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    Laurent Mauduit: A tous ceux qui applaudissent la débâcle qui vient

    Lien publiée le 27 septembre 2014

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-mauduit/270914/tous-ceux-qui-applaudissent-la-debacle-qui-vient

    François Bazin a de la suite dans les idées. Rédacteur en chef du service politique du Nouvel Observateur, il s’est fait depuis de longues années la spécialité de voler au secours des hiérarques socialistes dès qu’ils sont en mauvaise posture dans l’opinion.  C’est sa cause, c’est son combat, c’est son obsession : dès qu’un dirigeant socialiste est mis en cause, dès que le Parti socialiste lui-même va de travers, ou tourne même le dos à ses valeurs anciennes, dès qu’un gouvernement à ses couleurs verse dans l’ornière et obéit aux injonctions du Medef, plutôt qu’à celles de ses électeurs, il cherche aussitôt à faire rempart de son corps. Ou plutôt de sa plume. Pour brocarder avec férocité quiconque s’inquiète ou s’indigne. Pour morigéner les électeurs de gauche, s’ils ont la gueule de bois. Pour sermonner quiconque sonne le tocsin ou invite au sursaut.

    C’est dire si par les temps qui courent, plutôt sinistres pour la gauche et même en certains jours carrément glauques, François Bazin n’est pas avare de sa plume. Comme d’un gros bâton, il en use pour éreinter sinon même matraquer quiconque ose tenir la chronique des dérives socialistes ou invite à débattre des risques qu’elles font encourir au pays. Sus aux impies ! Avec rage, avec colère, avec emportement, notre chroniqueur pourfend quiconque rue un peu dans les brancards ou joue les insolents. Les frondeurs, les indignés, qui n’en reviennent toujours pas que François Hollande aient à ce point tourné le dos à ses engagements de campagne, il les guette, il les piste, il les ferre comme personne.

    Quand mon livre « A tous ceux qui ne se résignent pas à la débâcle qui vient » (Editions Don Quichotte) lui est tombé entre les mains, on devinera donc sans peine la formidable colère qu’il a senti monter en lui. Quoi ! Oserait-on prétendre que François Hollande a renié, le jour même où il a accédé à l’Elysée, les engagements qu’il avait pris vis-à-vis de ses électeurs ? Oserait-on écrire qu’à la différence de ses glorieux prédécesseurs, en 1936 ou en 1981, il n’a pas même eu l’énergie ni le courage de conduire une politique de gauche ne serait-ce que quelques mois mais a rendu les armes dès le premier jour ? Derechef, François Bazin, rouge de colère, s’emporte et fait valoir que tout cela est pure invention (dans une chronique que l'on peut consulter ici).

    La démonstration tient en quelques lignes : « S'agissant tout d'abord de Hollande, de sa campagne puis de la trahison à laquelle le nouveau président se serait livré, dès le lendemain du 6 mai 2012, Mauduit commence par se tromper de diagnostic et, du même coup, de cible. Il repeint ainsi en rose vif un candidat qui, dès la campagne de primaire, avait fait pourtant le choix, ô combien tactique, de n'offrir aucune prise à ses adversaires, de gauche comme de droite. Jamais dans l'histoire de la présidentielle, un candidat socialiste n'avait offert aux électeurs un programme aussi plat. Jamais – sauf peut-être Mitterrand en 1988, mais dans tout autre un contexte – on avait vu le principal champion de la gauche faire sciemment preuve d'aussi peu d'imagination. Pour vaincre à tout coup, Hollande en 2012 s'est laissé porter par la vague de l'anti-sarkozysme. D'où son slogan ("Le changement, c'est maintenant") dont la surface projective, comme on dit en marketing, était d'autant plus large qu'il n'offrait guère de précision sur la nature réelle du changement annoncé. »

    A entendre François Bazin, c’est donc faire un bien mauvais procès à François Hollande que de lui reprocher d’avoir violé ses engagements de campagne pour la bonne et simple raison qu’il n’en avait a pris… aucun !

    Pour écrire cela, il faut certes, une sacrée dose de mauvaise foi. Passez muscade ! François Bazin fait donc mine d’oublier les promesses faites par le candidat socialiste pendant la campagne présidentielle et qui ont lourdement contribué à sa victoire. La promesse de mener la guerre à la finance et d’organiser une véritable partition des banques ; la promesse d’impulser une véritable révolution fiscale imposant un peu plus les plus riches et un peu moins les plus pauvres ; la promesse de relancer le pouvoir d’achat, notamment en donnant des coups de pouce au Smic ; la promesse de ne pas fermer le site de Florange ; etc…

    Non ! Tout cela, François Bazin fait mine de ne plus s’en souvenir. Tout cela est faux, tout cela n’a pas existé. CQFD ! François Hollande n’a rien trahi puisqu’il n’avait rien promis. Autre façon d’expliquer avec morgue que les promesses n’engagent que les imbéciles d’électeurs qui y croient…

    Emporté par sa sainte colère, notre chroniqueur du Nouvel observateur, qui a visiblement ses entrées rue de Solferino et ne supporte pas plus que l’on formule la moindre critique à l’encontre du maître des lieux, n’en reste pourtant pas à cette première démonstration. Il va encore au-delà, et mène la charge contre quiconque a le front de rappeler que François Hollande avait aussi promis qu’il serait le président d’une République exemplaire.

    Alors oser rappeler que le premier secrétaire du Parti socialiste, promu à ce poste par une révolution de Palais appuyé par l’Elysée, a fait l’objet dans le passé de deux condamnations pénales pour des faits qui ont à voir avec la probité publique ; établir de manière indiscutable qu’il a obtenu une mystérieuse dispense d’abord pour obtenir une licence puis une nouvelle dispense pour décrocher une maîtrise ; apporter la preuve irréfutable qu’il a commis un plagiat pour l’un de ses livres sinon une contrefaçon… voilà qui est un sacrilège ! Comme il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, François Bazin se bouche les oreille et, trempant sa plume dans le vinaigre, jure ses grands dieux que tout cela n’est que « rumeurs », « ragots » et « vilenies ».

    Ben voyons ! En certain pays, il est des condamnations pénales touchant à des questions de probité publique qui entraînent une inéligibilité à vie des dirigeants politiques concernés. François Bazin, lui, préfère instruire le procès des journalistes qui exercent leur devoir de mémoire et pratiquent de longues investigations. Il n’imite pas même son confrère de RTL Jean-Michel Apathie lors de l’affaire Cahuzac qui éructait contre Mediapart : « Des preuves ! Des preuves ! Des preuves !... » Non, Français Bazin réalise une prouesse journalistique encore plus remarquable :  sous sa plume, le malaise qui étouffe le pays du fait de la politique suivie n’existe tout simplement pas ! Pas plus que n’existe l’indignation d’innombrables citoyens face à des affaires à répétition, de l’affaire Cambadélis jusqu’à l’affaire Cahuzac en passant par l’affaire Aquilino Morelle…

    François Bazin pense-t-il un seul instant que les faits que je rapporte mériteraient au moins, de sa part, des vérifications complémentaires ? Nenni ! Dans l’univers où il évolue, du siège du Parti socialiste jusqu’aux palais de la République, un journaliste de son rang ne s’abaisse pas à enquêter, à vérifier les informations qu’il obtient, à les recouper. Non ! Sûr de lui, il assène ses vérités. Forcément, tout cela n’est donc que « rumeurs », « ragots » et « vilenies ». Forcément…

    Cet autisme délibéré dont François Bazin fait preuve, aussi bien sur la politique économique et sociale que sur le front des affaires entachant la présidence Hollande, on pourrait, certes, ne guère y attacher d’importance. Car cela fait belle lurette que le Nouvel Observateur a rompu avec les valeurs qui ont présidé à sa fondation et que certains de ses hiérarques affichent une proximité constante avec quelques dignitaires socialistes, préférant au journalisme d’enquête un journalisme de complaisance ou de révérence.

    Et pourtant, dans cette agressivité que mon confrère manifeste à mon endroit, il y a une forme d’aveu, qui a plus d’importance qu’il n’y paraît. Car si au lieu de débattre du naufrage que je décris de la planète socialiste, si au lieu de discuter des voies et des moyens d’un sursaut, il use d’invectives et d’anathèmes à mon égard, c’est qu’il sent bien, envers et contre tout, que l’heure est grave. C’est qu’il comprend bien qu’il faut répondre aux interrogations que je soulève sur l’impasse vers laquelle nous conduit François Hollande. Car ces interrogations que je formule, ce ne sont pas seulement les miennes. Ce sont celles, et mon contradicteur le sait bien, d’une multitude de Français qui sont sidérés que le chef de l’Etat ait à ce point piétiné les engagements qu’il avait pris devant eux ; ce sont celles d’innombrables élus, y compris des élus socialistes, et pas seulement des frondeurs, dont beaucoup tiennent des propos encore plus sombres ou sévères que moi. Sur l’état présent de la gauche, comme sur l’état de leur propre parti.

    Alors, puisque j’avais conçu mon livre comme une invitation « à tous ceux qui ne se résignent pas à la débâcle qui vient », je me prends à penser qu’il est peut-être utile que je formule une invitation symétrique. Une autre invitation à l’adresse de tous ceux qui font mine d’applaudir cette débâcle qui approche.

    Car je pose cette question à mon confrère : cet état des lieux que je dresse dans mon livre de manière très méticuleuse des reniements de François Hollande, ce diagnostic que j’établis d’une politique économique stupéfiante, tout entière dessinée pour satisfaire le Medef, cette colère qui gronde, élection après élection, dans les rangs des électeurs de gauche, ne serait-il pas utile d’en débattre avant qu’il ne soit trop tard ? Avant que la menace Sarkozy ne se précise, avant que la menace Le Pen n’enfle encore davantage...

    On peut certes se fermer les yeux et ne pas vouloir regarder en face les graves dangers qui menacent la gauche et, au-delà la République elle-même. Mais, je pose la question à mon confrère : laissant de côté les polémiques inutiles, l’état gravissime dans lequel se trouve la gauche ne mérite-t-il pas un débat sérieux, sans anathème ni invective ?

    C’était cela ma première ambition en écrivant ce livre : inviter au débat. Chiche ?