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    Sapir: la fin de l’euro s’impose

    Lien publiée le 23 mai 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Tribune de Jacques Sapir dans "Le Monde" 

    Le débat s'amplifie aujourd'hui sur l'euro. De nombreux économistes se sont prononcés pour une dissolution de la monnaie unique, comme Bernard Maris,conseiller économique à la Banque de France, Jacques Mazier, Alain Cotta ou Frédéric Lordon, ainsi que de nombreux économistes européens ou américains. Dans cette liste, on compte non seulement des économistes de premier plan, mais aussi des professionnels réputés et d'anciens responsables des banques centrales. Certains d'entre eux se sont d'ailleurs associés dans l'European Solidarity Manifesto. Plusieurs journalistes économiques de premier plan, dont le rédacteur en chef adjoint de L'Expansion, ont pris position très nettement pour une sortie de l'euro dans un livre récent. Ce n'est pas sans raison.

    Les attentes suscitées par l'euro étaient nombreuses. Certains prédisaient que son existence seule se traduirait par une croissance importante et qu'il engendrerait une unification des marchés européens. Il n'en fut rien et le bilan est sans appel, qu'il s'agisse de l'euro lui-même ou qu'il concerne ces économistes qui ont « vendu » la monnaie unique aux politiques et aux populations. L'écart est dramatique entre ce que l'on espérait de l'euro et la réalité. Il était, hélas, prévisible.

    En matière de croissance, si l'on regarde les années 2000 à 2008, c'est-à-dire jusqu'à la crise des subprimes, on voit qu'il a provoqué un fort ralentissement sur les pays qui l'ont adopté. Il suffit de comparer les taux de croissance annuelle entre pays de la zone euro et le reste des pays développés. On constate par ailleurs que cette situation s'est aggravée avec la crise. Sur la période 2007-2011, le taux de croissance annuel de la zone euro (0,4 %) est bien plus faible que celui des Etats-Unis (1,3 %). L'effet de freinage sur la croissance dû à l'existence de l'euro est indéniable. L'impact de la crise de la monnaie unique sur les divers pays membres de la zone euro mérite que l'on s'y attarde.

    Seule l'Allemagne a vu son produit intérieur brut (PIB) s'accroître de manière conséquente par rapport à 2008 (3,34 %). La France, elle, stagne (0,72 %), et l'on constate une chute importante pour les autres pays comme la Grèce (– 23,3 %), l'Espagne, l'Italie et le Portugal.

    On affirme souvent que ces pays ont rétabli leur balance commerciale. Mais on oublie de préciser que ce fut au prix d'une contraction drastique et dramatique de l'investissement et de la consommation.

    NE NOURRIR AUCUNE ILLUSION

    La hausse du chômage a été spectaculaire. Il atteint aujourd'hui 28 % en Grèce, 26 % en Espagne, plus de 16 % au Portugal et, en chiffres réels, sans doute 14 % en France et en Italie. On ne doit donc nourrir aucune illusion quant aux effets des politiques d'austérité qui sont en train de tuer, au propre comme au figuré, une grande partie de l'Europe. L'impact des politiques qui n'ont été mises en oeuvre que pour « sauver » la monnaie unique dépasse de loin les frontières de l'Europe.

    Le taux de change de l'euro est poussé à la hausse par les excédents allemands. Il évolue actuellement entre 1,35 et 1,40 dollar. Excellent pour l'industrieallemande, ce taux est insupportable pour les autres pays. Un niveau proche de 1,10 dollar pour 1 euro correspondrait à la France, et pour l'Italie et l'Espagne il faudrait qu'il soit compris entre 1,05 et 0,95 dollar.

    Il ne peut donc y avoir un taux de change unique correspondant aux différentes économies. L'ampleur de l'écart des taux de change d'équilibre pour les différents pays signe l'impossibilité de faire fonctionner la monnaie unique sans provoquerune catastrophe au niveau européen et, au-delà, dans l'économie mondiale. Il faut en prendre acte, et dissoudre la monnaie unique européenne sans plus tarder.

    • Jacques Sapir (Economiste, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS))