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    Chypre: les capitaux russes en fuite

    Lien publiée le 27 mars 2013

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Mediapart) « Le casino est fermé », assurait le ministre des finances, Pierre Moscovici, pour justifier le dur plan de sauvetage imposé par l’Europe à Chypre. Certes, les habitants vont payer un lourd tribut, l’économie chypriote étant menacée d’effondrement : les premières projections économiques parlent d’une chute entre 5 % et 20 % du PIB en 2013. Un scénario qui s’apparente à celui de la Grèce. Mais l’Europe, a-t-il été expliqué, a au moins mis un terme à un paradis fiscal. Les capitaux mafieux, l’argent de l’évasion fiscale et du blanchiment allaient aussi payer leur dîme.

    Enfin, certains seulement. Car dans son nouveau plan, l’Europe a supprimé la taxation de 4 %, qui avait été prévue dans la première mouture du plan, sur les dépôts des filiales des banques étrangères, pour la plus grande satisfaction des grandes banques européennes. Pour mémoire, BNP Paribas compte dix filiales à Chypre, le Crédit agricole cinq, la Barclays une dizaine, Deutsche Bank et Commerzbank sont aussi présentes tout comme des banques israéliennes ou des émirats.

    L’appel du président de BNP Paribas, Baudoin Prot, passé relativement inaperçu la semaine dernière, souhaitant que les Russes participent au renflouement de Chypre, tend à prouver, s’il en était besoin, que le risque pour les établissements bancaires européens avait sans doute été sous-estimé.

    L’Europe s’est empressée de corriger cette erreur. Profitant de sa volonté de réparer la tragique faute d’imposer tous les dépôts bancaires, ce qui remettait en cause son engagement de garantir les dépôts jusqu’à 100 000 euros, elle a donc supprimé aussi cette taxation sur les dépôts des filiales des banques étrangères. L’argument lui avait été donné par les milieux financiers : il était injuste de pénaliser les banques saines pour les fautes de ses concurrentes.

    Mais, au fil des informations, il apparaît aussi que les capitaux russes ou autres, réfugiés dans les banques chypriotes, ont toutes les chances de passer au travers, contrairement à ce qu’affirment les responsables européens. Il semble bien que beaucoup ont déjà quitté Chypre. Alors que tous les mouvements de capitaux sont officiellement gelés depuis dix jours, que les banques sont fermées, certains observateurs s’étaient déjà interrogés sur de curieux mouvements de transferts bancaires. Comment est-il possible dans ces conditions que la BCE, dans ses comptes internes du système interbancaire dans la zone euro, dit Target 2, fasse état de sortie de capitaux de Chypre, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, malgré la fermeture bancaire ?

    La fermeture des banques n’a manifestement pas été perdue pour tout le monde. Un site financier Zero Hedge assure : « Les mêmes oligarques ont pu profiter de cette semaine de chaos total dans le système bancaire pour transférer la masse d’argent qu’ils ont déposée dans l’une des principales banques chypriotes. »

    À l’appui de cette affirmation, il pointe une dépêche de Reuters. « Pendant que les Chypriotes ordinaires faisaient la queue devant les distributeurs automatiques pour retirer quelques centaines d’euros, puisque toutes les opérations par carte étaient arrêtées, d’autres déposants utilisaient un éventail de techniques pour récupérer leur argent. Personne ne sait exactement combien d’argent a quitté les banques chypriotes et où il est allé. Mais les deux banques au centre de la crise – banque populaire de Chypre connue sous le nom de Laiki (appelée à disparaître) et la banque de Chypre ont des antennes à Londres qui sont restées ouvertes tout au long de la semaine et qui n’étaient pas placées sous la limitation des retraits », souligne l’agence. « La banque de Chypre possède également 80 % de la banque russe Uniastrum, qui n’a pas posé de limite aux retraits », relève-t-elle.

    La question étant hautement sensible, le ministre britannique des finances, George Osborne, a rappelé ce mardi au Parlement que tous les dépôts dans les filiales britanniques des banques chypriotes relevaient de la loi britannique et étaient protégés. Cette mise au point était naturellement juste faite pour donner l’assurance du bon fonctionnement de l’administration britannique dans cette période troublée...

    Avertissement à la Lettonie

    Ce qui est vrai pour les banques chypriotes, l’est aussi pour les banques étrangères. Beaucoup ont dû profiter de cette période d’incertitude et de l’opacité du système pour transférer dans la plus grande discrétion un grand nombre de leurs avoirs hors de Chypre. En une semaine, la situation du gouvernement chypriote a ainsi totalement changé : le vendredi 15 mars, il était encore assis sur la masse des dépôts étrangers, le dimanche 24 mars, l’or avait fondu et il n’avait plus qu’à plier devant les exigences de la Troïka.

    Combien d’argent a pu s’envoler ainsi de Chypre ? Interrogé sur la fuite des capitaux de Chypre, le ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, a refusé de donner la moindre indication, tout en disant que la BCE regardait de près la situation. Les montants semblent suffisamment significatifs pour qu’elle s’en inquiète. Toujours, selon la même dépêche Reuters, un responsable de la banque centrale avoue que l’institution a averti la Lettonie sur les risques d’accueillir l’argent russe en provenance de Chypre. « Cela devait être clair pour nos amis lettons que s’ils veulent rejoindre l’euro, ils ne devaient pas offrir un asile à l’argent russe sortant de Chypre. »

    Un signe supplémentaire ne trompe pas. En découvrant les projets de taxation la semaine dernière, le gouvernement russe a fait savoir sa colère et son irritation. Les responsables à Moscou n’avaient pas de mots assez durs pour dénoncer une confiscation « jamais vue depuis la révolution de 1917 » (sic). Même si le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, dénonce encore le vol commis à Chypre, le ton a nettement baissé. Vladimir Poutine s’est dit ouvert pour renégocier le prêt de 2,5 milliards d’euros consenti au gouvernement chypriote, en accord avec les autorités européennes.

    De son côté, un responsable financier russe minimise l’exposition russe dans l’éclatement de Chypre : alors que le montant des dépôts et des avoirs russes était chiffré jusqu’alors à environ 23 milliards d’euros, soit le tiers des avoirs déposés à Chypre, il ne le chiffre plus qu’à une dizaine de milliards. Interrogé par le Guardian sur les conséquences de la crise chypriote pour lui, l’oligarque Alexander Lebedev a annoncé qu’il risquait de perdre 10 000 euros. « Cela ne vaut pas la peine d’en parler », a-t-il dit.

    Alors que le gouvernement chypriote, terrorisé par les perspectives d’une panique bancaire et d’un écroulement de son système financier, a repoussé à nouveau l’ouverture des banques à jeudi, le mouvement de fuite, dans toute l’opacité du système financier, risque de se poursuivre. Zero Hedge tire la conclusion de cette fuite cachée. « Les retraits furtifs des Russes signifient que les deux méga-banques sont désormais totalement asséchées et que les décotes imposées à ceux qui ont encore des comptes non garantis (au-dessus de 100 000 euros) dans les deux banques seront beaucoup plus importantes que prévu et pourraient aboutir à un effacement complet des avoirs. »

    En d’autres termes, conclut-il, « actuellement tous les grands fonds russes à Chypre sont partis et les dommages sont portés par les locaux. (…) Il va devenir évident que les seuls vraiment punis par le plan de ce week-end ne sont par les milliardaires russes diaboliques mais les petites entreprises locales et les individus moyennement fortunés. Il y aura sans doute très peu de ceux venus de l’ancien “empire du mal” ».