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    Superprofits des banques : la France refuse toute surtaxation malgré le gavage

    économie

    Lien publiée le 18 février 2024

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Elucid) Au grand dam de la BCE, une douzaine de pays européens, dont l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique, ont appliqué une surtaxation des profits exceptionnels des banques, accumulés depuis 2022 à la faveur de la remontée spectaculaire des taux depuis un an et demi. En revanche, en France, où les banques sont de véritables mastodontes, la question n’est même pas un sujet au motif de « l’exception à la française » du secteur bancaire, qui octroie des crédits principalement à taux fixes et où l’épargne réglementée (massive) est rémunérée (partiellement) en fonction de l’inflation. Sauf qu’en réalité, cette particularité ne fait que retarder la flambée générale des bénéfices exceptionnels des banques. Et celles-ci réalisent déjà des profits records.

    Après la taxe sur les superprofits des géants du secteur de l’énergie au niveau européen, c’est au tour du secteur bancaire d’être sous le feux des projecteurs. Il faut dire que leurs profits atteignent des niveaux astronomiques. Selon les estimations consensuelles citées par les analystes de BNP Paribas Exane, le secteur bancaire devrait dégager 223 milliards d'euros de résultat net en 2023, contre 172 milliards d'euros en 2022 (qui était déjà une année exceptionnelle) et 123 milliards d’euros en 2021.

    Les banques européennes profitent à plein de la remontée des taux d’intérêt, qui s’est enclenchée en juillet 2022. En un peu plus d’un an, la Banque centrale européenne (BCE) a en effet relevé son taux directeur à dix reprises, passant de 0 % à 4 %. Objectif : tenter d’enrayer la flambée inflationniste qui a bousculé le paysage économique global depuis la fin 2021. Mécaniquement, les banques commerciales du Vieux Continent ont reporté cette poussée fiévreuse des taux sur ceux qu’ils appliquent pour les crédits qu’elles accordent aux particuliers et aux entreprises. Sans pour autant augmenter la rémunération des comptes courants de leurs clients (1)…

    En somme, elles ont profité du changement de paradigme pour gonfler leurs marges d’intérêt. À tel point que selon la banque suisse UBS, les profits d'intérêt des banques européennes devraient représenter quelque 378 milliards d’euros en 2023, contre 270 milliards en 2021. C’est 100 milliards de plus qu’il y a deux ans…

    Une douzaine d’États européens taxent déjà les superprofits des banques

    Face à de tels niveaux de bénéfices, plusieurs États européens se sont penchés sur la question d’une surtaxation. C’est l’Espagne qui a démarré le mouvement dès la mi-2022, avec une taxation temporaire sur les superprofits des banques, en même temps que celle instaurée dans le secteur énergétique. Le pays a décidé de frapper le Produit net bancaire (PNB)  des banques qui affichaient plus de 800 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019, à hauteur de 4,8 %. Résultat : 1,26 milliard d’euros collectés en 2022. Un chiffre qui devrait être similaire en 2023. Et désormais, le gouvernement souhaite rendre cette surtaxation permanente.

    Quelques mois plus tard, la Hongrie est allée encore plus loin en mettant en place une taxation à hauteur de 10 % du chiffre d’affaires des banques en 2022 et de 8 % en 2023. La République tchèque a quant à elle dégainé une surtaxe de quelque 60 % sur les bénéfices exceptionnels des banques, mais aussi des assureurs, des compagnies aériennes et des énergéticiens, et ce jusqu’en 2025. Cette décision a provoqué le départ de la filiale tchèque d'EPH, le mastodonte énergétique détenu par  » pour ne plus devoir lui voler au secours.

    « L’exception bancaire » à la française

    En France, le sujet de la taxation des superprofits des banques n’a quasiment aucun écho, au motif que son secteur bancaire est « particulier ». Une exception à la française que s’évertue à rappeler les défenseurs des intérêts des banques, exécutif compris : les profits exceptionnels des banques françaises seraient ainsi « plus faibles » que ceux des autres pays. Chez nous, la plupart des crédits sont certes octroyés à taux fixes, contrairement aux taux variables couramment appliqués en Espagne, en Italie, en Suède ou encore en Grande-Bretagne. Autrement dit, ce ne sont que les nouveaux prêts qui rémunèrent bien mieux.

    De plus, la France se distingue par la structure de son épargne. La part de l’épargne réglementée (Livret A, LEP, LDD, LDDS), c’est-à-dire dont les taux sont fixés par l’État en fonction – partiellement – de l’inflation, y est particulièrement importante : elle représente en effet quelque 915 milliards d’euros (soit 15 % du patrimoine des Français). Ainsi, le taux du livret A est par exemple passé progressivement de 0,5 % en 2002 à 3 % en 2023. Ce qui, constate l’Observatoire de l’épargne réglementée, incite les Français à réallouer leur argent de leurs comptes courants (non rémunérés) vers ces produits d’épargne réglementée (+34 % d’encours) et qui, rappelle la Fédération bancaire française, « impacte les coûts de financement des banques » françaises.

    Pour autant, l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) a noté elle-même que les revenus des six grands groupes bancaires français (BNP Paribas, Société Générale, groupe Crédit Agricole, Groupe BPCE, Groupe Crédit Mutuel, et La Banque postale) ont atteint en 2022 « un plus haut historique » et que « le coût du risque, bien qu’en hausse, reste à un niveau historiquement faible ». En outre, « la qualité de leurs actifs […] se maintient à un bon niveau » et « leur situation de solvabilité demeure solide » alors que les banques françaises disposent « de réserves de liquidités dépassant largement les exigences minimales, mais aussi d’un refinancement assis sur des ressources diversifiées ». Ainsi, « bénéficiant de la hausse des taux et de la poursuite de la croissance des encours de crédits, la marge nette d’intérêt (MNI), qui représente 46 % du PNB, a progressé de 7,2 % » en un an (une année qui était déjà faste, rappelons-le), à 77 milliards d’euros.

    Certes, en moyenne, les autres banques européennes ont enregistré une croissance de leur MNI de 15,7 %, profitant « d’une transmission beaucoup plus rapide de la remontée des taux sur la rémunération de leurs actifs ». Et en effet, au premier semestre 2023, les banques françaises ont annoncé une diminution de leur marge d’intérêt. Mais en réalité, l’exception à la française n’aura fait que retarder les effets de la hausse généralisée des taux sur ses bénéfices. « Les banques françaises devraient continuer de bénéficier à moyen terme de la hausse des taux d’intérêt », confirme l’APCR. D’autant que le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a récemment décidé de geler le taux des livrets A et des LDDS à 3 %. Et ce, jusqu’en 2025. De quoi soutenir encore la rentabilité des fleurons français de l’industrie bancaire.