche son intransigeance en demandant la suspension de l'agrément de David D.. « C'est un comble : on demande à sanctionner le lanceur d'alerte », s'indigne Cédric Michel, au sujet de cet agent encarté au SDPM, qui a dénoncé le fichage litigieux. Mais là encore, le camouflet est retentissant pour le maire de la commune : le jour de l’annonce par le préfet de la suspension de l'agrément du chef de la PM, la procureure de la République adjointe Karine Vermes confirmait le maintien de celui de David D..

    Wissous c'est un peu spécial

    « En 20 ans de syndicalisme, je n'ai jamais vu une police municipale avec de tels dysfonctionnements, relève Cédric Michel. Mais apparemment, Wissous c'est un peu spécial ». Un euphémisme, vu les éléments du dossier. « Cette affaire est très sérieuse, estime de son côté Jean-Luc Touly, désormais sur les bancs de l’opposition municipale. Cela montre une dérive totalitaire et une espionnite aiguë très inquiétante ». Sans oublier, circonstance aggravante, que ce fichier qui intéresse beaucoup la CNIL revêt un caractère ethnique : dans les catégories de personnes fichées apparaît une rubrique... « gens du voyage ». 

    Une fiche référence des noms sous l’item « gens du voyage impliqués ».
    Document Blast (les ratures masquant les noms référencés ont été rajoutées par Blast).

    Trinquier, l’humour revanchard

    Ce fichage ethnique vient de loin. Depuis des années, Wissous fait les gros titres de l'actualité. La petite ville reste profondément marquée par le règne de Richard Trinquier.

    Le site estival de Wissous-plage, célèbre depuis 2014.
     

    Ce fort en gueule, surnommé « le shérif », a multiplié les dérapages islamophobes. En 2014, en toute illégalité, il interdit aux femmes voilées l'accès de Wissous-plage, attraction-phare de la saison estivale (1). En 2016, il relaie sur sa page Facebook un cliché nauséabond. On y voit deux femmes en niqab entourées de deux sacs poubelle, avec cette légende : « photo de famille »... Parfaitement reçu, le message entraîne une succession de commentaires clairement délictueux pour certains : « tuons les tous, femmes et enfants, Dieu reconnaîtra les siens », commente un internaute, « La bombe », lui répond un autre... « C'était sur ma page privée, c'était de l'humour », se défend aujourd'hui Trinquier. Avec ce sens de l’humour qui lui appartient, l’ex-fils d'un colonel partisan de l'Algérie française est très fier de ne jamais boire d'eau d'Evian à cause des accords éponymes (qui ont accordé l'indépendance à l'Algérie).

    Post publié le 30 octobre 2012 par Richard Trinquier, alors maire de Wissous.
     

    Je vais les fumer moi, les crouilles

    Sous l’ère Trinquier, le cirque de Wissous pétarade. Dominique Bouley, premier adjoint de l'époque, donne de son côté dans la bêtise la plus crasse : « s'ils croient qu’on risque de leur piquer leurs laiderons parce qu’elles montreraient leurs cheveux… Il faudrait vraiment avoir faim... ». Dans l’ambiance survoltée des conseils municipaux, Marc Mercier, alors président de la fédération française de catch, va jusqu'à l'appel au meurtre : « Je vais les fumer moi, les crouilles », lance ce brillant cerveau à une militante associative.

    Très alcoolisé selon les témoins de la scène, ce proche soutien du maire repartira tranquillement au volant de son véhicule sous le regard impassible du chef de la police municipale, qui ne mouftera pas.

    En 2018, c'est le dérapage de trop de l’ancien membre exclu des Républicains : sabre à la main, étoile de marshal à la veste et alcoolisé, le maire s'en prend à des gens du voyage. La scène est filmée et l’anesthésiste retraité est condamné à 6 mois de prison avec sursis. Suite à cet incident, la préfète de l’Essonne avait signé un arrêté en avril 2018 pour désarmer les policiers municipaux de Wissous. 

    Trinquier déclarera ne pas regretter sa réaction. Et affirmera avoir été mis en joue avec un fusil à pompe. Et le maire, toujours prompt à dénoncer le communautarisme (chez les autres, en l’occurrence les musulmans), convoquera sa culture et ses origines (vietnamiennes) pour justifier son geste insensé.

    Le 8 avril 2018, flanqué de deux policiers municipaux et d’un adjoint, Richard Trinquier sort son katana pour tenter d’empêcher des gens du voyage de s’installer à proximité d’une crèche. Il passera deux nuits en garde à vue. Il portait également un 9 mn.
     

    Cinq ans plus tard, ce lourd héritage ressurgit avec cette affaire de fichage aussi tordue qu’embrouillée, qui salit la police municipale. « Je n'ai jamais été au courant, je ne vois pas de quoi il s'agit, assure Richard Trinquier à Blast, et dans une petite ville comme la nôtre où tout le monde se connaît je n'en vois vraiment pas l'utilité ».

    En mai 2021, avec la démission de Trinquier et son remplacement un mois plus tard par son ancien adjoint aux finances, le très lisse Florian Gallant, les Wissoussiens pensaient en avoir enfin fini avec cet air de Western et ces scandales à répétition. L’espoir n’a pas duré longtemps et la commune de l’Essonne s’est conformée à sa légende.

    A Wissous, le pire est toujours au rendez-vous.

    (1) Son arrêté antivoile sera cassé par le tribunal administratif de Versailles

    Le maire s'auto-augmente

    Lors du conseil municipal du 6 avril, Florian Galland a fait voter par sa majorité l’augmentation d’une indemnité - la sienne -, parallèlement à la (petite) baisse de celles de ses adjoints (ramenées à 710 euros brut, soit 23 euros de moins) et des conseillers municipaux (130 euros, 9 euros retirés). Si l'indemnité du premier magistrat était particulièrement modeste (759 euros brut), et qu’elle le reste, elle se cumule avec celle qu'il perçoit de la communauté de communes (1 664 euros brut). Ses opposants jugent le moment particulièrement mal choisi, en plein scandale sur la police municipale et le fichage des administrés.

    Des frais de péage alors qu'il n'y en a pas

    « Ce n'est pas le niveau de cette rémunération qui me choque, confirme Jean-Luc Touly, élu avec l'actuelle majorité municipale mais passé à l'opposition, mais le moment et les arguments du maire. Il explique qu'il a des frais alors qu’ils peuvent être remboursés et il évoque des frais de péage alors qu'il n'y en a pas dans le département... ».

    Interpellé en conseil municipal, Galland réplique préférer payer ses frais lui-même sur son indemnité, et ne pas demander de remboursement public. Au passage, il s'épargne la nécessité de devoir les justifier. Et l’édile de Wissous ajoute avoir démissionné de son métier d'expert-comptable pour être un « maire à 200 % ».

    « C'est votre problème, pas le nôtre », a sèchement rétorqué son ex-colistier Jean-Luc Touly, dans une passe d'armes tendue. L’opposant relève par ailleurs que les maires d’autres communes voisines ont fait le choix de conserver leur emploi.

    Enfin, au sujet de la baisse des indemnités des adjoints et conseillers, Florian Galland évoque sans rire un souci de simplification... pour « arrondir » les sommes. Un argument massue.