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    Procès UIMM : les accusés confirment les enveloppes aux bureaucrates

    Lien publiée le 15 octobre 2013

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    (Les Echos) Denis Gautier-Sauvagnac a confirmé ce lundi au tribunal correctionnel de Paris que les syndicats étaient bien les bénéficiaires des enveloppes d’argent liquide de la puissante fédération patronale de la métallurgie.

    C’est une des vertus de l’audience correctionnelle dans certains cas, dans ce lieu clos, il fait bon, il fait chaud, on est entre soi et les juges posent des questions sans se lasser. Résultat au bout d’une semaine d’audience, allez expliquer pourquoi, les langues se délient. Surtout si l’ensemble des parties y ont intérêt.

    C’est Denis Gautier-Sauvagnac qui a commencé ce lundi à libérer la parole. Il comparait depuis une semaine avec huit autres prévenus et l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) en tant que personne morale. La justice s'interroge sur la destination de quelque 16 millions d'euros retirés en liquide entre 2000 et 2007 des caisses de l'Entraide professionnelle des industries et des métaux (Epim), une structure de la puissante fédération patronale destinée à apporter « un appui moral et matériel » à ses adhérents subissant un conflit du travail.

    « Je voudrais confirmer les propos de Monsieur Leenhardt »

    « J’ai peur de ne pas avoir été assez clair », a commencé l’ancien président délégué général. De fait il va être beaucoup plus précis que lors de sa précédente audition mercredi dernier . « Je voudrais confirmer les propos de Monsieur Leenhardt : les destinataires des fonds sont bien les syndicats. Ces contributions étaient une forme de l’appui que depuis des décennies l’UIMM apportait à des organisations de salariés et patronales. Cette contribution prenait deux formes. D’un côté des achats d’espace publicitaire à prix d’or, des locations de stand ou l’achat de journaux - mais cela n'était pas suffisant, c'était un prétexte qui avait ses limites - ; alors l’autre façon c’était la remise d’espèces. Une participation directe et donc discrète ».

    L’ancien président de l’UIMM Arnaud Leenhardt (1985-1999) avait affirmé mercredi dernier devant le tribunal que les bénéficiaires de la « caisse noire » de la puissante fédération de la métallurgie étaient « les cinq syndicats représentatifs ». Selon lui, le CNPF (ancêtre du Medef) aurait également touché des enveloppes.

    « Je suis coincé, je ne peux pas aller plus loin »

    Alors les propos de Denis Gautier Sauvagnac, qui s’est longtemps tu sur les destinataires des fonds, mettent les juges en alerte. « Quel étaient les syndicats ? », interroge Benjamin Blanchet, un des juges. « Je confirme les propos de Monsieur Leenhardt », redit Denis Gautier Sauvagnac, bavard mais jusqu’à un certain point. « Quelles étaient les personnes physiques ? », insiste Christophe Vacandar, un autre juge. « Je ne peux trahir la confiance que m’ont fait ces personnes, c’est contraire à mes convictions, à mes valeurs. Je suis coincé, je ne peux pas aller plus loin », réaffirme-t-il.

    « Comment être certain que ces sommes allaient bien aux syndicats », réattaque Benjamin Blanchet. « Les personnes physiques étaient mandatées par leur syndicat »,explique Denis Gautier Sauvagnac, qui estime déjà qu’il en a dit assez. Ainsi des « clefs de répartition » affectées à chaque syndicat : « Mon prédécesseur m’a donné les montants et je les ai maintenu », explique-t-il. Avant d’ajouter quand même « Un de mes interlocuteurs m’a dit que j’étais plus radin que mon prédécesseur ».

    « C’était… comme un abonnement »

    « Comment répartissiez-vous ces sommes, était-ce au plus représentatif, au plus complaisant », demande le juge. «Aucune complaisance, bien sûr, c’était… comme un abonnement », explique Denis Gautier Sauvagnac, qui se veut décidément aujourd’hui pédagogique.

    Interrogé à sa suite, Dominique Lalande de Calan, l’ex-délégué général adjoint de l’UIMM, parle aussi. Des chèques versés pour acheter un stand à la Fête de l’Huma, des enveloppes, des modes de « fluidification » du dialogue social… le tout dans un univers de silence. « Je pense que certains auraient perdu leur mandat et leur emploi si ça c’était su »...

    Ce monde du silence décrit si bien par la comptable de l’UIMM interrogée ensuite. Dominique Renaud a passé trente ans à l’UIMM, trente ans de bons et loyaux services, où « on ne peut se permettre de demander à quoi servent les fonds », que la comptable consciencieuse retire toutes les semaines en liquide (200.000 euros tous les vendredi).« Pendant 30 ans je me suis tu, même ma famille ne le savait pas, alors c’était difficile de parler à des gens que je ne connaissais pas ». « Mais enfin », s’offusque la présidente du tribunal, Agnès Quantin, « c’était quand même des policiers ! » Là encore Dominique Renaud se tait.

    Personne ne veut être le premier à lâcher les noms

    Bref l’UIMM c’est un peu le monde du silence mais en moins glamour. On sent bien à cette audience que chacun aimerait que l’un d’entre eux « lâche le morceau ». L’UIMM, comme personne morale d’abord. Pour bien montrer que le syndicat patronal est définitivement sorti de cette ère des enveloppes. Qu’il a désormais une autre conception du dialogue social.

    Toutes les questions de l’avocat de l’UIMM vont dans ce sens. « Pourquoi ne nous dites-vous pas les noms des personnes à qui vous remettiez les enveloppes ? » a martelé Jean Reinhart à l’adresse de Denis Gautier Sauvagnac, lors de son interrogatoire de mercredi. Faire donc du passé table rase en vidant l’abcès. Denis Gautier Sauvagnac aimerait bien que d’autres de ses collègues parlent, car lui dit se vouloir droit dans ses bottes et manquerait « à ses convictions et à ses valeurs » en livrant des noms. Mais les autres sans doute non ? Dans tous les cas les noms sortis pourraient lui éviter d’avoir à répondre d’abus de confiance. Bref tout le monde a intérêt à livrer des noms mais personne ne veut être le premier à les lâcher.

    L’audience, qui se poursuit encore ce lundi soir avec l’interrogatoire de Bernard Adam, ex-directeur administratif et financier, reprendra ensuite mardi à 13 h 30.


    Rappel des faits
    L’enquête judiciaire débute en septembre 2007 par un signalement au parquet de Paris de Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy, qui elle-même avait été alertée trois ans plus tôt par une banque sur d’importants retraits en liquide opérés par l’UIMM. L’instruction va révéler au public l’existence de la caisse « Epim » (entraide professionnelle des industries et des métaux). Créée par l’UIMM en 1972 pour apporter« un appui moral et matériel » à ses adhérents subissant un conflit collectif du travail et ayant versé pour cela 2% du montant de leur masse salariale brut annuelle (0,4% depuis 2001). Fin 2006, le magot ainsi amassé avoisinait les 600 millions d’euros.
    La justice reproche à Denis Gautier-Sauvagnac d’avoir abusé de la confiance des adhérents en utilisant en toute opacité, une partie du pactole à des fins contraires au but de l’Epim et à la légalité. Près de 18 millions d’euros ont été retirés en espèces et sans contrôle des autres responsables de la fédération par Denis Gautier-Sauvagnac de comptes spéciaux alimentés par l’Epim entre 2000 et 2007.
    Toutes les traces comptables ont été détruites. Si une partie de cette somme a été retrouvée, il reste un solde de 15,6 millions sur lequel la justice a enquêté. Devant le juge, le patron de l’UIMM a justifié l’utilisation de ces fonds « en trois paquets » : l’un pour des compléments de rémunération, un deuxième pour des dépenses de caisse et un troisième pour « fluidifier les relations sociales ». Interrogé sur le nom des bénéficiaires, l’ex-patron de l’UIMM a toujours gardé le silence. Mais pour Dominique de Calan, les acteurs de cette « régulation sociale » seraient « les associations, les partenaires sociaux, les intellectuels, les médias et les pouvoirs publics ». Il a reconnu avoir lui-même remis des fonds à des organismes liés à la vie universitaire.
    Pour le directeur des études de l’UIMM Daniel Gagliardi, « tous les syndicats », y compris la CGT, auraient « bénéficié des aides » de la fédération de la métallurgie.